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Rapport de la Fondation Abbé Pierre : toujours autant de mal logés et un bilan mitigé pour le quinquennat

Selon le rapport 2017, la France compte 3,96 millions de personnes mal logées et 12,1 millions de personnes "en situation de fragilité au regard du logement", avec toutefois des degrés divers. La plupart des chiffres montrent une dégradation de la situation.

Comme chaque année à la même époque, la fondation Abbé-Pierre publie son rapport sur l'état du mal-logement en France, qui sert désormais - avec les chiffres de l'Insee - de référence en la matière. L'Insee n'ayant pas produit de nouvelles données et les évolutions en matière de logement étant lentes par nature, les chiffres de l'édition 2017 diffèrent très peu de ceux de la précédente livraison (voir nos deux articles ci-contre du 28 janvier 2016).

3,96 millions de personnes mal logées...

Selon le rapport, la France compte 3,96 millions de personnes mal logées et 12,1 millions de personnes "en situation de fragilité au regard du logement", avec toutefois des degrés divers. Après élimination des doubles comptes, ceci aboutit à un total de 14,6 millions de personnes en difficulté avec le logement.
Les quatre millions de mal logés recouvrent 896.000 personnes privées de logement personnel, qu'elles soient sans domicile (143.000), en chambres d'hôtel (25.000), en habitations de fortune (85.000) ou en "hébergement contraint" chez des tiers (643.000).
Les autres personnes considérées comme mal logées correspondent à celles "vivant dans les conditions de logement très difficiles". Elles englobent les personnes souffrant de "privation de confort" (2,09 millions, avec une nouvelle définition pour cette édition), celles vivant en "surpeuplement accentué" (934.000), les gens du voyage subissant de mauvaises conditions d'habitat (206.600) et les résidents de foyers de travailleurs migrants non encore rénovés (39.000).

... et 12 millions de personnes en difficulté avec le logement

A ces quatre millions de mal logés s'ajoutent les 12,1 millions de personnes en situation de fragilité au regard du logement, dont les catégories sont nettement plus hétéroclites. On y trouve ainsi les propriétaires occupant un logement dans une copropriété dégradée (1,12 million), les locataires présentant des impayés de loyers ou de charges (1,21 million), les personnes à revenus modestes en situation de surpeuplement modéré (4,3 millions), les personnes modestes ayant eu froid pour des raison liées à la précarité énergétique (3,56 millions) et celles en situation d'effort financier excessif pour assumer leurs frais de logement (5,53 millions).
Même s'il est difficile de suivre précisément les évolutions compte tenu des changements dans les indicateurs, la fondation estime "possible, pour la plupart des indicateurs de mal-logement, de dégager des tendances significatives". Or la plupart de ces chiffres montrent une dégradation de la situation. Ainsi, le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 50% entre 2001 et 2012, et celui des personnes en hébergement contraint chez des tiers de 19% entre 2002 et 2013. Pour leur part - et alors que la tendance des dernières décennies était orientée à la baisse -, le nombre de personnes en surpeuplement accentué a augmenté de 17% entre 2006 et 2013 et de 6% pour le surpeuplement modéré. Mais la principale dégradation concerne les situations de privation de chauffage pour faire face au loyer (+44% depuis 2006) et le taux d'effort excessif (+42%).

Bilan du quinquennat : des résultats "en demi-teinte"

Année 2017 oblige, la fondation profite de cette édition de son rapport pour dresser également un bilan du quinquennat en matière de logement. Si celui-ci est nettement moins amène que le même exercice assuré par la ministre du Logement elle-même (voir notre article ci-contre du 19 janvier 2017), il s'efforce néanmoins à l'équilibre, en évoquant des résultats "en demi-teinte".
Côté positif, le bilan de la fondation retient notamment une activité législative "assez dense" en lien avec le logement : loi relative à la mobilisation du foncier public, ordonnances sur l'accélération des projets de construction, loi pour la ville et la cohésion urbaine, lois de décentralisation (Maptam et Notr), loi Alur, loi pour la transition énergétique, loi Egalité et Citoyenneté...
Mais les résultats tardent à se faire sentir, puisqu'"en 2017, le nombre de personnes confrontées à la crise du logement continue d'augmenter". La faute à la montée du chômage et à la précarité de l'emploi et des revenus, qui "ont eu des effets dévastateurs sur le logement", avec pour conséquence que "le mal-logement s'enracine sous des formes variées".
Du côté négatif, la fondation pointe notamment la chute - amorcée toutefois en 2011 - des mises en chantier de logement, avant le redressement "tardif et encore insuffisant" de 2015-2016. En particulier, la production annuelle de logements sociaux n'a jamais atteint les 150.000 unités promises en 2013, malgré certains choix budgétaires "bénéfiques" : TVA à taux réduit, décote sur le foncier public, hausse du plafond du livret A, abattements de taxe foncière, prêts de haut de bilan de la Caisse des Dépôts...
En dépit de ces efforts, "le logement social est de plus en plus cher", tandis que, dans le secteur privé, "les contribuables aisés ont été largement favorisés au nom de la relance du bâtiment" (dispositif Pinel, création du statut de logement intermédiaire, rehaussement des plafonds de ressources du PTZ, abattements fiscaux...).

"Des graines ont été semées", mais à quand la récolte ?

Sur le mal logement, le bilan est tout aussi mitigé avec le renforcement de certains droits, mais qui se double d'une "fragilisation de fait", due notamment à un parc privé qui se révèle de moins en moins accessible aux ménages modestes. Les hésitations sur l'encadrement des loyers - avec le revirement d'août 2014 - illustrent ce constat, de même que la forte hausse du nombre d'interventions effectives de la force publique pour des expulsions depuis 2013.
Sur l'hébergement d'urgence, les bonnes intentions du plan de réduction des nuitées d'hôtels et le dispositif "le logement d'abord" se sont vite trouvés débordés... par l'urgence, tandis que la mis en œuvre du droit au logement opposable se heurte à des difficultés récurrentes.
Conclusion de la Fondation : "Si la situation ne semble pas meilleure qu'il y a cinq ans pour les mal-logés, des graines ont indéniablement été semées et des avancées obtenues, en matière de loyers, d'orientation des attributions Hlm, de gouvernance, de précarité énergétique... Mais elles ne suffiront pas face à l'ampleur du mal-logement, faute de priorité budgétaire accordée à ce sujet, de cap politique clair et stable et d'un partage des compétences suffisamment lisible et responsabilisant sur le terrain".
 

 

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