Economie sociale et solidaire - Quand les coopératives salarient les créateurs d'entreprises
Faut-il y voir un signe de maturité ? Voilà que les "coopératives d'activités et d'emploi" (CAE) tiennent leurs premières universités, ces 3 et 4 novembre à Clermont-Ferrand. Ces structures sont certes encore méconnues mais l'organisateur, le réseau national Coopérer pour entreprendre, espère bien faire connaître ce modèle inventé à Lyon en 1995.
L'objectif des CAE n'est certes pas inédit : offrir un tremplin à des créateurs d'entreprises, et dégager de la richesse pour leur territoire. Leurs méthodes, en revanche, sont originales. Tous les porteurs de projets enrôlés travaillent pour leur coopérative, en lui remettant le chiffre d'affaires qu'ils parviennent à dégager. En échange de quoi, ils évitent les soubresauts de leur activité naissante en se faisant salarier en CDI par la CAE. La coopérative leur offre en outre un accompagnement à l'entrepreneuriat. Elle assume aussi leurs charges, ainsi que leurs démarches administratives, ou leur comptabilité. En prime, ces coopératives rassemblent généralement des entrepreneurs variés : une informaticienne peut y côtoyer un communicant ou un décorateur, et fomenter, avec eux, des collaborations précieuses… Lorsque son projet atteint enfin la viabilité, l'entrepreneur-salarié a alors le choix : intégrer la coopérative en tant que sociétaire, ou bien créer à l'extérieur sa propre entreprise.
Un "service d'intérêt général"
Depuis la création de Cap Services en 1995, le modèle a joliment essaimé. Coopérer pour entreprendre rassemble aujourd'hui 68 CAE, qui bénéficient à près de 5.000 entrepreneurs-salariés, dégageant eux-mêmes plus de 45 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. L'autre réseau national, Copéa, regroupe pour sa part 18 CAE, avec environ 1.000 entrepreneurs-salariés, pour 27 millions d'euros de chiffre d'affaires. D'autres coopératives comparables ont aussi vu le jour en Belgique ou en Suède.
La plupart des CAE bénéficient aujourd'hui d'un soutien actif des collectivités locales. Coopérer pour entreprendre exige d'ailleurs de ses membres de bénéficier d'un financement territorial. "Nous nous positionnons comme des acteurs du développement économique local recourant à des fonds publics, et privés", justifie François Noguet, coordinateur du réseau. "Nous avons en effet vocation à remplir un service d'intérêt général : l'accompagnement des demandeurs d'emploi." Copéa, à l'inverse, n'impose pas à ses membres d'obtenir des financements des collectivités, "mais une CAE ne doit pas être déconnectée des acteurs de son territoire, sinon, cela ne marche pas !", prévient son président, Jean-Jacques Magnan.
Bouillonnement
A vrai dire, certains élus rechignent encore à soutenir des coopératives… "Cela les renvoie parfois à des logiques d'autogestion qui leur font peur", sourit Jean-Jacques Magnan. Mais François Noguet constate que "généralement ils comprennent très bien l'intérêt des CAE. Après plusieurs années de soutien à des entreprises individuelles, les élus peuvent observer que leur taux de pérennité est fragile". Avec les CAE, au contraire, "ils peuvent constater une vraie plus-value, en termes d'emplois créés, mais aussi de dynamique sur leurs territoires". Coopérer pour entreprendre estime en outre que pour 1 euro de subvention publique reçue, la CAE reverse 3 euros, sous forme de contributions fiscales et sociales.
Trois CAE, au moins, comptent même des collectivités dans les rangs de leurs sociétaires. Alors que la plupart ont choisi le statut de "société coopérative de production" (Scop), une poignée sont en effet "d'intérêt collectif" (Scic), et peuvent à ce titre avoir des collectivités pour membres. Tel est le cas d'Escale création, à Saint-Fons (Rhône). L'implication de la commune aux côtés des entrepreneurs-salariés et des permanents de la CAE entraîne un certain "bouillonnement, qui permet aussi d'avancer, grâce à des angles de vue différents", témoigne le gérant Mickaël Chauvin.