Délinquance - Quand le football se transforme en jeu de mains
"A mort l'arbitre !" Ce genre d'insultes, ils sont nombreux à les vivre chaque dimanche sur les terrains de football. 5.417 arbitres ont été victimes d'agression en 2010. C'est l'une des nombreuses données d'une étude inédite de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) sur les "Violences, incivilités et autres infractions spécifiques aux activités physiques et sportives en France de 2005 à 2011". Les arbitres représentent 42% des victimes recensées dans les stades lors de la saison 2010/2011. Pour 86% d'entre eux, il s'agit de violences verbales et pour 9% d'agressions physiques, selon l'observatoire qui se fonde sur les données de la Fédération française de football (FFF). Mais contrairement au film de Jean-Pierre Mocky, les agresseurs sont le plus souvent les joueurs et non les supporters. "Les arbitres sont majoritairement touchés au cours des matchs réalisés au niveau des districts et les auteurs sont principalement des joueurs", précise en effet l'étude.
2.857 infractions en 2010
En l'absence d'outil de mesure des incidents liés aux activités sportives, l'ONDRP a cherché à dresser un état des lieux, toutes disciplines confondues, en croisant les données émanant des services de police, des fédérations ou d'associations liées plus ou moins directement à la pratique du sport comme l'Union nationale du sport scolaire (UNSS).
En cinq ans, les infractions ont ainsi augmenté de 6,5%. En 2010, les services de police ont constaté 2.857 infractions dans les enceintes sportives ou à leurs abords. Dans 85% des cas, il s'agit de violences volontaires, et dans une moindre mesure de des manquements aux obligations administratives et judiciaires ou de possession d'objets interdits (fumigènes, armes, jets de projectiles). Mais les condamnations, elles, ont bondi de 69% entre 2005 et 2010. "Cette hausse résulte principalement des condamnations pour atteintes aux personnes qui affichent une augmentation de 60% sur cette période", explique l'observatoire. En 2010, 63% de ces condamnations sont des atteintes aux personnes, et 22% sont liées à l'introduction, la détention ou l'usage de fumigènes ou d'armes, ou aux jets de projectiles. 39% des peines prononcées ont été assorties d'un emprisonnement, 29% d'amendes et 24% de peines de substitutions (travail d'intérêt général, jour-amende…).
Si la violence n'épargne aucune discipline, le football est plus touché que le golf ou le tennis de table... Au cours des matchs de ligues 1 et 2 de la saison dernière, 914 interpellations ont été recensées par la ligue de football professionnel, soit 1,2 par match… Le nombre d'interpellations a augmenté de 74% entre les saisons 2006-2007 et 2010-2011, mais il est surtout le fait d'une meilleure prise en compte, relativise le rapport.
Refus de l'autorité
Le football amateur n'est pas en reste. Au cours de la saison dernière, 12.646 matchs amateurs ont été émaillés d'incidents (soit 18,1 pour 1.000). Un nombre en augmentation mais qui selon l'étude ne traduit là encore "pas forcément une aggravation de la violence au sein du football amateur". "Cet accroissement peut aussi s'expliquer par un recensement plus exhaustif des matchs à incidents", de la part de la FFF. Dans neuf cas sur dix, au moins un agresseur est un joueur.
Ces chiffres illustrent un refus de l'autorité qui dépasse le cas des seuls arbitres : un quart des atteintes aux personnes en lien avec des manifestations sportives sont dirigées contre une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée de mission de service public.
Le rapport s'intéresse aussi aux violences côté tribunes et aux interdits de stade dont le nombre a été multiplié par 2,5 entre 2008 et 2010. Ils étaient 211 en 2010, essentiellement concentrés en Ile-de-France (40) et Rhône-Alpes (39), loin devant Paca (18), la Champagne-Ardenne ou l'Aquitaine (17).