Archives

Economie/Finances - Projet de loi Sapin 2 : poursuite du feuilleton en commission à l'Assemblée

Après l'échec de la commission mixte paritaire, la commission des lois de l'Assemblée nationale est revenue en nouvelle lecture, ce mercredi 21 septembre, sur plusieurs articles du projet de loi Sapin 2 objet d'un désaccord avec le Sénat. Ces articles portent en particulier sur le statut des lanceurs d'alerte ou le registre des représentants d'intérêts (lobbies) commun au gouvernement et aux assemblées.

Pas moins de 180 amendements ont été examinés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, ce 21 septembre, en nouvelle lecture du projet de loi "relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique", dit "Sapin 2". A ce stade, seulement cinquante articles de ce texte qui en totalise désormais 156 ont été adoptés en termes identiques par les deux chambres.
Sur proposition du rapporteur de la commission des lois, Sébastien Denaja (PS), l'Assemblée a rétabli la dénomination de "l'Agence française anticorruption", service à compétence nationale, placé sous la double tutelle du ministre de la Justice et du ministre du Budget (art. 1). Mais surtout la commission a confirmé sa volonté de doter cette agence du pouvoir de prononcer des sanctions administratives via une commission spécialisée (art. 2). "Inutile de prévoir une agence sans bras", a relevé le rapporteur. Le texte entériné en commission complète également les conditions dans lesquelles il peut être mis fin aux fonctions du directeur de l'agence. S'agissant des missions de l'agence, il réintroduit celle de supervision de l'exécution des peines de mise en conformité et prévoit l'information du parquet lorsqu'à l'occasion de l'exercice de ses missions elle découvre la commission d'un crime ou d'un délit (art. 3). Le texte précise en outre le champ de l'incrimination prévue en cas d'entrave au droit de communication de l'agence et rétablit les peines votées par l'Assemblée en juin dernier (art. 4).

Lanceur d'alerte : une définition élargie

Sur le volet des lanceurs d'alerte, le texte enrichit la définition prévue par le texte en englobant les violations du droit international (art. 6 A). Il ajoute un cas général d'alerte destinée à prévenir "une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général". "Nous avons souhaité que la définition couvre toutes les situations, y compris Antoine Deltour (à l'origine du scandale LuxLeaks sur des pratiques fiscales au Luxembourg), qui a eu l'audace de révéler des pratiques scandaleuses mais qui ne violaient aucune loi", a expliqué Sandrine Mazetier, porte-parole des députés socialistes sur ce texte. Des précisions sont également apportées concernant la gradation des canaux de signalement (art. 6 C). Le texte rétablit l'obligation pour les entreprises d'au moins cinquante salariés, mais également pour les communes de plus de 10.000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions de se doter de procédures de recueil des signalements adaptées. L'article 6 D autorise la divulgation de l'identité du lanceur d'alerte ou de la personne mise en cause à l'autorité judiciaire dans le cadre de l'enquête. Le texte rétablit la possibilité pour le lanceur d'alerte faisant l'objet d'un licenciement de saisir le conseil des prud'hommes (6 F). La commission a par ailleurs réintroduit le délit d'obstacle au lancement d'une alerte éthique. "L'Assemblée a renoncé à adopter une solution équilibrée qui aurait permis la protection des vrais lanceurs d'alerte tout en protégeant les droits des personnes qui peuvent injustement être mises en cause", a  déploré de son côté le président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas (LR), auprès de l'AFP, laissant présager la poursuite des discussions sur ce point.  

Lutte contre la corruption

Un amendement du rapporteur ajuste le champ des sociétés concernées par l'obligation de mettre en place des procédures internes de prévention et de détection des faits de corruption tout en reportant de six mois son entrée en vigueur (art. 8). L'article 9 (peine de mise en conformité) est adopté dans la version entérinée par l'Assemblée en première lecture. A l'article 10 (extension des peines complémentaires en cas de manquement à la probité), outre des précisions de nature rédactionnelle, la commission a modifié le texte du Sénat en supprimant le dol spécial en matière de favoritisme. L'article 12 bis A (report du point de départ du délai de la prescription de l'action publique pour les infractions occultes ou dissimulées) est réintroduit. Le mécanisme de transaction pénale, dit "convention judiciaire d'intérêt public" élargi par le Sénat au trafic d'influence, est étendu au blanchiment (12 bis). Tout en rétablissant le texte voté par l'Assemblée à l'article 12 ter, la commission a attribué une compétence exclusive au parquet national financier pour la corruption du personnel judiciaire.

Lobbies

Autre point dur d'achoppement, l'article 13 du projet de loi encadrant les relations entre représentants d'intérêts et pouvoirs publics. Pour sortir de l'impasse, la commission a repris le texte adopté par le Sénat tout en y apportant plusieurs modifications de fond. Le principe d'un registre unique et partagé entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif est ainsi réaffirmé. La définition du représentant d'intérêts est précisée (personnes morales de droit privé, établissements publics et groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, organismes consulaires). En revanche, le président de la République et les membres du Conseil constitutionnel ne sont plus visés par le dispositif. La définition des incriminations pénales, introduites par le Sénat, est précisée. Enfin, l'entrée en vigueur du dispositif est repoussée de trois mois supplémentaires (soit au 1er juillet 2018). Les exemptions en faveur des élus locaux, les partis et groupements politiques, les partenaires sociaux ainsi que les associations à objet cultuel n'ont pas été revues.
L'article 14 (déontologie des membres des autorités administratives ou publiques indépendantes) est rétabli dans la version adoptée par l'Assemblée. Les précisions apportées au contrôle de compatibilité exercé par la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique (HATVP) sur les sorties vers le secteur privé de personnes ayant exercé une fonction ou un emploi publics sont désormais regroupées à l'article 13 ter. De même que celles relatives à la publicité des avis de la HATVP. L'article 14 bis A (publicité des emprunts souscrits par les candidats et partis et groupements politiques) est réintroduit. A l'article 14 bis C, le rapporteur a également souhaité rétablir la publicité des avis de la commission de déontologie de la fonction publique, dans le cadre du départ d'agents publics vers le secteur privé ("pantouflage").

Domanialité et commande publiques

La commission a repris la version entérinée par les députés s'agissant de moderniser et simplifier certaines règles de la domanialité publique par la voie d'une ordonnance (art. 15). Concernant le volet marchés publics du projet de loi, certaines modifications de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, adoptées par le Sénat en première lecture, sont en revanche conservées. C'est le cas notamment pour l'interdiction des offres variables, l'encadrement des marchés globaux sectoriels, la détection des offres anormalement basses, les conséquences de l'annulation d'un marché de partenariat ou encore l'introduction de règles spécifiques aux offices publics de l'habitat (16 bis). L'habilitation à réformer le code de la mutualité est quant à elle réintroduite (21 bis A). D'autres articles supprimés par le Sénat sont également réintroduits. Tel que l'article 54 bis A qui améliore la lisibilité pour le consommateur final du dispositif d'éco-participation dans la filière du pneumatique. C'est le cas également de l'article 54 bis D ratifiant l'ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 relative aux gares routières et à la recodification des dispositions du code des transports relatives à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer).

Lutte contre la financiarisation de l'agriculture

Introduit par l'Assemblée, l'article 30 AC tend à instaurer une obligation de conservation des droits sociaux d'une société agricole reçus en contrepartie de l'apport de biens agricoles à cette société, pour dix ans, lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) n'a pas utilisé son droit de préemption. "Cet engagement est trop long, cinq ans sont suffisants", a estimé Dominique Potier (PS), auteur d'un amendement en ce sens. "De plus, dans certaines situations, comme par exemple celle d'un agriculteur en fin de carrière qui souhaite céder à un jeune, ou celle d'un agriculteur en difficulté économique grave qui ne peut poursuivre son activité, cet engagement doit pouvoir être levé", a ajouté le rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques.