Quels contours pour un service public régional de l’emploi et de la formation professionnelle idéal ?
L’association Régions de France a confié au cabinet Elezia la réalisation d’une étude destinée à proposer des scénarios de mise en œuvre d’un service public régional de l’emploi et de la formation professionnelle. Une initiative prise dans le prolongement de la publication en mars dernier d’un Livre blanc proposant de confier aux régions la coordination des acteurs de l’emploi sur leur territoire.
Alors que la concertation sur la mise en œuvre de France Travail semble avoir écarté l’hypothèse d’une régionalisation du service public de l’emploi, la cabinet Elezia conseil a mené pour Régions de France entre juin et novembre 2022 une étude visant à définir les contours d’un possible "service public régional de l’emploi et de la formation professionnelle". Après avoir dressé un état des lieux du contexte institutionnel français, l’étude se penche sur les solutions retenues par plusieurs voisins européens pour définir, au final, des scenarios de mise en œuvre qui placeraient les régions au cœur du dispositif.
La loi de 2018 aura marqué "un pas en arrière de la décentralisation avec la restriction des compétences des régions en matière de contrat d’apprentissage" avec en conséquence un Etat conforté dans son rôle central dans le pilotage des politiques de l’emploi, explique Elyse Castaing, pilote de l’étude. Un constat qui, néanmoins, ne doit pas occulter, selon elle, la pertinence de l’échelon régional pour répondre à la dynamique actuelle du marché de l’emploi. Un marché en mutation, très disparate en fonction des territoires, mais qui se caractérise globalement "par des pénuries de compétences pour beaucoup d’entreprises ainsi que par une grande volatilité".
Les régions au cœur de l’action publique dans plusieurs pays européens
Dans l’animation et la coordination des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, la France affiche "une singularité dans le paysage européen". Paysage marqué chez certains de nos voisins par une coresponsabilité, voire une cogestion qui s’incarne dans "de véritables politiques régionales de l’emploi et de la formation". En résumé, "l’animation de la politique de proximité" par la région constitue le modèle d’action publique dominant dans les pays étudiés que sont l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne ou encore l’Italie. En comparaison, la France propose une organisation multiple et fragmentée, véritable "mosaïque institutionnelle" qui complexifie son fonctionnement. Le système institutionnel de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle se caractérise par un partage de différentes compétences entre différentes "mailles territoriales" ainsi qu’entre de multiples acteurs selon le statut de l’individu (jeune, demandeur d’emploi, salarié...). L’étude relève par exemple "103 acteurs sur la question de l’observation des besoins", domaine dans lequel "la région serait bien placée pour coordonner ces informations". Cette multiplicité des acteurs se réalise donc "au détriment des citoyens avec, en bout de chaine, une concurrence entre les dispositifs, une perte de visibilité et de lisibilité pour le bénéficiaire".
Des initiatives locales qui pourraient inspirer un service public régional
En contrepoint, l’étude choisit de mettre en avant 150 initiatives régionales "qui démontrent une capacité d’innovation et d’adaptation aux réalités de leurs territoires" des régions en matière de coordination, d’innovation et d’agilité. Dans le domaine de la coordination, l’étude pointe notamment l’Agence de l’orientation et des métiers en Normandie ou encore le Service public breton de l’emploi, de la formation et de l’insertion. En matière d’innovation et d’adaptation face aux réalités des besoins des territoires, Elezia cite par exemple le dispositif "Défi" en région Centre-Val de Loire qui vise à rapprocher entreprises et demandeurs d’emploi. Autant d’initiatives qui, estime Elyse Castaing, "posent une base de réflexion sur ce que pourrait être un service public régional en combinant l’ensemble de ces solutions".
Car voilà bien l’objectif que s’est fixé Régions de France à travers la réalisation de cette étude : définir les contours d’un service public régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Sprefop) idéal ! Pour l’ensemble des acteurs interrogés, "la maille régionale est une bonne échelle pour animer les politiques de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle", explique Elyse Castaing. Des régions qui doivent envisager leur action en fonction de différents horizons de temps : le long terme (cinq-sept ans) pour la définition d’une stratégie régionale avec un Crefop (Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle) "élargi", le moyen terme (deux-trois ans) pour le pilotage des politiques régionales à travers la planification des ressources et de la qualité et le court terme (trois-six-douze mois) pour la mise en œuvre des actions à destination des bénéficiaires. Trois échelles de temps pour lesquelles la région serait successivement animatrice, responsable et facilitatrice.
Trois scénarios pour replacer les régions au centre du jeu
Dans le détail, trois scénarios émergent avec pour objectif commun de proposer la mise en œuvre d’un véritable Sprefop à moyen terme. Trois scénarios qui se déclinent selon trois degrés de régionalisation de la compétence emploi. Le premier repose sur la délégation de compétence avec un Etat responsable, une gouvernance inchangée et des régions qui signent une convention de délégation à durée déterminée qui définit les modalités de contrôle. Le second scénario s’appuie sur la coordination qui permet d’assurer la mise en cohérence des actions et des opérations autour d’objectifs partagés par l’Etat et la région qui joue alors un rôle d’autorité de coordination reconnue et pérenne. La troisième voie passe par une décentralisation qui implique que la région détient la pleine responsabilité de la compétence et se voit transférer les outils et les moyens pour permettre une régionalisation de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle.