Recul des énergies renouvelables : la crise n'explique pas tout
Les huit filières de production d’énergies renouvelables électriques ont dû affronter une crise et des heurts dont le onzième baromètre Observ'ER, publié le 11 janvier en partenariat avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), donne la pleine mesure.
Trois points clés ressortent de la dernière livraison du baromètre Observ'ER des énergies renouvelables électriques, publié le 11 janvier en partenariat avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
Avant tout, un fort ralentissement l’an dernier du développement des projets du fait de la crise, notamment dans les phases de travaux, de raccordement au réseau et dans celles en amont de développement "en réorientant ou décalant les décisions d’investissements", commente Pascal Sokoloff, directeur général de la FNCCR. Ainsi, l’éolien a soufflé moins fort. En termes de puissance nouvellement raccordée au premier semestre, il a traversé "un trou d’air important avec un recul de 45% des volumes" et de "17% sur les neuf premiers mois", chiffre ce baromètre. Le premier confinement a porté un coup d'arrêt au rythme des chantiers de parcs éoliens. L’instruction des dossiers par l’État s’est heureusement poursuivie, ce qui a permis de "rattraper une bonne partie du retard pris". L’année s’est clôturée avec un volume d’environ 1,4 GW de puissance supplémentaire, "soit un chiffre très proche de celui de 2019".
Sortir de l’incertitude
Second enseignement, les évolutions réglementaires et la mise à jour des dispositifs d’accompagnement ont affecté la dynamique de certaines filières. En effet, "le début de l’année a vu la publication des deux prochaines périodes de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)", rappelle Pascal Sokoloff. Un climat d’incertitude pèse particulièrement dans les filières de production de biométhane ou celle de production d’électricité d’origine géothermique, où l’annonce de l’arrêt du complément de rémunération a jeté un froid. Quant au troisième enjeu qui ressort, c’est ce besoin, exprimé par les élus et leurs collaborateurs, de "donner du sens aux données numériques, notamment associées aux consommations et aux productions énergétiques". Pour Pascal Sokoloff, "il s’agit là d’un nouveau champ à gérer pour les collectivités".
Le suivi filière par filière qu'offre ce baromètre permet aussi d'apprécier le rôle renforcé des collectivités dans la transition énergétique, soit directement en tant qu'autorités organisatrices de la distribution, soit par le biais de leurs sociétés d’économie mixte (SEM de production), "en fort développement", et d'observer des tendances : "Quatre régions métropolitaines, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Grand Est et Sud ont couvert plus de 35% de leur consommation électrique par une production renouvelable locale". Cependant, la plupart des filières, dont l’éolien et le photovoltaïque, ont connu un rythme de croissance "insuffisant pour rester dans la trajectoire des objectifs assignés par la PPE".
Lifting d’éoliennes
La crise sanitaire "n’explique pas à elle seule ces ralentissements". Déjà évoqué l’an dernier pour les grandes installations solaires, le foncier et la difficulté à trouver des terrains d’implantation posent problème pour les éoliennes : "C’est de plus en plus ardu, cette difficulté grandissante est fortement liée à l’acceptabilité des sites par les citoyens", résume le rapport (voir notre article du 8 décembre dernier sur l’acceptabilité sociale). Cette opposition se fait surtout sentir dans les deux principales régions d’implantation que sont les Hauts-de-France et Grand Est, où les élus exigent des moratoires pour tout nouveau site.
Le salut se trouve-t-il dans le remplacement, et non la création, d’anciennes turbines par des machines plus puissantes ? Le potentiel de cette approche dite de "repowering" en intéresse plus d’un. La filière n’en est qu’à ses premiers retours d’expérience. Mais selon ce baromètre, "c’est à présent qu’il faut établir les conditions pour un renouvellement ambitieux des parcs en France". Également sur la table, l’idée de construire un réseau de conseillers éoliens pour les collectivités et la sortie d’un guide de bonnes pratiques entre développeurs, élus et collectivités. Une mission interministérielle explore aussi d’ici mars prochain des solutions pour libérer des zones autour des radars.
Effet domino
Autre filière impactée, le photovoltaïque du fait de la rupture de la chaîne d’approvisionnement asiatique. "Par un effet domino, la livraison tardive des modules photovoltaïques a affecté les calendriers de construction des projets sur l’ensemble de l’année", avec pour effet corollaire une tension sur les prix et "un manque de visibilité" qui ne s’est pas depuis "totalement dissipé". Il faut dire que l’attaque par le gouvernement de la bulle photovoltaïque n’a guère contribué à apaiser ces inquiétudes (voir notre article du 30 octobre dernier)…
Après une forte progression en 2019 et toujours tirée en avant par l’injection dans les réseaux de gaz naturel, la filière biométhane "poursuit sa progression mais de façon plus lente". Plus de 850 installations produisant de l’électricité à partir de biogaz sont aujourd’hui raccordées. Quant au nombre d’unités d’incinération des ordures ménagères, il est "appelé à diminuer", la performance énergétique des incinérateurs étant pour sa part "en constante amélioration". En parallèle et complément, "la filière des combustibles solides de récupération (CSR) est en plein développement, avec des appels à projets qui se multiplient.
L’hydroélectricité reste la première des énergies renouvelables mais fait face au défi de la flexibilité de ses sites et de leur rémunération. Elle doit encore mettre en valeur ses atouts. Côté bois énergie, parmi la cinquantaine de centrales biomasse solide existantes, trois ont été mises en service l’an dernier. Une seule reste en construction à Le Teilleul (Manche). D’autres projets sont en cours dans les zones non interconnectées. En Martinique comme en Guyane, l’exploitation de la biomasse solide représente en effet un enjeu majeur.