Que peut l'Europe pour endiguer la crise du logement ?

Alors que la Commission européenne doit prochainement dévoiler son "plan européen pour le logement abordable", la session plénière du Comité des régions a donné lieu à des échanges entre le nouveau commissaire en charge du logement et nombre d'élus locaux. En jeu, principalement, la nécessité de bénéficier de davantage d'outils financiers européens pour répondre à la crise du logement qui touche la plupart des États membres.

"Nous sommes dans une situation catastrophique concernant le logement en Europe et c'est une très bonne nouvelle que nous ayons un commissaire européen chargé de ce sujet. Maintenant, la question, c'est celle du plan de relance européen et de son effectivité. Je suis maire en France, où il serait nécessaire de construire 2,8 millions de logements (…). Il s'agit d'un besoin économique pour les entreprises, d'un besoin social, sans oublier l'enjeu énergétique. Monsieur le Commissaire, nous attendons des chiffres. Nous avons besoin de 10 millions de logements supplémentaires en Europe et nous avons besoin d'un plan de relance qui avait à l'époque été estimé à 100 milliards d'euros. Qu'allez-vous nous proposer pour donner des moyens aux collectivités locales, et les moyens aux citoyens de pouvoir se loger dans des conditions durables ?" Cette adresse au nouveau commissaire européen en charge du logement et de l'énergie, le danois Dan Jørgensen, fut celle de Christophe Rouillon, maire de Coulaines, vice-président de l’Association des maires de France chargé de l'Europe et membre du Comité des régions. Ce fut l'une des nombreuses prises de parole qui se sont succédé à bon rythme le 20 février lors d'un débat sur "les collectivités locales et régionales face à la crise du logement" organisé dans le cadre de la session plénière du Comité des régions qui s'est tenu les 19 et 20 février au Parlement européen à Bruxelles (sur cette session, voir aussi notre article du 21 février et notre article de ce jour).

Parmi les élus européens s'étant exprimés tour à tour, une autre voix française, celle de Anne Rudisuhli, conseillère départementale des Bouches-du-Rhône, interpelant elle aussi le commissaire : "La création de votre portefeuille est un signe de la prise en compte du problème qu'ont évoqué tous mes collègues cet après-midi. Dans les Bouches-du-Rhône, avec 806 logements sociaux pour 10.000 habitants, mon département est en tension. À Marseille, en 2022, seulement 7 logements ont pu être attribués pour 200 demandes. Je suis ici pour vous demander que le Feder soit utilisé pour construire de nouveaux logements sociaux et pour rénover les immeubles résidentiels."

Au cœur de toutes les demandes des représentants des collectivités européennes, donc : l'attente d'une "réponse plus solide et coordonnée de l’UE à l'aggravation de la crise du logement" et, notamment, une "augmentation substantielle des investissements dans le logement social et abordable", à la fois via le cadre financier pluriannuel (CFP) et via d'autres fonds ou outils de financement, y compris côté politique de cohésion, tel que l'a résumé le Comité des régions à l'issue de cette séquence. "Le logement doit devenir une priorité stratégique dans le prochain CFP, avec des sources de financement spécifiques, des prêts et une combinaison d’investissements publics et privés", détaille le comité, pointant la nécessité d'une "approche large" en matière de logement abordable, "qui devrait se refléter dans la réforme actuelle du règlement relatif aux aides d’État dans le domaine du logement et conduire à la révision de la décision SIEG de 2012".

"La responsabilité incombe principalement aux États membres"

L'expression de ces demandes intervient à dessein : la Commission doit prochainement dévoiler son "plan européen pour le logement abordable", en principe dès le mois de mars, avec pour principaux objectifs une réduction des coûts de construction et une augmentation de l’offre. Ursula von der Leyen l'avait fait savoir dès sa réélection en juillet dernier. Cela figure donc sur la feuille de route de Dan Jørgensen.

S'exprimant devant les membres du Comité des régions, le commissaire n'en a toutefois guère dévoilé le contenu. Au rang des constats, il a égrené quelques chiffres : en moyenne en Europe, les loyers ont augmenté d'environ 25% en 15 ans ; "en 2023, environ 10% de la population de l'UE dépensait 40% ou plus de son revenu disponible pour le logement et les coûts associés" ; "près de 900.000 personnes sont sans domicile en Europe"…

À la question "que pouvons-nous faire au niveau européen ?", Dan Jørgensen répond très vite par une limite : "La responsabilité incombe principalement aux États membres, avec les autorités régionales et locales, et nous devons respecter le principe de subsidiarité dans ce domaine et d'autres." Là-dessus, les membres du Comité des régions ne disent guère autre chose, parlant de "subsidiarité active" et souhaitant que "les actions au niveau de l’UE complètent et soutiennent les efforts nationaux, régionaux et locaux plutôt que d’imposer une solution universelle". "Le plan européen pour le logement abordable [doit] être conçu en étroite collaboration avec les collectivités locales et régionales, en veillant à ce que les perspectives locales et régionales soient pleinement intégrées", écrivent-ils/

Dan Jørgensen considère en outre que l'Europe fait en réalité beaucoup : "Plus de 21 milliards d'euros, provenant de la facilité pour la reprise et la résilience, ont été alloués aux réformes et investissements dans le logement. Sous le cadre financier pluriannuel actuel, au total, 10,4 milliards d'euros d'investissements dans le logement sont prévus via les fonds de cohésion."

"Que pouvons-nous faire de plus pour vous soutenir ? Certaines idées sont déjà sur la table", a-t-il dit : "permettre aux États membres de doubler les investissements de la politique de cohésion dans le logement abordable, mobiliser les investissements publics et privés via la plateforme paneuropéenne d'investissement en collaboration avec la BEI et d'autres partenaires financiers, et examiner les règles actuelles des aides d'État pour voir si elles restreignent inutilement les investissements dans le logement abordable".

 

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