Proposition de loi sur la fin du "maintien à vie dans le logement social" : largement critiquée et rejetée en commission

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a rejeté mardi 25 mars la proposition de loi portant fin du "maintien à vie dans le logement social". Un texte porté par l’ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian qui a suscité des oppositions jusque dans la formulation même de son intitulé. Elle sera examinée lundi 31 mars en séance dans sa version initiale.

La proposition de loi portée par l’ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian qui sera en débat à l’Assemblée nationale lundi 31 mars provoque des remous. Proposant plusieurs mesures destinées à mettre fin au "maintien à vie dans le logement social", le texte a été rejeté mardi 25 mars en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Déposé en février dernier, il porte pour ambition de fluidifier la mobilité au sein du parc de logements social en renforçant, d’une part, les conditions d’examen périodique de la situation des locataires par les bailleurs, et d’autre part, les conditions de libération du logement pour cause de dépassement des plafonds de ressources. Enfin, le texte prévoit d’abaisser le seuil de déclenchement du supplément de loyer de solidarité (SLS).

Défendant un texte "ni de gauche, ni de droite", le rapporteur Stéphane Vojetta (EPR) a pointé devant les membres de la commission des affaires économiques la nécessité de faire en sorte que "le parc social bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin", arguant que "ceux qui ont réussi" puissent laisser leur place aux candidats en attente d’un logement social. Un contingent estimé fin 2024 à 2,6 millions de demandeurs dont les deux tiers sont des travailleurs modestes ou des familles monoparentales, a souligné le rapporteur. L’objet du texte, a-t-il défendu, est ainsi "d’organiser une plus grande rotation" dans le parc social pour répondre à cet enjeu de mobilité. Et pour y parvenir, il préconise un abaissement des seuils de ressources permettant d’accéder à un logement social ainsi qu’une plus grande prise en compte du patrimoine immobilier des locataires dans l’analyse de leur maintien dans un logement social. Concrètement, "un salarié qui vit à Saint-Denis devra quitter son logement social à partir d'un salaire net de 3.800 euros par mois" pendant deux ans, contre 4.336 euros par mois actuellement, a-t-il argumenté.

Des députés de gauche et du groupe Liot ont fustigé le texte, qui ne répond pas selon eux à la crise, car il ne libérerait que peu de logements. Leurs amendements pour supprimer les articles principaux ont été adoptés, vidant le texte de sa substance. "Le droit au logement social à vie n'existe pas", a par exemple lancé Thomas Portes, député LFI de Seine-Saint-Denis, rappelant que des sur-loyers et mesures d'obligation de quitter un logement social sont déjà prévus. A l'issue de l'examen, la commission a voté contre la version du texte vidée de sa substance. Il arrivera donc dans sa version initiale le 31 mars dans l'hémicycle.

L’USH dénonce "une atteinte à la mixité sociale"

Dans la foulée du rejet du texte en commission, l’Union sociale pour l’habitat (USH) a réagi mercredi 26 en saluant "le travail des parlementaires en commission qui ont méthodiquement démontré l’inutilité et l’injustice des dispositions proposées". L’USH a elle aussi dénoncé à ce propos "le caractère fallacieux et démagogique de l’intitulé" lui-même de la proposition de loi, considérant qu’il n’existe pas de "logement social à vie", celui-ci restant par nature accessible sous conditions de ressources. Sur la forme, le rapporteur Stéphane Vojetta s’était d’ailleurs dit favorable, lors de l’examen en commission, à un changement d’intitulé, proposant celui de "proposition de loi visant à accélérer la rotation dans le parc HLM pour plus de justice sociale". Au-delà de l’enjeu sémantique, l’USH a souhaité rappeler que "les lois actuelles prévoient déjà des seuils de déclenchement de surloyers et de départ du parc social lorsque les revenus progressent". Des seuils dont l’abaissement ne ferait qu’amplifier "l’atteinte à la mixité sociale". L’USH émet également de forts doutes sur la capacité de ce texte à "libérer des logements sociaux", a fortiori dans des proportions à la mesure de l’enjeu, citant le chiffre de 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social fin 2024 alors même que l’application des mesures préconisées par Guillaume Kasbarian permettrait d’accueillir dans le parc social environ 30.000 personnes, selon l’estimation présentée par le rapporteur Stéphane Vojetta.

Interrogée jeudi 27 mars sur les ondes de France info, la ministre du Logement, Valérie Létard, a émis elle aussi quelques réserves sur l’intitulé du texte ainsi que sur le renforcement envisagé des contrôles qui seraient effectués par les bailleurs sociaux pour déterminer le niveau de revenu, voire le patrimoine, des résidents, rappelant à ce titre que "l’Ancols est mandaté pour exercer cette mission". Néanmoins, elle a estimé que le texte envoi "un signal qui va dans le bon sens", pour peu qu’il permette de préserver une nécessaire "mixité sociale", notamment dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV). Elle demandera donc lundi 31 mars en séance, explique-t-elle, de "corriger les dispositions qui vont trop loin ou qui auront des difficultés d’application". Et surtout que seuls soient concernés par un éventuel abaissement des seuils les logements PLS au contraire des PLAI.

La ministre déléguée à la Ville, Juliette Méadel, a pour sa part salué sur X le rejet du texte: "Les habitants des quartiers demeurent défavorisés socialement et s'ils vivent un peu mieux tant mieux pour le quartier ! Nous voulons de la mixité sociale, pas des ghettos." "Une ministre qui défend le maintien de ménages aisés dans le logement social au détriment de ceux qui en ont besoin, (...) qui se réjouit du rejet d'une proposition du socle commun soutenue par Matignon. Assistez aux réunions interministérielles ou démissionnez", a vertement rétorqué Guillaume Kasbarian.

 

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