Promotions internes : un peu d’huile dans les rouages
Les possibilités pour des fonctionnaires territoriaux de bénéficier d’une promotion interne, c’est-à-dire d’accéder à un cadre d’emplois supérieur, s’amenuisaient ces dernières années. La faute à des quotas et des règles complexes à mettre en oeuvre. Le gouvernement s’attaque au problème : ces quotas seront assouplis au 1er janvier 2024. Objectif : augmenter les taux de promotion interne de 50% en moyenne dans les collectivités.
À partir du 1er janvier prochain, les employeurs territoriaux devraient pouvoir accorder davantage de promotions à leurs agents, comme ils le demandent depuis un certain temps. Un décret en cours de préparation, que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) examinera pour avis le 18 octobre, va en effet assouplir les règles jugées par trop contraignantes en la matière.
Le ministre chargé de la fonction publique, Stanislas Guerini, l’avait promis dès le début de cette année : dans le cadre des discussions sur l’accès, les parcours et les rémunérations, il "débloquerait" la question des quotas de promotion, afin d’offrir "plus de marges de manœuvre" aux employeurs ou chefs d’équipe (voir notre article du 2 février). Lors de son discours de rentrée, le 1er septembre, il avait enfoncé le clou. "La réalité, c'est celle d'un maire qui ne peut pas promouvoir un agent talentueux, car il est contraint par des règles qui laissent trop peu de souplesse", avait-il déploré (voir notre article du 1er septembre), avant de souhaiter qu'"on puisse multiplier ces parcours où on grimpe toute l'échelle dans la fonction publique".
Réforme prioritaire
Le constat n’est pas nouveau. Dans le rapport qu’ils ont remis début 2022 sur l’attractivité de la fonction publique territoriale, Mathilde Icard et Philippe Laurent estimaient que "la fonction publique territoriale doit pouvoir construire des déroulés de carrière dynamiques pour ses collaborateurs" (voir notre article du 3 février 2022). Il faut, disaient-ils, "faciliter la capacité à promouvoir (seuils et quotas) dans un esprit de justice". Des constats et des recommandations que, depuis un certain temps, le ministère en charge de la Fonction publique partageait. "Le contingentement de la promotion interne tel que réglementé au sein de la fonction publique territoriale présente des inconvénients, en particulier dans les collectivités locales de petite taille et dans les cadres d'emplois comportant de faibles effectifs", répondait-il en février à la question d’un sénateur. Il poursuivait : "Ce dispositif laisse peu de marges de manoeuvre aux employeurs territoriaux dans la gestion de leurs ressources humaines et peut constituer un frein à l'évolution des carrières des agents publics dont la manière de servir et les compétences acquises pourraient justifier une promotion."
Reconnaissant l’existence d’un réel problème, le gouvernement a décidé de faire de la réforme des règles qui encadrent la promotion interne des agents de la fonction publique territoriale "une priorité" du chantier sur l’accès, les parcours et les rémunérations dans la fonction publique, souligne ce dernier dans le rapport de présentation du projet de décret, que Localtis a pu consulter.
Actuellement, la promotion interne "est contingentée et limitée par des quotas, dans des conditions définies par les statuts particuliers", détaille ce document. "Ainsi, un fonctionnaire ne peut être promu, au titre d’une année, que si trois recrutements ont été opérés selon d’autres voies (concours, détachement, mutation ou intégration directe)". Les possibilités de promotion interne sont ainsi liées pour l’essentiel au recrutement de fonctionnaires par concours. Or, le recrutement de ce type de personnels est de plus en plus concurrencé par des recrutements d’agents contractuels, ce qui "conduit mécaniquement à faire diminuer le nombre de promotions".
Pas de révolution
Il existe néanmoins des "clauses de sauvegarde", lorsque le quota n’est pas respecté. Première clause : lorsque le nombre de recrutements ouvrant droit à un recrutement au titre de la promotion interne n’est pas atteint pendant une période d’au moins quatre ans, un fonctionnaire peut être inscrit sur la liste d’aptitude si au moins un recrutement est intervenu". À cette dérogation s’en ajoute une autre : le nombre de nominations susceptibles d’être prononcées peut être calculé en appliquant la règle du "1 pour 3" à 5% de l’effectif du cadre d’emplois lorsque ce mode de calcul permet un nombre de nominations plus élevé. Mais ces clauses sont insuffisantes, en l’état, comme le reconnaît l’exécutif.
Que compte faire ce dernier ? Il n’entend, d’abord, pas révolutionner les modes de promotion des agents territoriaux. Il refuse en particulier de suivre l’avis de certains élus qui demandent la possibilité pour les collectivités et les centres de gestion de définir eux-mêmes les quotas. "Le principe du contingentement demeure pertinent, le concours devant rester le mode de recrutement de droit commun", fait-il valoir. Il convient donc, pour ce dernier, d’assouplir les quotas. Il envisage ainsi de transformer la règle du "1 pour 3" en "1 pour 2". En outre, il est prévu de réduire de quatre à deux ans la durée requise avant d’appliquer la clause de sauvegarde. Enfin, les possibilités de promotion interne en fonction des effectifs du cadre d’emplois seraient augmentées : le taux de fonctionnaires à prendre en compte serait relevé de 5 à 8%, l’idée étant notamment de "tenir compte des cadres d’emplois à faible effectif".
Taux de promotion interne accrus de 50%
En revanche, il est hors de question, pour le gouvernement, de modifier l’assiette des recrutements servant au calcul des quotas de promotion interne, pour notamment y inclure les recrutements des agents contractuels sur emploi permanent. Le rapport Icard-Laurent préconisait d’aller dans cette voie, en prenant compte les recrutements "des contractuels nouvellement recrutés sur emploi permanent". Mais "cet élargissement serait difficile à mettre en œuvre, les centres de gestion de la fonction publique territoriale n’ayant pas la connaissance exhaustive des contrats sur emploi permanent", considère l’exécutif. "Il serait par ailleurs de peu d’effet et ne pourrait concerner, par définition, les cadres d’emplois fermés aux agents contractuels (comme ceux de la police municipale)", complète-t-il.
L’exécutif évalue que la réforme "devrait permettre d’augmenter les taux de promotion interne de 50% en moyenne". Il est par ailleurs convaincu qu’"elle ouvrira de nouvelles marges de manœuvre aux employeurs territoriaux, notamment les centres de gestion, afin de satisfaire aux demandes des collectivités affiliées". Et ce "sans déstabiliser la pyramide statutaire dans la fonction publique territoriale".