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Quelle "fiche de poste" de l'élu local après les gilets jaunes ?

Dans une note consacrée au métier d'élu local, la fondation Jean Jaurès invite les futures équipes à se saisir de façon politique des pactes de gouvernance intercommunaux et à redonner une place aux élus municipaux ne siégeant pas à l'intercommunalité. A partir d'ateliers participatifs menés suite au mouvement des gilets jaunes, les auteurs soulèvent par ailleurs toute une série de réflexions et de questionnements - non exempts de contradictions - sur le rôle de l'élu local face aux aspirations citoyennes actuelles.    

Après les "gilets jaunes", la figure de l'élu local est-elle devenue "obsolète" ? C'est la question volontairement provocatrice que posent les consultants-chercheurs Manon Loisel et Nicolas Rio dans une note publiée le 20 janvier 2020 par la fondation Jean Jaurès dans le cadre de son "observatoire de l'expérimentation et de l'innovation locales". "Que signifie être un élu de proximité quand les 'gilets jaunes' dénoncent la distance croissante entre citoyens et décideurs ?", interrogent notamment les auteurs. Leur note s'est nourrie d'"ateliers participatifs" conduits à Paris, Brest et Nevers et ayant rassemblé des "citoyens/habitants/usagers" et des militants associatifs.

Les enjeux de mobilité, au cœur du mouvement des gilets jaunes, dépassent les frontières communales et les compétences du maire et des élus municipaux. Même constat sur d'autres sujets du quotidien tels que l'emploi, le logement, l'accès aux services publics. Face à cela et alors que les politiques locales sont désormais façonnées au niveau intercommunal, les auteurs pointent la "marginalisation" des "'simples' élus communaux qui ne sont pas associés à l'intercommunalité". "Pilotée comme une recomposition administrative", l'intercommunalité "n'est pas considérée comme un objet politique et ne s'est pas accompagnée d'une redéfinition du rôle d'élu local", soulignent-ils plus globalement.

S'appuyer sur tous les élus pour faire fonctionner l'intercommunalité

Suite à la loi Engagement et proximité votée en décembre 2019, il importe donc selon eux d'"ouvrir les pactes de gouvernance intercommunaux pour interroger le partage des rôles". "Les intercommunalités qui fonctionnent le mieux sont celles qui ont su nouer un dialogue constructif avec l’ensemble des élus municipaux", estiment les consultants en stratégies territoriales. Ils citent l'exemple du Pays basque, "communauté d'agglomération XXL" (158 communes et 2.500 élus municipaux), qui a notamment mis en place des pôles territoriaux pour "garder le lien avec les élus locaux". Les auteurs invitent ainsi les élus à ne pas avoir "une lecture restrictive" des pactes de gouvernance et à s'en saisir pour engager "une démarche plus collective, centrée sur l'articulation entre communes et intercommunalités". Avec, comme application concrète, l'idée d'un "service dédié au travail avec les élus communaux" pour redonner une place et des capacités d'action aux "simples" élus municipaux.

Autre recommandation : "accompagner" ces élus pour les aider à "valoriser la spécificité de leur fonction", plutôt que de les "former" à devenir des "super-agents de collectivité". Cette précieuse spécificité, c'est "la capacité à prendre en compte l'état d'esprit des acteurs du territoire et leurs vécus subjectifs", jugent les auteurs.

"On a besoin d'élus attentifs à tous nos problèmes"... mais pas de "super-héros"

Le reste de la note, qui se fait l'écho plus ou moins brut des "ateliers citoyens" menés dans les trois villes, permet d'appréhender les contradictions et le flou qu'il existe aujourd'hui dans les attentes citoyennes vis-à-vis des élus. "On a besoin d’élus qui fluidifient notre quotidien, au lieu de défendre les intérêts de la commune", écrivent notamment les deux consultants, sans évoquer toutefois la difficulté d'une majorité de maires à disposer de moyens décents pour exercer leur mission.

"On a besoin d’élus attentifs à tous nos problèmes, au lieu de se limiter au cadre de vie", rapportent-ils un peu plus loin. "Faire réparer la grille du square, régler un conflit de voisinage, gérer la panne de chauffage dans l’école municipale… Les maires consacrent une grande énergie à résoudre tous ces petits tracas. Mais est-ce bien leur rôle ?" Les auteurs soulignent à ce stade le "manque de moyens alloués à l’administration pour la bonne gestion des services publics et le suivi des politiques communautaires". Et appellent à ne pas "enfermer" les élus "dans le rôle de super syndic de copropriété". Leur rôle serait de "rendre visibles nos problèmes et [d'en] souligner la dimension collective", en particulier sur les enjeux de précarité sociale et d'environnement.

On peut s'interroger sur le degré de représentativité d'expressions de participants probablement assez engagés sur les plans associatif et politique ; est-ce qu'une majorité d'habitants n'attend pas aussi des élus qu'ils fassent le lien avec l'administration sur des sujets très concrets et liés à leur environnement urbain ? "On a besoin d’élus qui jouent collectif, au lieu de se présenter comme des super-héros", peut-on lire un peu plus loin. Pas des super-héros ni des personnes qui "parlent à notre place", mais des "élus attentifs à tous nos problèmes"… On comprend surtout que le métier d'élu n'est décidément pas un métier facile et on se demande s'il ne faudrait pas, en écho à ce chantier sur l’élu local, entamer une réflexion de fond sur "le métier de citoyen".