ESS et revitalisation des territoires ruraux : "Faire avec les gens qui sont là"

Pour revitaliser les villages comme les petites villes, l'économie sociale et solidaire offre des leviers d'action aux élus. Un webinaire organisé à l'occasion du Salon des maires par l'Avise a permis de mettre en avant ces opportunités. Alors que le programme "Tressons" est dédié à l'appui des territoires ruraux, l'Avise soutiendra les petites villes dès 2021 dans le cadre du programme "Petites Villes de demain".

Le Salon des maires 2020 a été l'occasion de mettre en avant la façon dont l'économie sociale et solidaire (ESS) "revitalise les territoires ruraux", lors d'un webinaire organisé le 25 novembre par l'Avise. L'occasion pour l'Avise de mieux faire connaître auprès des élus le programme "Tressons" (voir nos articles ci-dessous) que l'agence nationale d'ingénierie sur l'ESS porte avec le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES). À travers un travail d’analyse, de valorisation de pratiques existantes et d’accompagnement, il s'agit d'aider les territoires ruraux à mieux se saisir des opportunités offertes par l'ESS pour relever les défis auxquels ils sont confrontés, en termes d'emploi, de maintien de services de proximité, de lien social ou encore de transition écologique.

 

Un volet ESS dans le programme "Petites Villes de demain"

"L'Avise est partenaire du programme 'Petites Villes de demain' pour essayer de faire de l'ESS un vrai levier de revitalisation", a également mis en avant Floriane Vernay, chargée de mission à l’Avise. Destiné à sensibiliser les élus aux possibilités offertes par l’ESS, à les outiller et les accompagner dans la mise en œuvre de projets, cet appui sera déployé à partir de 2021 auprès des 1.000 petites villes bénéficiaires. Parmi les modalités de soutien prévues par l’Avise : des webinaires, du partage d’expériences, des formations en région, des mises en relation avec les acteurs territoriaux de l’ESS "pour faire émerger des projets répondant aux besoins des territoires (commerces de proximité, habitat intergénérationnel, emploi local, alimentation durable, mobilité durable, etc.)". "Il s’agit de rentrer par les besoins des territoires et de montrer que ces besoins rencontrent des solutions de l’ESS", a expliqué à Localtis Kanitha Kernem Auclair, responsable de pôle à l’Avise. Pour aider des élus en demande d’ingénierie de projet, l’Avise entend s’appuyer sur ses réseaux d’acteurs de l’accompagnement : dispositif local d’accompagnement, communauté émergence et accélération, collectif Créa’rural.

 

S'appuyer sur les acteurs de l'ESS pour les politiques locales

Si la sensibilisation apparaît comme un préalable nécessaire dans nombre de territoires, certaines collectivités rurales adoptent déjà délibérément un positionnement favorable aux acteurs de l'ESS. C'est le cas de la communauté de communes d’Auberive, Vingeanne, Montsaugeonnais (Haute-Marne) qui a transformé une ancienne gare désaffectée en un centre de ressources et d'accueil pour l'ESS. Une façon de donner de la "visibilité" à l'ESS, à travers ce lieu qui rassemble différents acteurs dont des structures d'insertion, un espace de co-working ou encore des studios dédiés à l’accueil de jeunes. Plutôt que de faire régulièrement appel à des consultants extérieurs, les élus locaux cherchent à "mettre en marche ces acteurs de l'ESS pour créer de la valeur ajoutée et faire en sorte qu'ils restent sur le territoire", a témoigné le 25 novembre Patricia Andriot, élue de la commune du Val-d'Esnoms (Haute-Marne, 350 habitants), conseillère communautaire et vice-présidente du RTES. Les associations locales ont ainsi pu être mobilisées sur une démarche "zéro phyto" dans les villages ou encore sur le volet pédagogique du plan alimentaire territorial. La collectivité s’appuie pour cela sur des conventions pluriannuelles d’objectifs ou, au-delà du seuil de mise en concurrence, sur des délégations de services publics.

 

L'habitat partagé pour répondre à des besoins non satisfaits 

Valoriser les compétences locales permet certes d'aider des acteurs à se maintenir, mais aussi de monter des projets dans des territoires délaissés par les entreprises "traditionnelles". C'est l'analyse de Florence Delisle-Errard, co-fondatrice de l'association Habitat des possibles en Nouvelle-Aquitaine et co-présidente du Réseau national de l'habitat partagé. "Aujourd'hui, les opérateurs immobiliers ne vont pas sur des territoires ruraux, sur de très petites structures de cinq-douze personnes", a-t-elle constaté. La démarche de l'association consiste à faire émerger des projets d'habitat partagé au bénéfice de jeunes retraités ou de personnes plus âgées, en lien avec les élus et les habitants. La combinaison d'espaces privatifs et d'espaces partagés permet ainsi de répondre aux besoins de personnes qui n'auraient sans cela souvent pas les moyens de se loger en centre-bourg. L'enjeu est bien de s'appuyer sur les ressources locales : "On fait avec les gens qui sont déjà là plutôt que de créer des services ex nihilo" et "on remet en circulation des biens publics en les rénovant", a expliqué Florence Delisle-Errard.

 

"Une vraie pertinence économique" de ces projets

En matière de revitalisation commerciale aussi, "l’énergie doit venir des forces vives du territoire, des associations, des artisans, des élus, certes des commerçants, mais pas que", a renchéri Raphaël Boutin-Kuhlmann, cofondateur de la société coopérative d’intérêt collectif Villages vivants (voir notre article). Pour ce dernier, il y a "une vraie pertinence économique" de ces projets – des projets souvent qualifiés d’"alternatifs" et pas toujours d’emblée pris au sérieux. Ainsi, suite à la fermeture d’une épicerie dans le Vercors, des habitants ont monté une association et recruté leur épicier. "Trois ans plus tard, c’est 350.000 euros de chiffre d’affaires et quatre employés", a illustré Raphaël Boutin-Kuhlmann. La foncière solidaire Villages vivants a récemment levé 1,8 million d’euros auprès de cinq investisseurs dont la Banque des Territoires (voir le communiqué), pour continuer à racheter des locaux, les rénover et les louer à des acteurs de l’ESS dans des villages et petites villes.