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Environnement - Questions prioritaires de constitutionnalité : la Charte de l'environnement est invocable

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier dernier par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité de l'article L.112-16 du Code de la construction et de l'habitation (CCH) aux droits et libertés garantis par la Constitution. Par une décision du 8 avril 2011 ("M. Michel Z et autre"), le juge constitutionnel confirme la conformité de cet article à la Constitution et à la Charte de l'environnement. Et prend soin de préciser que son contrôle a posteriori des lois s'est ici exercé "au regard de la Charte de l'environnement".
L'article L.112-6 du CCH interdit à une personne s'estimant victime d'un trouble anormal de voisinage d'engager la responsabilité de l'auteur des nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique lorsque cette activité, antérieure à sa propre installation, a été créée et se poursuit dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur - et, "en particulier, de celles qui tendent à la préservation et à la protection de l'environnement", tel que le souligne le Conseil. Or selon les requérants, cette règle dite de la "pré-occupation" - qui, donc, exonère sous certaines conditions l'auteur des dommages de toute responsabilité au titre des troubles anormaux du voisinage en raison de l'antériorité de son occupation - méconnaît les articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement.

Responsabilité pour faute ?

Le Conseil réaffirme en premier lieu le principe de responsabilité, qui trouve son fondement dans l'article 4 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". Toutefois, rappelle-t-il, cette exigence constitutionnelle "ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée". Ainsi, le législateur peut, "pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789".
L'article L.112-16 du CCH prévoit des conditions strictes d'exonération puisque l'auteur des nuisances n'est exonéré de responsabilité que si l'activité est antérieure à l'installation de la victime du dommage et si ses activités s'exercent en conformité avec les lois et règlements. En outre, cette disposition demeure sans incidence sur la mise en jeu de la responsabilité de l'auteur des nuisances en cas de faute, rappelle le Conseil. Toutefois, conclut-il, la responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage étant une responsabilité "objective", dégagée de la faute, l'article L.112-16 ne méconnaît pas le principe de responsabilité.

Obligation de vigilance environnementale

Mais l'intérêt principal de cette décision est lié aux précisions apportées par le Conseil sur la portée juridique de la Charte de l'environnement. Le Conseil avait déjà confirmé la pleine valeur constitutionnelle de la Charte de l'environnement dans sa décision du 19 juin 2008 sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (décision n° 2008-564 DC). Avec la décision du 8 avril dernier, le juge constitutionnel se prononce pour la première fois sur la conformité d'une disposition législative au regard de la Charte de l'environnement dans le cadre de la procédure de QPC entrée en vigueur le 1er mars 2010.
Le Conseil confirme ainsi que les droits et libertés affirmés par les articles 1er à 4 de la Charte sont invocables dans le cadre de la procédure de QPC. Toutefois, en l'espèce, il considère que la disposition contestée du CCH ne méconnaît pas ces droits et obligations énoncés en termes généraux par la Charte de l'environnement.
Les droits et devoirs proclamés par les articles 1er et 2 sont d'application directe et s'imposent "non seulement aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais également à l'ensemble des personnes", rappelle le Conseil. Ces dispositions énoncent une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter d'activités. Il appartient au législateur de définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée contre le "pollueur" sur le fondement de la violation de cette obligation de vigilance environnementale, ajoute-t-il. Toutefois, le législateur ne saurait "restreindre le droit d'agir en responsabilité dans des conditions qui en dénaturent la portée". Les articles 3 et 4 de la Charte renvoient quant à eux à la loi – et dans le cadre défini par le législateur aux autorités administratives - le soin de déterminer les conditions de la participation de chaque personne à la prévention et à la réparation des dommages à l'environnement.

 

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