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Aménagement du territoire - Quelle politique pour ces villages "presque parfaits" ?

"Un village presque parfait", cette comédie sortie sur les écrans en début d'année, met en scène le maire d'un village pyrénéen se pliant en quatre pour attirer un médecin. Condition sine qua non pour que Bruxelles subventionne son projet de coopérative. C'est aussi l'amère expérience vécue par de nombreuses communes au quotidien. Vu de Paris, on parle de "sentiment d'abandon". Sur place, on évoque plutôt un abandon réel.
Le dernier rapport de l'Observatoire des territoires, rattaché au Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), dresse un constat sans appel des effets de la crise sur les territoires : le mouvement de convergence économique des régions s'est brutalement interrompu à partir de 2008. L' écart de revenus entre l'Ile-de-France et le Nord-Pas-de-Calais est de 5.500 euros ! Mais les inégalités se sont accrues au sein même des régions, du fait en partie du double effet de la mondialisation et de la métropolisation. Le revenu fiscal médian est de 19.500 euros dans les pôles urbains, soit 2.000 euros de plus que dans les autres territoires. Mais ce n'est pas tout, la crise a aussi aggravé les inégalités de revenus entre individus ainsi qu'entre les ZUS et les autres quartiers. "Les plus fortes inégalités de revenus s'observent aux deux extrémités géographiques du pays : dans le Nord et sur le pourtour méditerranéen (littoral du Languedoc-Roussillon, en particulier), ainsi qu'à Paris et dans le Genevois français", enfonce le CGET dans une note de juillet 2015. Dans ces territoires, les 10% les plus riches gagnent sept fois plus que les 10% les plus pauvres. L'exemple de Montpellier est presque caricatural : il est marqué par une aggravation des inégalités entre la métropole et le reste de la région et au sein même de la métropole. Le revenu médian est ainsi supérieur à 19.000 euros environ dans l'agglomération, soit 3.000 de plus que dans le reste de la région, qui a vu une accentuation des inégalités du fait d'une forte baisse des bas revenus. Au sein même de l'agglomération, l'écart entre riches et pauvres (le "rapport interdécile") est supérieur à sept.

Les mesures du comité du 13 mars entrent en vigueur

La réponse de l'Etat à ces inégalités est passée par deux comités interministériels : l'un sur l'égalité et la citoyenneté du 6 mars suivi une semaine plus tard d'un comité sur les ruralités. Ce dernier comité, organisé le 13 mars à Laon (Aisne), est opportunément venu passer de l'onguent, dix jours avant le premier tour des élections départementales. Plusieurs des 50 mesures annoncées alors vont entrer en vigueur : couverture en téléphonie mobile, nouvel instrument d'ingénierie, transformation de 500 bureaux de poste en maisons de service au public d'ici fin 2016... Concernant la lutte contre les déserts médicaux, alors que les mesures gouvernementales se voulaient avant tout incitatives (doublement du nombre de contrats d'engagement de service public...), la commission sénatoriale aménagement du territoire s'est récemment prononcée, dans le cadre du projet de loi Santé, sur un dispositif coercitif qui a fait vivement réagir les intéressés.
L'objectif d'assurer 40% de produits locaux dans les marchés publics de restauration collective d'ici 2017, fixé par ce comité, a revêtu une cruelle urgence avec la profonde crise de l'élevage. Les associations d'élus ont demandé une modification du Code des marchés, voire carrément l'institution d'un "droit de préférence".
La ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité, Sylvia Pinel, a par ailleurs confié à l'architecte Frédéric Bonnet le soin de conduire une réflexion sur l'aménagement des territoires ruraux et périurbains. Ses propositions sont attendues au mois de novembre.
En matière de commerce et d'urbanisme, la boîte à outils présentée par l'ancienne secrétaire d'Etat au Commerce Carole Delga peu avant son départ du gouvernement est à présent opérationnelle. Les décrets portant sur le contrat de revitalisation artisanale et commerciale et son corollaire, la délégation du droit de préemption, sont parus. A noter encore, bien qu'ils ne figurent pas au rang des mesures de ce comité, la mise en œuvre des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels et de la procédure d'alerte des collectivités en cas de dépôt de marques à leur nom. Une centaine de collectivités se sont déjà lancées.
Mais la grande affaire de ce comité aurait dû être la réduction des écarts de dotations, sur la base du rapport de la députée Christine Pirès Beaune remis au gouvernement le 27 juillet. Pas si simple. Pour l'heure, les élus du bloc communal s'opposent à l'idée d'une "DGF territorialisée", calculée à l'échelle de l'intercommunalité (voir aussi ci-contre notre article "Les dotations de l'Etat au cœur d'un bras de fer entre le gouvernement et les élus locaux").

Le grand pari : "Que les grandes régions s'approprient l'aménagement du territoire"

Derrière ce catalogue de mesures, que devient l'aménagement du territoire ? "On ne va pas recréer la Grande Motte", ironise un haut fonctionnaire du CGET - lequel a absorbé la Datar - lorsqu'on lui pose la question. Les caisses sont vides et il est vain de tout attendre de l'Etat : telle est la nouvelle antienne. "Les territoires qui s'en sortent sont ceux qui ont des atouts mais aussi cette capacité à se prendre en charge. Ce débat plus d'Etat moins d'Etat ne crée pas les bonnes dynamiques", estime Marie-Caroline Bonnet-Galzy, commissaire générale à l'égalité des territoires. Alors pour aider les territoires à se prendre en charge, à établir le diagnostic de leurs forces et faiblesses, le CGET a développé une série d'indicateurs, dans l'esprit de la loi Sas du 13 avril 2015 qui a rendu obligatoire la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques. "Cela peut par exemple aider les élus à composer leur EPCI. On a fait un didacticiel", se félicite Marie-Caroline Bonnet-Galzy.
Avec la loi Notr, l'aménagement du territoire est plus que jamais l'affaire des régions, et demain des grandes régions. "Le grand pari c'est que les grandes régions s'approprient cette responsabilité, qu'elles soient complètement concernées par l'échelon infra-régional. Il ne faut pas se dire que c'est l'Etat qui possède tout", insiste la CGET.
Pas sûr que ce discours soit fait pour rassurer des maires ruraux déjà fortement échaudés en début d'année par le rapport du CGET sur les intercommunalités, y voyant "l'intention secrète des pouvoirs successifs sur l'anéantissement de l'échelon de proximité et en particulier des communes". Leur congrès des 26 et 27 septembre à Murol (Puy-de-Dôme) s'annonce vivant.
Les Assises de la ruralité de l'automne dernier n'ont pas non plus convaincu le mouvement des départements des Nouvelles ruralités qui ont décidé de se constituer en association à partir d'octobre et d'élargir leur base à des économistes, géographes et d'autres élus.

 

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