Protection des enfants victimes de violences intrafamiliales : adoption en deuxième lecture au Sénat

Les sénateurs ont adopté le 6 février une version assez proche du texte voté par les députés en novembre dernier. La proposition de loi vise à systématiser le retrait provisoire de l’autorité parentale sur l’enfant pendant toute la durée d’une procédure relative à une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur l’enfant, puis le retrait définitif de l’autorité parentale en cas de condamnation.   

La proposition de loi (PPL) "visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales" a été adoptée le 6 février 2024, en deuxième lecture, au Sénat, sans les voix du groupe socialiste (abstention). La PPL avait été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 13 novembre 2023 en deuxième lecture.  

Porté à l’Assemblée nationale par la députée socialiste Isabelle Santiago (Val-de-Marne), le texte vise à compléter l’arsenal juridique de protection de l’enfant victime de violences intrafamiliales – à son égard ou à l’égard d’un de ses parents. "L’ordonnance de protection délivrée par le juge ne suffit pas toujours pendant le temps de la procédure", peut-on lire dans l’exposé des motifs. Est citée une enquête de 2019 selon laquelle une majorité de "mères d’enfants mineurs obtenant une ordonnance de protection [ont été] contraintes d’exercer leur autorité parentale avec le conjoint, qui les a vraisemblablement violentées et mises en danger, elles et leurs enfants".

Depuis la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, le code civil prévoit une suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur l’autre parent, cela "jusqu'à la décision du juge et pour une durée maximale de six mois".

Suspension de l’autorité parentale pendant toute la durée de la procédure pénale

La PPL vise à étendre cette mesure d’une part dans sa durée : la suspension s’appliquerait pendant tout le temps de la procédure pénale, qui peut être longue. Et d’autre part, dans son champ : dans le cas également d’une agression sexuelle incestueuse ou d’un crime commis sur l’enfant et dans le cas de "violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits".

En deuxième lecture, le dispositif avait d’abord été allégé en commission des lois, les sénateurs ramenant la durée de suspension de l’autorité parentale à six mois, au motif de trouver un équilibre entre la protection de l’enfant et le respect de la présomption d’innocence. En séance, le Sénat a rétabli le dispositif voté à l’Assemblée permettant la suspension sur toute la durée de la procédure, sans toutefois retenir le dernier motif (violences volontaires sur l’autre parent entraînant une incapacité de huit jours).

Retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour agression sexuelle incestueuse

À l’article 2, la deuxième disposition phare du texte vise à systématiser le retrait total de l’autorité parentale "en cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d’un crime commis sur la personne de l’autre parent". Cela "sauf décision contraire spécialement motivée" du juge, qui doit alors prononcer "le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale", là encore "sauf décision contraire spécialement motivée". Le juge doit également se prononcer "sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité" dans d’autres cas que sont les condamnations pour délit commis sur l’enfant (autre que l’agression sexuelle incestueuse), délit commis sur l’autre parent et crime ou délit commis par l’enfant quand le parent est coauteur ou complice.

Ces deux mesures (retrait provisoire pendant la procédure et retrait total à l’issue d’une condamnation) suivent notamment des recommandations de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) (voir notre article). La commission mixte paritaire permettant d’aboutir à la version définitive de la PPL pourrait avoir lieu le 15 février 2024, selon la sénatrice Laurence Harribey (Socialiste, Gironde).