Congrès des maires - Quand les maires se saisissent de l'économie sociale et solidaire
Un forum dédié à l'économie sociale et solidaire s'est tenu ce 19 novembre au 102e Congrès des maires de France. L'occasion pour les élus communaux et intercommunaux d'illustrer leur conception d'une politique locale de soutien à l'ESS au service du développement économique local, du lien social et de la mobilisation des habitants.
L'économie sociale et solidaire au Congrès des maires de France, ça ne s'était jamais vu… enfin si, une fois, en 2010, avec une intervention de Francis Vercamer, alors député-maire de Hem (Nord) et auteur d'un rapport sur l'économie sociale rendu au gouvernement la même année. Une précision apportée à Localtis par Anne-Laure Federici, déléguée générale du Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire – RTES, partenaire de ce forum ESS, ce 19 novembre 2019, au Congrès des maires et présidents d'intercommunalité de France. "Comment répondre à la précarité sociale et économique des habitants dans nos communes ?", s'étaient interrogés en 2010 les élus locaux, considérant les solutions apportées par l'ESS après avoir examiné le rôle des centres communaux d'action sociale, peut-on lire sur le blog de celui qui est toujours aujourd'hui député et pourrait prochainement redevenir maire.
Neuf ans après, les maires investis dans l'ESS prennent bien soin de préciser que cet ensemble ne se résume pas une "économie de la réparation". La loi de 2014 affirmant le rôle de l'ESS dans le développement économique est passée par là. "L’économie sociale et solidaire au service du développement des territoires", "un autre moyen de concevoir l’économie, au service des personnes et des territoires", une économie "inclusive" qui "permet de renforcer le vivre-ensemble et la cohésion sociale-économique" : ce sont désormais en ces termes que l'Association des maires de France (AMF) parle de l'ESS.
Une économie de proximité et un levier de mobilisation des habitants
Dans un contexte où "les centres de commandement sont de plus en plus loin et de plus en plus obscurs dans l'économie de marché", l'économie de proximité que représente l'ESS constitue une "réponse à cette confusion et à ce sentiment de délaissement", a ainsi introduit Laurent Hénart, maire de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et président de la commission développement économique de l’AMF, qui co-présidait le forum de ce 19 novembre.
Un exemple concret : l'ESS est le plus gros employeur à L'Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), 15 ans après la perte des entrepôts de grands magasins parisiens qui faisaient auparavant vivre la commune. "L'ESS a été l'une de nos stratégies de développement territorial", a témoigné Mohamed Gnabaly, maire de L’Île Saint Denis (93), vice-président de l’AMF et deuxième co-président du forum. Il a invité tous les élus présents dans la salle à "se servir de l'ESS pour développer des stratégies territoriales et créer de l'emploi et des richesses sur nos territoires". Comment ? Pour le jeune maire qui dirige également une société coopérative d'intérêt collectif (Scic), il importe d'"impliquer la population", de construire une "culture commune" permettant la collaboration entre l'administration et les porteurs de projet, de s'affranchir de la logique de secteur pour partir des besoins et des atouts du territoire.
La société coopérative d'intérêt collectif, un outil pour redynamiser les cœurs de ville ?
Un discours porteur, à en croire les réactions enthousiastes des élus qui participaient à ce forum. "L'ESS, c'est l'économie de l'avenir car les hommes voudront de plus en plus s'impliquer", a affirmé Jean Girardon, maire de Mont-Saint-Vincent (Saône-et-Loire), représentant de l’AMF au Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire. Celui qui est aussi président de la Commission nationale de l'aménagement commercial (Cnac) a fait le lien avec l'enjeu de maîtrise du foncier et de redynamisation des centres-villes pour les communes.
Dans le cadre du programme "Action cœur de ville", la Confédération générale des sociétés coopératives (CG Scop) et la Confédération des commerçants de France proposent d'ailleurs un accompagnement au développement de "Scic de développement économique local". Expliquée dans un communiqué commun de février 2019 des deux organisations, l'idée est d'aider des collectivités à se saisir de ce statut de coopérative propice au partenariat entre des acteurs publics et privés très divers (le "multisociétariat") pour "dynamiser, réorganiser et apporter une nouvelle gouvernance au commerce de centre-ville".
Les élus invités à "s'impliquer dans la constitution d'écosystèmes locaux"
Ce forum a été l'occasion pour plusieurs élus de présenter des initiatives prises dans cet esprit de redynamisation territoriale grâce à un partenariat avec les acteurs de l'ESS : de Lille et Lyon à Larrazet (680 habitants, Tarn-et-Garonne), ou encore Paea (Polynésie française) et Pont-Château (territoire candidat à l'expérimentation "Territoires zéro chômeur de longue durée", Loire-Atlantique).
Aux élus qui s'interrogent sur le positionnement de la collectivité, les limites de son intervention, la posture d'"entrepreneuriat public", Tepuaraurii Teriitahi, conseillère municipale à Paea et élue à l'Assemblée de la Polynésie française, répond : "la clé c'est l'accompagnement. Des initiatives, il y en a partout. Les gens ont besoin d'un coup de pouce : d'information, de centralisation (quand les initiatives sont, comme chez nous, un peu éclatées) et d'accompagnement ensuite."
"L'ESS est une forme d'entrepreneuriat particulière qui permet l'association de toutes les parties prenantes, c'est une forme de gouvernance extrêmement moderne", a souligné Jérôme Saddier, président de ESS France et vice-président du Crédit coopératif. Les communes et intercommunalités doivent selon lui y prendre part, en "s'impliquant dans la constitution d'écosystèmes locaux". "L'ESS fait partie des solutions à ces différentes crises sociale, territoriale, démocratique", a-t-il ajouté, invitant à sortir "sortir du conformisme" et de certaines idées reçues sur cette forme d'économie. Réputée "massivement subventionnée", elle serait en réalité "moins aidée que n'importe quel secteur économique en France", selon Jérôme Saddier.
"Comment sort-on l'intérêt général de nos institutions et le pose-t-on sur la place publique ?", a interrogé Mohamed Gnabaly en conclusion. Pour le maire de L'Île-Saint-Denis, les politiques de l'ESS doivent plus largement permettre aux citoyens de s'épanouir et de prendre leur place dans le développement local.