Congrès des maires - Radicalisation et partage de l'information : des "consignes" seront données aux préfets, assure Patrick Kanner

Quelques jours après la convention signée entre l'AMF et l'Etat sur la prévention de la radicalisation, les maires attendent du concret, en particulier sur l'échange d'informations.

Le gouvernement va "donner des consignes aux préfets pour que cette ouverture de pratiques soit effective sur les territoires", a déclaré le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner, le 1er juin, lors d'un atelier consacré à la radicalisation, dans le cadre du 99e Congrès des maires. "L'armée des 101 (préfets) est là pour mettre en œuvre les décisions de l'Etat", a-t-il assuré, quelques jours après la signature d'une convention entre l'Association des maires de France (AMF) et l'Etat visant à améliorer leur coopération dans la prévention de la radicalisation.
Confrontés à ce phénomène très difficile à appréhender, les maires demandent avant tout d'être mieux informés sur les personnes présentant des signes de dangerosité sur leur territoire. Sur ce point, la convention, qui est la première traduction du nouveau "plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme" du 9 mai dernier, n'est pas très explicite. Lors de sa signature, le président de l'AMF, François Baroin, avait dit comprendre la nécessité du secret défense et du secret de l'instruction, mais il avait aussi appelé à aller plus loin dans l'échange d'informations, évoquant un "véhicule législatif". A entendre Patrick Kanner, c'est donc plutôt une circulaire qui est en préparation alors que sur le terrain l'impatience se fait sentir. François Pupponi, le député-maire de Sarcelles (Val d'Oise), une ville particulièrement touchée, a demandé lors de cet atelier que le préfet organise "de manière quotidienne la circulation de l'information" entre les élus, les services de police et la justice. "On revoit aujourd'hui ce qu'on a vécu il y a vingt ans sur la prévention de la délinquance. L'Etat n'a toujours pas compris que le problème ne serait pas réglé" sans les maires, a-t-il dit. L'élu s'est notamment plaint de n'avoir jamais été convié à la cellule départementale de suivi. "Les textes qui viennent d'en haut ne sont pas encore arrivés en bas", a-t-il ironisé.

Une cellule municipale d'échanges à Chalon-sur-Saône

Les élus sont en première ligne pour détecter les cas de radicalisation. "Il n'y a pas de meilleurs connaisseurs que vous de votre territoire", leur a assuré Loïc Garnier, chef de l'Unité de coordination de lutte anti-terrorisite (Uclat). Mais six mois après le grand rassemblement des maires au palais des Congrès qui avait suivi les attentats du 13 novembre, le désarroi des élus semble toujours aussi profond. "Nous n'avons pas de retours sur les informations que nous donnons", a critiqué le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau. "Les maires sont extrêmement isolés, confrontés à un sujet qui les dépasse", a abondé Nathalie Goulet, co-présidente de la commission d'enquête sénatoriale sur l'organisation et les moyens de lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. "Pourquoi les maires ne peuvent-ils pas disposer des fiches S ?", a-t-elle interrogé. "Ce n'est pas une preuve mais un indice de dangerosité, un document de travail", a-t-elle développé. Dans cette optique, Gaël Perdriau a demandé que les élus puissent au moins connaître "le nombre de fichés S dans leur commune". "Lorsqu'une fiche S concerne des agents de la collectivité, il est absolument nécessaire que nous soyons informés", a appuyé Gilles Platret, le maire de Chalon-sur-Saône qui a mis en place chez lui une "cellule municipale d'échange contre la radicalisation" en début d'année. Il s'agit d'une cellule "resserrée", pas sous la forme de "grand-messe publique", qui se réunit une fois par mois ou en cas d'urgence autour du préfet, du commissaire de police, de renseignement territorial… La cellule s'appuie sur "un maillage complet" du territoire avec des "capteurs" que sont notamment les employés municipaux, mais aussi les associations et les bailleurs sociaux qui, en cas de détection de signaux fiables, font remonter l'information au maire. Ce dernier en informe à son tour la cellule. "Nous sommes passés à la troisième ère du djihadisme, avec une stratégie à l'œuvre dans nos territoires, nos quartiers…", a averti l'élu qui avait déjà fait parler de lui l'an dernier en décidant de supprimer les plats de substitution du porc à la cantine. "Nous ne sommes pas dans une guerre de religion, mais notre mot d'ordre est : paix à l'islam, guerre à l'islamisme", a-t-il martelé. Si la demande d'informations fait l'unanimité, en revanche, sur la question de la laïcité, les clivages restent tenaces et François Pupponi s'est notamment dit "horrifié" par le débat sur le voile à l'université.

Un plan d'action de prévention de la radicalisation dans tous les contrats de ville

Le maire de Saint-Etienne a également dénoncé un décret du 19 mai 2016 relatif à la domiciliation des personnes sans domicile stable qui "va à l'encontre de cette collaboration avec les collectivités". "Ce décret permet à tout individu sur le territoire français de se domicilier au CCAS d'une commune sans contrôle véritable de sa situation, sans localisation, sans activité à déclarer (…) C'est un mauvais message que nous envoyons", a-t-il tancé.
Patrick Kanner a souligné les efforts déployés par le gouvernement. Il rappelé que les 435 contrats de ville comprendraient tous un plan d'action de prévention de la radicalisation. Il a précisé que les maires y seraient "pleinement associés". Ils recevront l'appui des 317 délégués du préfet qui ont été spécialement formés sur le sujet. Plus généralement, un décret du 6 mai, venu étendre officiellement les compétences du comité interministériel de prévention de la délinquance à la radicalisation, a aussi prévu d'élargir les CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance) à cette thématique. Les élus peuvent faire financer leurs actions dans le cadre du FIPD (fonds interministériel de prévention de la délinquance) qui vient de se voir abondé de 40 millions d'euros supplémentaires par le plan du 9 mai. Une somme venant s'ajouter aux 60 millions d'euros de plus sur trois ans déjà octroyés au fonds en janvier 2015, soit une rallonge totale de 100 millions d'euros. "Les clés de répartition des 40 millions d'euros n'ont pas encore été adoptées", a précisé le magistrat Jean-Pierre Lafitte, chargé de mission au secrétariat général du CIPDR. A ce jour, une quarantaine de départements comptent des communes impliquées dans la lutte contre la radicalisation. En 2016, 22 communes ont ainsi pu faire financer leur projet pour un total de 146.388 euros. Une somme qui a toutefois fait tiquer le maire de Sarcelles qui est en train de mettre en place une "structure de prise en charge pluridisciplinaire" dont le coût prévisionnel est de… 500.000 euros.
 

 

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