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Environnement - Projet de loi sur la biodiversité : premières retouches des députés dans l'hémicycle

L'examen en séance à l'Assemblée nationale du projet de loi sur la biodiversité a débuté le 16 mars. Parmi les premiers amendements adoptés : l'intégration d'un objectif de zéro perte nette de biodiversité, la suppression de l'article qui étendait aux animaux sauvages la répression pénale des actes de cruauté envers les animaux ou encore le renforcement de la représentation des territoires ultramarins dans les instances de gouvernance.

Les députés ont commencé le 16 mars l'examen en séance en première lecture du projet de loi sur la biodiversité. Plus de 800 amendements ont été déposés sur ce texte, dont une trentaine par le gouvernement et près de 70 par la rapporteure Geneviève Gaillard, députée PS des Deux-Sèvres. En ouverture des débats, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a défendu la future loi comme l'une des "plus en avance du monde" pour répondre à "l'urgence" et donner à la France "l'élan d'une croissance verte et bleue". Quarante ans après la loi de 1976 sur la nature et vingt-deux ans après la loi Paysages votée sous sa responsabilité, Ségolène Royal a présenté ce texte comme destiné à "accélérer l'invention d'un nouveau modèle" : agir "avec" la nature et "faire de l'urgence d'agir une chance" pour "donner à notre pays l'élan d'une croissance verte et bleue" potentiellement riche en innovations, activités et emplois.

"Rôle d'exemplarité"

Alors que "certains experts français parlent d'une sixième extinction de masse" devant l'ampleur et le rythme de disparition d'espèces, la ministre a insisté sur "le rôle d'exemplarité" revenant à la France, "l'un des pays au monde le plus riche en biodiversité et merveilles de la nature "(domaine maritime, récifs coralliens...) mais aussi au sixième rang des pays abritant le plus grand nombre d'espèces menacées. Les moyens d'action existant jusqu'alors ont en effet débouché sur "des progrès encore insuffisants", a-t-elle dit. Après avoir insisté sur les valeurs clefs du projet de loi (solidarité écologique ; principe "éviter, réduire, compenser" ; mise en mouvement des territoires ; partage équitable des avantages tirés des ressources génétiques et connaissances traditionnelles ; mutualisation des savoirs et sciences participatives), Ségolène Royal a mis l'accent sur la création de l'Agence française pour la biodiversité, qui doit être le "fer de lance d'une politique volontariste et mobilisatrice". Evoquant le regret de "nombre d'ONG" et de certains députés que l'Office national de la chasse n'y soit pas intégré, elle a jugé qu'"une bonne contractualisation des relations avec l'Agence et, sur le terrain, le rapprochement de ses équipes dans l'action permettront de dépasser les blocages institutionnels et créeront une dynamique plus positive, au bout du compte, qu'une fusion autoritairement imposée".
A quelques mois de la conférence sur le climat à Paris en 2015 (COP 21), la ministre a qualifié d'"indissociables" la lutte contre le dérèglement climatique et le combat pour la reconquête de la biodiversité. Elle a aussi insisté sur la reconnaissance par le texte des liens étroits entre biodiversité et santé, mais aussi sur le caractère "stratégique" des outre-mer pour la biodiversité.

Dimension territoriale de la solidarité écologique

Au terme de la première séance, les députés ont examiné le titre Ier du projet de loi sur les grands principes du droit de l'environnement en matière de biodiversité et commencé l'examen du titre II sur la gouvernance. En tout, 26 amendements ont été adoptés. A l'article introduisant la séquence "Eviter, réduire, compenser" et le principe de solidarité écologique dans les principes d'action de Code de l'environnement, il a ainsi été ajouté, via un amendement écologiste, le principe de zéro perte nette de biodiversité.
Un amendement de la rapporteure a aussi été voté pour souligner que le principe de solidarité écologique doit aussi se comprendre dans sa dimension territoriale, en vertu de laquelle un écosystème peut plus ou moins directement bénéficier à un territoire voisin ou non. "Une décision publique le concernant peut ainsi impacter au-delà de ses contours et même au-delà des limites institutionnelles de la collectivité territoriale qui l'abrite. Toute décision publique pour être parfaitement éclairée doit prendre en compte ces interactions territoriales", indique l'exposé des motifs. Un autre amendement de Geneviève Gaillard à l'article 2 du texte modifie également le paragraphe ajouté en commission sur "le principe de complémentarité entre l'environnement et l'agriculture" en y ajoutant la sylviculture, "reconnaissant les surfaces agricoles et forestières comme porteuses d'une biodiversité spécifique et variée, et les activités agricoles et forestières comme vecteur d'interactions écosystémiques permettant la préservation des continuités et des fonctionnalités écologiques". Il a aussi été décidé que, dans un délai de deux ans après la promulgation de la loi, le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l'opportunité d'inscrire le principe de non-régression dans le Code de l'environnement, au travers d'un amendement UDI auquel la ministre de l'Ecologie a donné un avis favorable.

Articles supprimés

Mais les députés ont aussi supprimé des articles qui avaient été rajoutés en commission. Il en est ainsi de celui portant sur "la restauration" des systèmes aquatiques, des sites et des zones humides et de la biodiversité liée à ces milieux. L'auteur de l'amendement de suppression, Jean-Yves Caullet (PS, Yonne) a estimé que "l'introduction du concept de restauration aurait des conséquences juridiques et techniques mal maîtrisables".
Bien plus polémique, un autre article destiné à étendre aux animaux sauvages la répression pénale en cas d'acte de cruauté, de sévices graves ou de nature sexuelle a aussi été retiré du texte, par le vote d'amendements identiques de députés UMP, PS, PRG, Front de Gauche, avec l'aval de Ségolène Royal. Par ailleurs, l'Assemblée a rejeté le principe d'action de groupe en matière d'environnement, souhaité par certains socialistes et par les écologistes. La ministre, défavorable aux amendements tels que rédigés, a notamment jugé que "les réflexions doivent se poursuivre sur cette question, notamment dans les groupes sur la modernisation du droit de l'environnement".
Dans le chapitre sur la gouvernance de la biodiversité, il a été ajouté une possibilité d'auto-saisine du Comité national de la biodiversité (CNB) et du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), via un amendement du gouvernement salué par la rapporteure. Et chaque département d'outre-mer sera finalement représenté au CNB, future instance de décision politique clé en matière de biodiversité, en vertu d'un amendement porté notamment par Serge Letchimy (apparenté SRC, Martinique). La composition du CNPN devra aussi concourir "à une représentation significative de spécialistes de la biodiversité ultramarine". L'examen du texte doit se poursuivre jusqu'au 19 mars.

 

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