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Quand la mobilisation des acteurs privés permet d'économiser les deniers publics

De nouveaux moyens de réalisation et de financement des projets locaux fondés sur la mobilisation des acteurs privés et la coopération entre le public et le privé émergent. Demeurant complémentaires des modes de financement classiques, ils présentent l'intérêt de redonner une place à la société civile dans les services publics. C'est ce qu'a révélé un colloque organisé, le 24 janvier, par la Fondation internationale de finances publiques (Fondafip) et la Caisse des Dépôts.

A Issy-les-Moulineaux, les habitants et les employés d'un quartier optimisent leur consommation électrique grâce à des outils numériques connectés à trois installations de panneaux photovoltaïques. "Issygrid" préfigure ce que sera demain la gestion de l'énergie. Pour se doter de cette innovation, la ville administrée par André Santini ne s'est pas ruinée. Elle a misé sur la coopération avec des entreprises qui pouvaient en faire une vitrine de leur savoir-faire. L'ancien ministre a donc créé un consortium avec dix entreprises (EDF, Schneider Electric, Total, Sopra Steria...) coordonnées par Bouygues immobilier. Le contrat passé entre les partenaires "définit les règles de la gouvernance et d'évolution du consortium et bien sûr le projet", a détaillé récemment Guillaume Lenoble, directeur général adjoint en charge des finances, de l'évaluation et de l'innovation à la mairie d'Issy-les-Moulineaux. Le fonctionnaire s'exprimait le 24 janvier dernier à Paris, lors d'un colloque organisé par la Fondation internationale de finances publiques (Fondafip) et la Caisse des Dépôts et ayant pour thème "territoires en transition et nouvelle gouvernance financière locale".
Dans ce montage, chaque partie prenante "met à peu près le même montant au pot", a précisé Guillaume Lenoble. Bouygues immobilier y a trouvé son compte, puisque, forte de l'expérience isséenne, la société "a vendu" un réseau électrique intelligent aux collectivités de la métropole de Lyon, puis à "d'autres métropoles".
Pour fluidifier les déplacements, la ville d'Issy-les-Moulineaux a déployé la même méthode. So Mobility est le consortium qu'elle a constitué notamment avec Cisco, Bouygues immobilier, Engie ou encore Transdev. La Caisse des Dépôts apporte son soutien au projet, qui a démarré à l'automne 2015.

"Favoriser l'éclosion des start-up"

Pour concevoir la "smart city", la ville située dans la proche banlieue de Paris n'oublie pas d'associer à ses projets les start-up locales, généralement situées dans la commune. Une démarche qu'a recommandée Didier Célisse, responsable marketing, stratégie, animation territoriale au département "transition numérique" de la Caisse des Dépôts. Les collectivités ont même intérêt à favoriser l'éclosion de sociétés innovantes, qui travailleront à des projets utiles non seulement à leur commune et leur agglomération, mais aussi au reste du territoire, a-t-il souligné. La Caisse des Dépôts elle-même met en œuvre cette stratégie. Le groupe a investi récemment dans des start-up qui offrent les nouveaux services de la "smart city", comme la location d'espaces de coworking, l'autopartage, ou la location de scooters électriques.
Les collectivités ont aussi intérêt à accompagner et soutenir les initiatives prises par les associations, ou les habitants - et aussi parfois les entreprises - pour améliorer le cadre de vie, ou la vie locale. Certaines de ces initiatives se font aujourd'hui connaître par des plateformes internet. Celles-ci les aident à trouver des financeurs. Leurs contributions peuvent prendre la forme de dons, de prêts ou d'investissements. Il peut aussi s'agir d'apporter des idées, ou de consacrer du temps à la mise en œuvre des projets. Certaines de ces plateformes de "crowdfunding" - ou financement participatif - sont dédiées spécialement à des projets collectifs, à but non lucratif et d'intérêt général.

"Les citoyens mettent les sujets sur la table des élus"

D'après un baromètre réalisé par CompinnoV pour l'association Financement participatif France, la collecte sur les plateformes françaises de crowdfunding a atteint près de 300 millions d’euros en 2015 (dont 50 millions d'euros sous la forme de dons). 18.000 projets ont ainsi été financés cette année-là.
"Les premières initiatives sont nées dans les pays anglo-saxons dans les années 2008-2010", a relaté Guillaume Desmoulins, fondateur de la plateforme Co-city. "Des territoires abandonnés ont ainsi été transformés en parcs urbains, des monuments culturels ont été restaurés et des actions de solidarité ont été menées en direction des plus démunis". S'inspirant de ces expériences, Co-city a permis le financement de projets de proximité à Paris. Comme un "garde-manger solidaire" : cette grande boîte installée rue de Charenton, dans le 12e arrondissement de la capitale, permet aux passants de déposer de la nourriture non-périssable et aux personnes en difficulté de venir la chercher. L'idée lancée par deux associations locales nécessitait un investissement de 1.500 euros, une somme que Co-city a permis de réunir. "Le crowdfunding n'est pas uniquement un levier de financement : c'est aussi un levier d''empowerment' pour les habitants qui s'emploient ainsi eux-mêmes à résoudre des difficultés de leur quartier et mettent des sujets sur la table de la collectivité", s'est enthousiasmé Guillaume Desmoulins. "L'intérêt de l'outil dépasse le cadre de l'apport financier, qui est en fait marginal. Son intérêt est surtout qu'il permet de réintroduire le citoyen dans le service public", a corroboré Thomas Rougier, directeur des études à la Banque Postale collectivités locales.

"Le bateau des finances locales est un supertanker"

Claire Charbit, responsable du dialogue avec les autorités locales et régionales à l’OCDE a suggéré aux collectivités concernées de servir de relais à la communication des porteurs de projets, par exemple en créant un lien sur leur site internet. Ce petit coup de pouce ne coûte rien. En revanche, les collectivités profitent des retombées des projets lors de leur mise en oeuvre. Mais, l'experte a prévenu que si l'équipement réalisé est situé sur l'espace public et qu'il n'est pas entretenu, les usagers se tourneront vers la collectivité et la tiendront responsable de la situation. C'est le revers de la médaille.
Partenariats avec le secteur privé et financement participatif : même si leur apport est parfois modeste, ces moyens de financement sont bienvenus à l'heure où beaucoup de collectivités peinent à boucler leurs budgets. Pour cause : "le bateau des finances locales est un supertanker et non un voilier de compétition dont le cap est changé rapidement", a déclaré Guy Gilbert, professeur des universités émérite à l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay. Autrement dit, il est difficile de faire des coupes dans un budget constitué essentiellement de dépenses rigides. Or, côté recettes, le bloc communal présente le même inconvénient de rigidité depuis la réforme fiscale de 2010 qui a accru la part des recettes prélevées sur les ménages.

 

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