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Grenelle 1 et 2 - Réforme de l'enquête publique : le projet de décret soumis à consultation

Le contenu du décret visant à mettre en oeuvre la réforme de l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement, engagée dans le cadre des lois Grenelle 1 et 2, est enfin dévoilé. Le ministère de l'Ecologie a ouvert, jusqu'au 18 mars prochain, une consultation publique sur cet important projet de décret.

Le ministère de l'Ecologie vient de soumettre à consultation publique le projet de décret portant réforme de l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement, pris en application de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle 2. Cette réforme était actée dans la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite Grenelle 1, dont l'article 52 a posé pour objectifs de simplifier le régime de l'enquête publique et de mettre un terme à la multiplicité des types d'enquêtes régies par des dispositions propres. Son contenu est par ailleurs en phase avec les conclusions du rapport du professeur Yves Jegouzo "Etude d'impact d'une réforme de l'enquête publique", de juillet 2007.
Cette réforme, qui vise également à améliorer la participation du public en application notamment de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, regroupe les enquêtes publiques en deux catégories principales : l'enquête relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement régie par le Code de l'environnement et l'enquête d'utilité publique classique régie par le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (1). Le projet de décret intéresse la procédure applicable aux enquêtes publiques relatives aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement, dites "enquêtes publiques Bouchardeau" (art. 1 et 2), et procède aux modifications réglementaires rendues nécessaires par ce regroupement pour les réserves naturelles (art. 5), les sites inscrits et classés (art. 6) et les installations classées pour la protection de l'environnement (art. 7).

Champ d'application

La loi Grenelle 2 (art. 236 et suivants) a introduit une nouvelle définition de l'enquête publique, redéfini son champ d'application, son articulation avec les autres enquêtes publiques et les motifs de dispense d'enquête. L'enquête publique poursuit désormais deux objectifs principaux : assurer l'information et la participation du public, d'une part, assurer la prise en compte des intérêts des tiers, d'autre part. En application de ces dispositions, le projet de décret définit le champ d'application des enquêtes publiques environnementales (R.123-1 du Code de l'environnement). Les projets et décisions faisant l'objet d'une étude d'impact ou d'une évaluation préalable sont en principe soumis à une enquête publique, sauf exception.
Le projet de décret fournit ainsi la liste des projets qui tout en étant soumis à étude d'impact, sont exclus du champ de l'enquête publique en raison de leur caractère temporaire, de leur faible importance ou en raison du secret de la défense nationale. C'est le cas par exemple, des créations de zones de mouillages et d'équipements légers, des demandes d'autorisation d'exploitation temporaire d'une installation classée ou encore de certains défrichements. A l'inverse, peuvent être soumis à une enquête publique des catégories de projets qui ne font pas l'objet d'une étude d'impact ou d'une évaluation préalable, si la législation spécifique applicable à ces projets le prévoit. Tous les plans locaux d'urbanisme (PLU) font ainsi l'objet d'une enquête publique, même lorsqu'ils sont dispensés d'évaluation environnementale parce que le territoire est couvert par un schéma de cohérence territoriale (Scot). Tel est également le cas des cartes communales, des plans de sauvegarde et de mise en valeur et des plans d'exposition au bruit.

Déroulement de l'enquête

Le projet de décret a pour principal objet de déterminer la procédure et le déroulement de l'enquête publique environnementale. L'enquête intervient préalablement à chaque décision en vue de laquelle l'enquête est requise, ou à défaut avant le commencement de la réalisation des projets concernés (R.123-2). Le projet de décret détermine l'autorité compétente pour ouvrir, organiser l'enquête publique et en fixer la durée (R.123-3). Il s'agit en règle générale, de l'autorité compétente pour prendre la décision finale. Toutefois, lorsque l'enquête porte sur un projet réalisé par ou à l'initiative d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale, d'un des établissements publics qui lui sont rattachés ou d'un syndicat mixte, elle est ouverte et organisée par arrêté du président de l'organe délibérant. En revanche, l'ouverture d'une enquête préalable à une déclaration d'utilité publique demeure du ressort de l'Etat. En tout état de cause, la durée de l'enquête publique ne peut être inférieure à trente jours et ne peut excéder deux mois (R.123-6).
Lorsque la réalisation d'un projet est soumise à l'organisation de plusieurs enquêtes publiques dont l'une au moins sous le régime "Bouchardeau", il peut être procédé à une enquête unique. Ce regroupement suppose que les autorités compétentes désignent d'un commun accord celle qui sera chargée d'ouvrir et d'organiser cette enquête unique. Le projet de décret en définit les modalités d'organisation (R.123-7). Il fixe par ailleurs la composition du dossier d'enquête (R.123-8), qui le cas échéant peut comprendre des pièces complémentaires lorsque les réglementations particulières le prévoient. Les articles R.123-9 à R.123-11 définissent quant à eux les conditions d'organisation de l'enquête, notamment les éléments devant figurer dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête et les modalités de publicité.

Participation du public

L'accent est mis sur "l'articulation de l'enquête publique avec les concertations éventuellement conduites en amont et la prise en considération des observations du public et /ou des recommandations du commissaire enquêteur à l'issue de l'enquête", relève le rapport de présentation. Par ailleurs, le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication est développé. Dès l'ouverture de l'enquête, un exemplaire du dossier est adressé pour information à chaque commune sur le territoire de laquelle le projet est situé et dont la mairie n'a pas été désignée comme lieu d'enquête (R.123-12). Toutefois, cette formalité est réputée satisfaite lorsque les conseils municipaux concernés ont été consultés en application des réglementations particulières, ou lorsque est communiquée à la commune l'adresse du site internet où l'intégralité du dossier soumis à enquête peut être téléchargé. Le projet de décret prévoit en outre (R.123-13) les moyens dont dispose le public pour formuler ses observations, propositions et contre-propositions au cours de l'enquête. Il prévoit également une implication accrue de la personne responsable du projet, en lui permettant de produire ses éventuelles observations au vu des observations recueillies au cours de l'enquête dans un délai de quinze jours à l'issue de l'enquête (R.123-18).

Commissaire enquêteur

Le projet de décret définit par ailleurs, les modalités de désignation du commissaire enquêteur ou d'une commission d'enquête (R.123-5) et détaille les prérogatives dont il dispose (R.123-14 à R.123-17) : communication des documents, visite des lieux, auditions, réunions d'information et d'échange avec le public etc. Il précise également les conditions de leur indemnisation (R.123-25 à R.123-27) et les incompatibilités de fonctions (R.123-4). Les articles R.123-19 à R.123-21 organisent quant à eux les conditions dans lesquelles le commissaire enquêteur (ou la commission d'enquête) établit son rapport et ses conclusions motivées et les rend publiques.
Enfin, le projet de décret définit les modalités de clôture de l'enquête (R.123-18), ainsi que les conditions de suspension de l'enquête ou de réalisation d'une enquête complémentaire d'une durée maximale de quinze jours, lorsque le maître d'ouvrage apporte des modifications à son projet (R.123-22 et R.123-23). Il détermine également les conditions de prorogation de la durée de validité d'une enquête publique : cinq ans en principe avec une possible prorogation de cinq ans au plus (R.123-24).

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions


(1) Par cohérence avec les modifications apportées au régime des enquêtes publiques "environnementales", la loi Grenelle 2 (art. 239) soumet aux dispositions du Code de l'environnement les enquêtes publiques préalables à une déclaration d'utilité publique (régies en principe par le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique) portant sur des travaux d'aménagements, de constructions ou d'ouvrages ayant des effets sur l'environnement. Le projet de décret en tire les conséquences sur la partie réglementaire du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.