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Personnes handicapées - Réforme de l'AAH et création de 50.000 places en établissement

Très attendue, l'intervention de Nicolas Sarkozy devant la Conférence nationale du handicap a donné lieu à quelques annonces, en particulier sur l'AAH, l'intégration scolaire, l'emploi ou la création de places en établissement. Mais, faute d'un "revenu d'existence" équivalent au Smic, les associations restent sur leur faim.

Ouvrant, le 10 juin, la première Conférence nationale du handicap, réunie en application de l'Article 3 de la loi du 11 février 2005, Nicolas Sarkozy a présenté ses priorités en la matière. Celles-ci ont été ensuite déclinées par les différents ministres présents (Xavier Bertrand, Valérie Létard, Xavier Darcos et Laurent Wauquiez). Si le chef de l'Etat n'a pas annoncé de grande mesure emblématique, il a néanmoins présenté un certain nombre d'améliorations, parfois mêlées à des mesures déjà lancées ou rendues obligatoires par la loi de 2005.
En matière institutionnelle, Nicolas Sarkozy s'est tout d'abord félicité de l'achèvement du grand chantier de la mise en oeuvre de la loi Handicap. Il s'est toutefois avancé en se félicitant de la publication de l'ensemble des textes d'application. L'échéancier publié sur le site du Journal officiel montre en effet que quelques articles de la loi attendent encore leur texte d'application, même s'il est vrai que toutes les dispositions importantes sont désormais effectives.

Priorité à l'accès à l'emploi

Après la mobilisation du mois de mars autour du collectif "Ni pauvre, ni soumis", le chef de l'Etat était particulièrement attendu sur la question des ressources. Comme prévu, il n'est pas allé au-delà de son annonce de mars dernier sur la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 25% sur cinq ans. Il a en revanche confirmé la prochaine réforme de l'AAH - qui devrait intervenir dès la prochaine loi de finances - et en a précisé certaines composantes : réalisation d'un bilan professionnel pour toute demande d'AAH, refonte du barème en distinguant mieux selon la capacité ou non de travailler, attribution automatique de la RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) à toute personne reconnue capable de travailler, suppression de la condition d'inactivité (qui oblige une personne avec un taux de handicap entre 50 et 80% à rester sans emploi durant un an pour bénéficier de l'AAH), amélioration du cumul entre l'AAH et un revenu d'activité pour les 270.000 travailleurs handicapés bénéficiaires de cette allocation, ou encore ajustement trimestriel en fonction des revenus perçus les trois derniers mois (et non plus annuel en fonction des revenus perçus durant les deux dernières années)...
De façon plus large, Nicolas Sarkozy entend mettre l'accent sur l'accès au travail, dans le cadre d'un "Pacte pour l'emploi des personnes handicapées". Ces dernières bénéficieront d'un programme personnalisé d'accompagnement (déjà assuré en grande partie par le réseau des Cap Emploi, piloté par l'Agefiph). L'Etat s'engagera à aider les entreprises qui embauchent des travailleurs handicapés. En contrepartie, il se montrera plus sévère pour celles qui ne respectent pas le quota de 6%. Tout en se félicitant des progrès accomplis (+25% dans la Fonction publique de l'Etat), le président de la République a annoncé une augmentation de la taxe perçue par l'Agefiph à partir de 2010 (conformément à la loi de 2005). Cette contribution pourrait être portée à l'équivalent d'un Smic par tranche de 20 salariés. De même, la "réforme totale de la formation professionnelle" devrait mieux prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées.

Etablissements : un chantier ambitieux

Le second grand chantier concerne les établissements spécialisés. Nicolas Sarkozy a annoncé un plan de création de 50.000 places en cinq ans, dont 12.000 pour les enfants, soit un apport total de 1,5 milliard d'euros. "Un effort indispensable pour ne plus laisser les parents dans la crainte de mourir" et pour mettre un terme au "scandale" des "familles [...] obligées d'aller en Belgique", a expliqué le chef de l'Etat. Ces nouvelles capacités s'ajouteront aux 21.900 places supplémentaires créées dans le cadre du plan 2005-2007. Le nouveau plan devrait accorder une large place aux autistes (4.100 places), ainsi qu'aux adultes polyhandicapés ou lourdement handicapés.
En matière d'éducation, 10.000 élèves handicapés supplémentaires devraient être accueillis en milieu ordinaire. Intervenant après le chef de l'Etat, Xavier Darcos a annoncé la création de 200 unités pédagogiques d'intégration (UPI) dès la rentrée 2008, sans qu'il apparaisse toutefois clairement si celles-ci s'imputent ou s'ajoutent aux 2.000 créations avant 2010 déjà annoncées par le ministre de l'Education en juin 2007.
Enfin, le chef de l'Etat a évoqué plus rapidement deux autres dossiers importants. Sur le droit à compensation, il s'est contenté de rappeler la récente extension aux enfants de la prestation de compensation du handicap (PCH) et l'importance de l'accompagnement personnalisé des personnes handicapées. En matière d'organisation, il a évoqué "l'urgence d'améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées" (MDPH), afin que "toutes soient enfin à la hauteur des attentes des familles". Nicolas Sarkozy a par ailleurs annoncé qu'une fois réformées, les MDPH pourraient "devenir le socle des maisons départementales de l'autonomie qu'il est envisagé de créer dans le cadre de la mise en place du cinquième risque". Le chef de l'Etat accomplit ainsi un pas de plus dans le rapprochement entre le secteur du handicap et celui des personnes âgées.

Jean-Noël Escudié / PCA

Les associations voulaient plus de concret

Comme on pouvait s'y attendre, les associations n'ont guère manifesté d'enthousiasme suite à la Conférence nationale du handicap et aux propos du chef de l'Etat.
Ainsi, le président de l'Apajh (associations pour adultes et jeunes handicapés), Fernand Tournan, a estimé mardi qu'un "litige" persistait, "celui des ressources des personnes handicapées" : "Nous sommes, avec 628 euros, en dessous du seuil de pauvreté pour une personne qui vit seule à domicile, et même si on applique 25% d'augmentation d'ici cinq ans, on s'aperçoit que les personnes restent dans une situation de très grande précarité". L'Apajh juge toutefois "positive" la création de nouvelles places d'accueil sur cinq ans et le fait que Nicolas Sarkozy "veuille rompre avec le schéma de l'aide sociale" qui a tendance à "préorienter les personnes handicapées soit vers aide sociale soit vers travail".
De même, Jean-Marie Barbier, président de l'APF, regrette "qu'aucune réponse concrète à la mise en place d'un revenu d'existence" n'ait été donnée : "On oublie la moitié de cette population, ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler".
Enfin, selon le secrétaire général de la Fnath (accidentés de la vie), Arnaud de Broca, "il y a beaucoup de déclaratif, le chef de l'Etat a réaffirmé des choses déjà prévues par la loi". "Ce discours marque une volonté politique, mais on reste sur notre faim en termes de mesures concrètes", poursuit Arnaud de Broca, qui ajoute : "Certes, il vaut mieux que les gens travaillent, mais les personnes qui ont un taux d'incapacité entre 50 et 79% ont de vraies difficultés pour trouver du travail, on risque de les renvoyer vers le RMI et des ressources moindres".