Quelle "stratégie nouvelle" pour la sécurité du quotidien ?

À l’occasion d’un bilan de ses six mois au ministère de l’Intérieur, jeudi 10 avril, Bruno Retailleau a dit "assumer une rupture" face à "l’impossibilisme". Rupture qui se traduit par des "stratégies nouvelles", que ce soit en matière de lutte contre le crime organisé ou la sécurité du quotidien. Son bras droit François-Noël Buffet a détaillé le calendrier des réformes à venir : projet de loi découlant du Beauvau des municipales attendu "avant l'été", stratégie nationale de prévention de la délinquance avec un comité interministériel attendu entre "mai et avril", texte du Beauvau de la sécurité civile lui aussi "avant l'été". Revue de détail.

"On n’efface pas en quelques mois des décennies de laisser-faire, de désordre." Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a convoqué la presse, jeudi 10 avril, pour dresser le bilan de ses six mois place Beauvau, aux côtés de son ministre d’État François-Noël Buffet. Celui qui cherche à asseoir sa stature de présidentiable a dit "assumer les ruptures" pour "sortir de l’impossibilisme", reconnaissant toutefois que son action a été entravée par les circonstances politiques, notamment en matière d’immigration, l’un de ses chevaux de bataille. Sur ce sujet, deux circulaires seront prochainement envoyées aux préfets : l’une sur la naturalisation, l’autre pour orienter les étrangers en situation régulières (400.000 selon Bruno Retailleau) vers les métiers en tension

Villes de sécurité renforcée

Faute de chiffres marquants sur la délinquance, les deux ministres ont surtout défendu les "jalons" posés ces derniers mois, notamment en matière de lutte contre la criminalité organisée. La "cause racine de tant de désordres", a posé Bruno Retailleau. "En trois ans, il y a plus de morts avec ces règlements de compte que depuis 2012 avec le terrorisme", a-t-il indiqué, se félicitant de l’accord trouvé le jour-même en commission mixte paritaire sur la proposition de loi sénatoriale visant à "sortir la France du piège du narcotrafic". Un texte dont l’adoption définitive est attendue le 28 avril. Si cette loi donne de "nouvelles armes", une "stratégie nouvelle" a pu être déployée pour "démanteler les filières", "occuper l’espace public" ou "reconquérir le territoire" en recourant à "l’entrave administrative faite pour casser les écosystèmes". Cette politique s’est traduite dans les 25 "villes de sécurité renforcée", dispositif lancé en février pour permettre de "reprendre le contrôle de la voie publique" de ces villes qui souffrent d'"enkystement" (voir notre article du 18 février). Ainsi de Nantes où "des commerçant avaient recours à des polices privées" et où, assure Bruno Retailleau, "le centre-ville n’a plus rien à voir". Ces villes sont l'objet d'"opérations quotidiennes" : 170 à Nantes, 328 à Grenoble, et 408 à Nîmes, selon le ministère. Un travail qui se fait avec l’autorité judiciaire dans l’esprit du "continuum de sécurité".

Bruno Retailleau a également annoncé, pour la "fin du mois d’avril", l’inauguration de l’état-major contre la criminalité organisée à Nanterre. 

Changement de pied pour la sécurité du quotidien

Nouvelle stratégie également pour la "sécurité du quotidien".  "J’ai voulu renverser la table et donner aux préfets la capacité d’initiative. Département par département, ils ont produit des plans d’action", a rappelé le ministre, car "on ne défend pas la Vendée comme on défend la Seine-Saint-Denis". Ces plans d'actions départementaux de restauration de la sécurité du quotidien viennent tout juste d’être mis en place (voir notre article du 3 mars), mais le ministre insiste sur l’implication de tous, notamment des élus avec la vidéoprotection. "J’ai visité des dizaines de villes, il n’y a pas de fatalité", a-t-il dit, louant certains résultats parlants : –80% de délinquance en 20 ans à Orléans, -50% en dix ans à Belfort… François-Noël Buffet a embrayé sur la conclusion du "Beauvau des polices municipales" qui a subi les aléas des valses gouvernementales. Il se traduira bien par un texte "avant l’été", a-t-il confirmé. Cinq axes de travail ont été arrêtés : accroître les compétences (consultation des fichiers, mises en fourrière, amendes forfaitaires délictuelles…), renforcer les moyens et équipements, mieux reconnaître la montée en compétence et l’engagement, accroître la coordination entre les forces de sécurité et simplifier la formation et l’entraînement.

Autre chantier important : la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2025-2030 que le ministre a lui-même relancé le 21 mars, à Mulhouse (voir notre article du 21 mars). Elle reposera sur plusieurs constats : l’accroissement de la délinquance juvénile, l’accroissement de la consommation de drogues et des conduites addictives, le développement de la cyberdélinquance, la défaillance de l’autorité parentale. Un comité interministériel conclura ces travaux "entre le mois d’avril et le mois de mai" avant d’officialiser ce "schéma national", a indiqué François-Noël Buffet. "Ce travail doit être fait en coordination sur les territoires, en redonnant plus de muscle aux CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ndlr) qui ont trouvé une forme de limite", a-t-il insisté. Le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) entaché par l'affaire du "Fonds Marianne" va être transformé en "délégation interministérielle" à compter du mois de septembre.

La sécurité du quotidien passe aussi par la sûreté dans les transports et la sécurité routière. François-Noël Buffet s’est félicité de l’adoption définitive de la proposition de loi de Philippe Tabarot (voir notre article du 19 mars, ce dernier étant devenu entretemps ministre des Transports. Enfin, il est revenu sur le Beauvau de la sécurité civile qui lui aussi doit aboutir à un texte "avant l'été".

 

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