Référendum d'initiative citoyenne : les députés en commission rejettent la proposition de loi
Portée par les députés de La France insoumise, la proposition de loi visant à instaurer le référendum d'initiative citoyenne sera discutée en séance publique le 21 février. Examiné et rejeté par la commission des lois le 13 février, le texte a fait l'objet de réserves de députés de tous bords. Si le principe du RIC n'est pas totalement écarté, la plupart plaident pour un assouplissement du référendum d'initiative partagée.
La proposition de loi constitutionnelle visant à instaurer la possibilité de référendums d'initiative citoyenne (RIC) a été rejetée le 13 février par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Porté par le groupe La France insoumise (LFI) dans le cadre de la "niche parlementaire" du 21 février 2019 où il sera alors défendu en séance publique, le texte vise à répondre à une revendication devenue rapidement centrale dans le mouvement des gilets jaunes. Permettant à des citoyens de déclencher collectivement un référendum, le RIC – appelé également référendum d'initiative populaire – existe en Suisse, en Italie ou encore en Californie. En France, son instauration a été demandée dès les années 1980 par des personnalités politiques aussi diverses que l'écologiste Brice Lalonde et le fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen, comme en témoignent ces images d'archive.
Selon un sondage Ifop diffusé le 6 février, environ deux tiers des Français sont aujourd'hui favorables au principe de cette consultation. Le RIC fait par ailleurs l'objet depuis le 21 décembre dernier, et ce jusqu'au 22 février, d'une consultation spécifique sur la plateforme de l'association Parlement & Citoyens.
RIC législatif, abrogatif, révocatoire et constituant
"Le peuple revendique son droit à se gouverner", a justifié en préambule le rapporteur Bastien Lachaud (LFI, Seine-Saint-Denis), devant ses collègues de la commission des lois. "Les taux d’abstention témoignent de la délégitimation globale des institutions et des élu·e·s qui les animent", peut-on lire dans la proposition de loi. Il s'agirait donc pour y remédier de "permettre l’initiative citoyenne de référendums, suite à la pétition d’une partie du corps électoral pertinent (national pour ce qui concerne la loi, sur la circonscription d’élection pour la révocation des élu·e·s locaux)".
Quatre types de RIC sont proposés : législatif – "Le peuple a droit de proposer les lois, et de les approuver par référendum", abrogatif - "droit d’initiative pour abroger les lois votées en son nom par ses représentants", révocatoire – "droit de révoquer ses représentants qu’il a élus" et constituant - "droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution". Le texte fixe à 2% du corps électoral le seuil à partir duquel des citoyens, via leurs signatures, déclenchent la tenue d'un référendum localement ou nationalement.
Abaisser les seuils de déclenchement du RIP...
Un seuil jugé particulièrement bas par nombre de députés de différents bords. 2% au niveau national, "c'est 900.000 personnes pour la France (…) avec cette parcelle de la société on peut remettre en cause beaucoup de choses", a ainsi réagi Sacha Houlié (LREM, Vienne). Dans la lignée des propos du président de la République et du Premier ministre, le député a sans ambiguïté exprimé son opposition au principe du RIC, tout en évoquant la possibilité d'améliorer le référendum d'initiative partagée (RIP).
Prévu par la réforme constitutionnelle de 2008 et entré en vigueur seulement en 2015, le RIP est un référendum résultant d'une initiative parlementaire soutenue par des citoyens. Encadrée par l'article 11 de la Constitution, cette possibilité n'a toutefois jamais été utilisée du fait de conditions jugées trop restrictives. La proposition de loi doit en effet être signée par un cinquième des parlementaires, à la fois des députés et des sénateurs, et soutenue par 10% du corps électoral (soit 4,5 millions de citoyens).
"Si l'on veut que ce mécanisme fonctionne, il faut le modifier et abaisser les seuils de déclenchement", a jugé George Pau-Langevin (Socialistes, Paris). L'ancienne ministre a par ailleurs appelé à "conforter le droit d'amendement citoyen", qui existerait aujourd'hui mais sans aucune visibilité puisque c'est la présidence de l'Assemblée nationale qui serait destinataire de ces contributions.
… ou encadrer le RIC, notamment vis-à-vis des lobbys
Tout en soulignant la nécessité de consolider les modalités de participation citoyenne, la quasi-totalité des groupes politiques ont exprimé leurs réserves ou leur franche opposition au RIC tel que proposé par le groupe LFI, en particulier dans ses dimensions abrogatoire et révocatoire. "On ne peut pas toutes les semaines remettre en cause ce qui a été décidé par une majorité des électeurs, c'est le principe même de la démocratie, c'est le principe aussi majoritaire", a ainsi lancé Philippe Gosselin (LR, Manche).
Le député Erwan Balanant (Modem, Finistère) s'est dit lui favorable à "un RIC qui doit être encadré", notamment via un contrôle de constitutionnalité des questions posées et un dialogue entre les initiateurs de ces questions et le Parlement. Il a par ailleurs alerté sur la nécessité d'"extraire la possibilité de l'influence des lobbys", soulignant que le problème se posait en Suisse et aux Etats-Unis, notamment du fait de la nécessité pour les citoyens engagés dans le RIC de financer leurs campagnes.