Qualité de l'air : renvoyée devant la justice européenne, la France promet de faire mieux
Le gouvernement est déterminé à "accélérer les mesures en faveur de la qualité de l'air", ont assuré ce jeudi 17 mai Nicolas Hulot et Elisabeth Borne après le renvoi de la France devant la Cour de justice de l'UE.
"Le gouvernement est résolu à agir avec les territoires et la Commission européenne pour permettre à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé, et mettre fin à ce contentieux dans les délais les plus courts possibles", a déclaré le ministre de la Transition écologique dans un communiqué commun avec sa collègue des Transports. "Avec Elisabeth Borne, nous annoncerons un paquet de nouvelles mesures qui seront inscrites dans la loi d'orientation des mobilités en juin", a-t-il rappelé.
La Commission européenne a décidé jeudi de renvoyer la France et cinq autres Etats membres (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Hongrie et Roumanie) devant la Cour en raison de leurs manquements répétés à leurs obligations en matière de qualité de l'air - et, plus précisément, en raison d'un "dépassement des valeurs limites de qualité de l'air fixées et manquement à l'obligation de prendre des mesures appropriées pour écourter le plus possible les périodes de dépassement".
L'Allemagne, la France et le Royaume-Uni sont sanctionnées pour le non-respect des valeurs fixées pour le dioxyde d'azote issu des pots d'échappement, principalement dans les agglomérations. La Hongrie, l'Italie et la Roumanie sont mis en cause pour la concentration élevée et persistante de particules (PM10), ces matières (poussière, fumée, suie, pollen) présentes naturellement dans l'air mais dont la concentration est aggravée par la pollution.
La Commission avait accordé en janvier une "dernière chance" aux pays concernés, leur réclamant un plan d'action. Neuf pays au total étaient en effet sous la menace d'être renvoyés devant la justice européenne. L'Espagne, la Slovaquie et la République tchèque ont échappé à la punition.
La France avait soumis son plan en février, avant de présenter également des plans spécifiques pour les 14 zones les plus polluées du pays, jugées par Nicolas Hulot "à la hauteur des enjeux". Mais même si la France a fait "beaucoup d'efforts", "de nombreuses mesures ne sont pas juridiquement ancrées dans la législation", a indiqué un responsable au sein de la Commission européenne, décrivant des "effets d'annonce qui doivent être concrétisés".
Dans cette optique, la future loi mobilité prévoit notamment "des financements pour accompagner le déploiement de zones à faibles émissions dans les territoires les plus pollués" et pour soutenir le vélo et le covoiturage, ont assuré jeudi les deux ministères.
Selon l'Agence européenne de l'environnement, la pollution aux particules fines est responsable de près de 400.000 décès prématurés par an, dont 35.000 en France.
Et pendant ce temps… les villes de Paris et Bruxelles en croisade contre un "permis de polluer" de l'UE
Les villes de Paris et Bruxelles ont plaidé ce 17 mai devant le Tribunal de l'Union européenne à Luxembourg pour faire annuler un règlement européen sur les normes d'émission de gaz polluants par les voitures, qu'elles estiment beaucoup trop laxistes. A la tête de la capitale française, Anne Hidalgo est venue à la barre en personne témoigner contre ce qu'elle estime être un "permis de polluer" accordé par l'UE. Avec Bruxelles et Madrid (non représentée jeudi), elle demande l'annulation du règlement en question. "Les règles que j'ai prises pour interdire l'entrée de véhicules polluants dans ma ville sont atténuées dans leur efficacité", a tempêté l'élue devant les magistrats européens.
Depuis septembre 2017, les constructeurs automobiles bénéficient d'une marge de tolérance de 110% pour les émissions d'oxyde d'azote des nouveaux modèles de véhicules mis en circulation (en 2019 pour les nouvelles voitures) lors des tests de conduite sur route. C'est deux fois plus que le seuil de 80mg/km en vigueur pour les tests en laboratoire. Pour les législateurs, la marge était justifiée par la prise en compte des aléas de la conduite sur route.
La législation avait été votée, hasard de l'actualité, seulement quelques semaines après les révélations sur les moteurs truqués de Volkswagen qui avaient soudainement braqué les projecteurs sur ce volet très technique de la réglementation européenne. L'UE était en train de muscler sa législation sur les tests d'homologation des véhicules autorisés à circuler sur ses routes.
"On est en train de nous expliquer ici - la Commission elle-même- que les constructeurs automobiles vont pouvoir polluer plus longtemps puisqu'il leur est donné une possibilité de multiplier par 2,1 leur capacité de pollution", a déploré auprès de l'AFP Anne Hidalgo. Et ce au moment même où la France vient d'être renvoyée devant la Cour de justice de l'UE pour le non-respect des limites de rejets de dioxyde d'azote, émis par les moteurs diesel, à la demande de la Commission européenne.
Au tribunal, l'exécutif européen a répondu que la "base juridique" du règlement attaqué "ne permet pas d'interdire tout ce que les villes de Paris, Bruxelles et Madrid veulent faire pour lutter contre la pollution", selon Jean-François Brakeland, représentant de la Commission.
"Une collectivité territoriale, que ce soit Paris, Madrid ou Bruxelles, n'aurait pas le droit d'interdire la circulation de véhicules qui respectent la dernière norme européenne", a oppposé l'avocat de la Mairie de Paris, Maître Jérémie Assous. "Dans ces matières de qualité de l'air, les villes ont un intérêt à agir devant votre Cour", a pour sa part assuré le bourgmestre (maire) de Bruxelles, Philippe Close.
Une réduction graduelle de la marge de tolérance, dite "facteur de conformité", est prévue. La Commission prévoit de l'abaisser à 1 - et donc de ramener les deux seuils à 80 mg/km - "dès que possible et au plus tard d'ici 2023".
Le verdict du Tribunal de l'Union européenne devrait tomber d'ici à la fin de cette année, selon une source judiciaire.