Commande publique - Quand la faute du maire n'est pas dépourvue de tout lien avec le service...
A l'occasion d'un arrêt rendu le 2 mars, le Conseil d'Etat a rappelé les grandes règles régissant la responsabilité de l'administration dans un contentieux intéressant un marché public. Lors de la conclusion d'un marché, une société cocontractante d'une collectivité a cédé l'intégralité de la créance sur celle-ci à une banque. Le maire a, à cet effet, établi des attestations administratives certifiant que la commune devait à la société les sommes dues pour la réalisation des travaux. Au vu de ces attestations, la banque a consenti une avance de ces sommes à la société cocontractante sans toutefois avoir pu obtenir de la commune le remboursement des sommes au motif que les travaux exigés n'avaient pas été réalisés.
L'arrêt d'appel avait retenu une faute personnelle du maire, détachable du service, du fait de l'émission de certificats attestant faussement de la réalisation des travaux. Le Conseil d'Etat a au contraire considéré par application de la jurisprudence Lemonnier et Demoiselle Mimeur, que la responsabilité de la commune pouvait être engagée car la faute du maire, bien que personnelle, n'était "pas dépourvue de tout lien avec le service".
Pour rappel, le Conseil d'Etat a très tôt admis qu'une faute personnelle d'un agent d'une collectivité publique, puisse engager la responsabilité de cette collectivité publique (CE, 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier). Il en est ainsi à chaque fois que la faute, quoique personnelle, n'est pas dépourvue de tout lien avec le service, qu'elle ait été commise dans le service ou avec les moyens mis à la disposition par le service (CE, 18 novembre 1949, Demoiselle Mimeur).
En l'espèce, le Conseil d'Etat fait très clairement une application de ces deux célèbres jurisprudences, en considérant l'émission de fausses attestations comme ayant été faites avec "l'autorité et les moyens" conférés par les fonctions de maire. "La faute ainsi commise, alors même que sa gravité lui conférerait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, n'est donc pas dépourvue de tout lien avec celui-ci, ce qui autorise sa victime à demander au juge administratif de condamner la commune à en assumer l'entière réparation."
La banque pourra alors engager la responsabilité de la commune, laquelle aura la possibilité, comme le lui propose le Conseil d'Etat, d'engager une action récursoire contre le maire. L'action récursoire permettrait en effet à la personne publique de se retourner contre l'agent public, auteur de la faute personnelle pour lui demander de participer, en tout ou partie, à la contribution finale de la dette.
L'Apasp
Référence : Conseil d'Etat, 3e et 8e sous-sections réunies, n° 283257, 2 mars 2007.