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Social - Protection des majeurs : la Cour des comptes et le défenseur des droits très critiques sur les effets de la réforme de 2007

Coup sur coup, la Cour des comptes et le défenseur des droits publient deux rapports sur la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. A l'époque, ce texte avait fait l'objet d'un accueil unanimement favorable et avait été salué comme une grande avancée dans un domaine où les abus n'étaient pas rares. Près de dix ans plus tard, le bilan dressé par ces deux institutions est beaucoup moins favorable, pour ne pas dire très critique.

Cour des comptes : "une mise en œuvre défaillante" de la réforme

Le rapport de la Cour des comptes est particulièrement sévère. Intitulé "Protection juridique des majeurs : une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante", il s'apparente à un véritable réquisitoire contre les modalités de mise en œuvre de la loi de 2007. La Cour des comptes s'était déjà penchée, une première fois - avec déjà un œil critique -, sur cette réforme dans un rapport de 2012, mais en se cantonnant à un seul de ses aspects, en l'occurrence, la mise en œuvre de la mesure d'accompagnement social personnalisé (Masp), l'une des principales innovations de la loi de 2007, financée par les départements (voir notre article ci-contre du 13 février 2012). La Cour estimait alors que "tous ces constats sont provisoires, car le bilan quantitatif et qualitatif de la loi n'a pas encore été publié".
Ces précautions oratoires ne sont plus de mise avec le rapport de 2016 et pratiquement aucun aspect du dispositif n'échappe à la critique. Seul point véritablement positif : le rapport confirme les ambitions de la réforme de 2007 et reconnaît qu'elle a constitué un progrès sur le plan juridique.
Pour le reste, pratiquement rien ne trouve grâce à ses yeux. Ainsi, si la réforme a été l'occasion de revisiter toutes les situations individuelles - au prix d'une charge très élevée pour les tribunaux d'instance - "la mise en oeuvre des autres droits n'est cependant pas toujours vérifiable en raison des limites des systèmes d'information du ministère de la Justice". De façon plus globale, les statistiques du ministère n'offrent pas de fiabilité.

La déjudiciarisation espérée n'a pas eu lieu

Autre déception : malgré la mise en place de dispositifs alternatifs - comme la Masp - les mesures de protection juridique continuent de croître, ce qui augmente d'autant la charge des juridictions. De ce point de vue, la déjudiciarisation espérée n'a pas eu lieu et le volet social de la réforme - incarné par la Masp - n'a pas prospéré.
Côté budgétaire, le financement des mesures a certes été rationalisé, mais le coût du dispositif n'est pas pour autant maitrisé. Il est ainsi passé de 426 millions d'euros en 2006 à 780 millions en 2015 (+83%). Le financement public représente 80% de la dépense (61% pour les organismes de sécurité sociale, 38% pour l'Etat et moins de 1% pour les départements). Le coût par mesure est passé, pour sa part, de 1.400 euros en 2006 à 1.852 euros en 2015. Dernière critique : la qualité de la protection assurée aux adultes protégés et son contrôle demeurent "très insuffisants".
Les critiques de la Cour visent particulièrement les acteurs du dispositif, mais elles n'épargnent pas non plus l'Etat - et tout spécialement le ministère de la Justice -, mis en cause en raison d'un "pilotage ministériel absent", avec en particulier une coordination interministérielle "inexistante" et des instruments de pilotage à créer ou sous-utilisés.
Enfin, la Cour pointe l'encadrement insuffisant de la profession de mandataire et la nécessité de professionnaliser ce métier.

Défenseur des droits : les droits fondamentaux insuffisamment reconnus

De façon logique, le rapport du défenseur des droits n'a pas la même approche. Ainsi, il ne s'intéresse pas aux aspects gestionnaires et budgétaires, ni même ne fait référence aux modalités de mise en oeuvre de la loi de 2007. Le Défenseur des droits se situe plutôt par rapport aux engagements internationaux de la France en la matière (Convention de La Haye, CEDH, Convention relative aux droits des personnes handicapées...).
Le constat n'en est pas moins critique pour autant, malgré les évolutions positives constatées depuis 2007. Après une longue description du fonctionnement du dispositif, le rapport estime en effet que les droits fondamentaux des majeurs protégés sont insuffisamment reconnus, qu'il s'agisse du droit de vote, du droit au mariage ou à divorcer, du droit de choisir son lieu de vie ou du droit à l'autonomie et au respect de sa dignité. Le Défenseur des droits s'inquiète aussi du poids majoritaire des mesures de tutelle - les plus lourdes - par rapport aux mesures de curatelle, moins contraignantes.
Enfin, le défenseur des droits ne manque pas de revenir sur une préoccupation récurrente : celle du sort des majeurs protégés français hébergés dans des établissements situés en Belgique. Cette situation entraîne, pour ces personnes, une véritable difficulté d'accès aux droits sociaux.

 

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