Projet Tressons : "la mobilisation des élus est nécessaire au renforcement de l’ESS sur les territoires ruraux"
Revitalisation des petites villes, réponses de proximité aux problématiques des habitants, cohésion sociale, structuration de filières durables… Pendant trois ans, le projet Tressons porté par l’Avise et le RTES s’est attaché à démontrer, auprès des élus en particulier, la pertinence de l’économie sociale et solidaire pour le développement des territoires ruraux. La sensibilisation des élus est primordiale, selon l’Avise et le RTES, car l’impulsion donnée par les collectivités permet de doter les territoires d’ingénierie, de structurer l’écosystème, de faire une place à l’ESS dans les programmes et contrats de développement rural.
Lancé en septembre 2018 par l’Avise et le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES), le projet Tressons (Territoires ruraux et économie sociale et solidaire, outils et nouvelles synergies) est actuellement en cours d’évaluation, après avoir fait l’objet d’un séminaire de clôture à Guipel (Ille-et-Vilaine) en décembre 2021. Avec le soutien du Réseau rural national (RRN) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), le projet visait à "analyser et renforcer l’impact de l’économie sociale et solidaire (ESS) sur les territoires ruraux". En trois ans, la démarche aura donné lieu à l’élaboration d’un grand nombre de ressources et initiatives sur le sujet : étude quantitative et monographies de territoires, rencontres et webinaires, expérimentations, guides et autres fiches détaillant les leviers d’action à disposition des territoires ruraux.
"Un rôle moteur dans la revitalisation des territoires et le développement de filières d’avenir"
"Le projet Tressons nous a permis d'analyser différentes dynamiques de transition en œuvre dans les territoires ruraux, impulsées et soutenues par l'économie sociale et solidaire : des stratégies de développement local coconstruites qui misent sur le lien social, le mieux-vivre et l'inclusivité, des projets collectifs ambitieux, au service des habitants, qui encouragent à s'engager dans l’action locale", explique Cécile Leclair, directrice générale de l’Avise.
Ces travaux ont mis en évidence la place particulière qu’occupe déjà l’ESS dans l’économie rurale et son potentiel de développement dans différents domaines (voir notre article). "L’ESS occupe un rôle moteur dans la revitalisation des territoires et dans le développement de filières d’avenir telles que l’alimentation durable et l’économie circulaire", souligne Cécile Leclair. L’idée défendue en particulier : les modes de gouvernance – type société coopérative d’intérêt collectif – et de coopération entre acteurs propres à l’ESS apportent des réponses aux défis sociaux, économiques et environnementaux complexes auxquels les territoires ruraux font face (voir notre article de décembre 2020 sur un webinaire de Tressons "ESS et revitalisation des territoires ruraux : 'Faire avec les gens qui sont là'").
Précarité, vieillissement… des solutions pour un "développement endogène"
Sur la base de leurs travaux, l’Avise et le RTES identifient plusieurs facteurs clé de développement de l’ESS dans les territoires ruraux, dont "l’inscription de l’ESS dans les outils de planification territoriale et de contractualisation". Selon une des études du projet Tressons, le programme européen Leader (axe du Feader) et les projets alimentaires territoriaux (PAT) sont qualifiés de "dispositifs à fort potentiel pour l'ESS en milieu rural", du fait notamment des "dynamiques ascendantes" communes entre ces programmes et les projets ESS. En revanche, la mobilisation des acteurs de l’ESS semble encore faible dans le cadre des programmes de développement rural régionaux (PDRR) et les contrats de ruralité.
Certains territoires réservent également une place à l’ESS et à ses acteurs dans l’élaboration des projets de territoire du programme "Petites villes de demain" piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (voir notre article). "Aujourd’hui, le développement d’un territoire rural comme le nôtre – qui doit faire face à la précarité, la dépendance, le vieillissement – passe par du développement endogène, et à chaque fois qu’on est dans une démarche ESS on amène de la valeur ajoutée sur le territoire", témoigne ainsi Jean-Marc Dumont, président de la communauté de communes du Bocage Bourbonnais (Allier), sur le site de l’Avise. Des acteurs de l’ESS tels qu’un tiers-lieu et un centre social ont été invités à participer aux discussions sur le projet de ce territoire. Partenaire de l’ANCT sur ce programme, l’Avise met à disposition des petites villes différents outils sur l’ESS, dont une base de données collaborative recensant quelque 150 projets et des retours d’expérience. Par exemple, le témoignage de Thierry Bordot, maire de Saint-Loup-sur-Semouse (Haute-Saône), une commune où des structures de l’ESS – scic, associations… – apportent des réponses en matière de logement des personnes âgées, d’alimentation et de lutte contre la précarité, d’emploi ou encore de médiation culturelle.
Une ingénierie locale que différents niveaux de collectivités peuvent soutenir
Autre levier décisif de soutien à l’ESS mis en avant par le projet Tressons : "la présence d’une animation du territoire et d’une ingénierie locale portée par les différents niveaux de collectivités". C’est le cas par exemple de la communauté de communes Val d’Ille-Aubigné (Ille-et-Vilaine), qui a fait l’objet d’une monographie. Dans ce territoire, l’implication des élus sur l’ESS a démarré dès le début des années 2000. A l’appui notamment d’une pépinière créée spécifiquement pour les entreprises de l’ESS à Langouët et de l’association Bruded, l’objectif est de favoriser l’émergence d’initiatives locales, mais aussi de mettre en réseau les acteurs de l’ESS et de sensibiliser et former les élus à ces dynamiques. Cette politique ESS "s’inscrit dans un cadre plus large défini par les politiques départementales et régionales en la matière", le département apportant en particulier un soutien en ingénierie avec des agents présents à l’échelle de chaque pays, peut-on lire dans la monographie. Ainsi, pour l’Avise et le RTES, "l’articulation et l’interconnaissance entre les différents acteurs de l’accompagnement et du financement" – collectivités, incubateurs, pépinières, coopératives d’activité et d’emploi… – s’avèrent également très importantes pour un soutien efficace au tissu ESS. Une mise en réseau qui peut être notamment favorisée à l’occasion d’appels à projets collaboratifs.
Le projet Tressons a lui-même contribué à structurer des réseaux locaux et nationaux – avec notamment la création du collectif Créa’rural pour les acteurs de l’accompagnement – et a favorisé l’échange de bonnes pratiques entre des élus et acteurs au sein d’un même territoire ou entre différents territoires. "Six collectivités ont directement bénéficié d’actions de sensibilisation à l’ESS et à l’accompagnement de projet sur le territoire à travers des journées de formation ou des évènements", mettent en avant l’Avise et le RTES. Il s’agit des pays de Pouzauges et de Mortagne, des communautés de communes des montagnes d’Ardèche et de l’ouest aveyronnais, du syndicat mixte du vignoble nantais et du Parc naturel régional de la vallée de Chevreuse. Sur le territoire de Briey (Meurthe-et-Moselle), le séminaire de lancement de la dynamique Tressons à Nancy a aussi directement inspiré la création d’une démarche associative de mobilisation sur l’ESS et d’accompagnement des initiatives de territoire, le projet FER Ensemble.
Pour l’Avise et le RTES, l’enjeu est désormais de s’appuyer sur les enseignements du projet Tressons pour intensifier la sensibilisation des élus et des collectivités, "car leur mobilisation est une condition nécessaire au renforcement de l’ESS sur les territoires ruraux". Les deux structures observent en particulier que l’entrée via le développement économique est décisive pour "embarquer les élus".