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Projet de loi Pacte : le Conseil constitutionnel censure 24 articles mais valide la privatisation d'ADP

Une semaine après avoir donné son feu vert à la proposition de loi permettant d'engager la procédure de RIP sur la privatisation d'ADP, le Conseil constitutionnel a validé le principe même de cette privatisation jeudi 16 mai, donnant lieu à un imbroglio juridique. Le projet de loi Pacte qui comprend cette disposition devrait désormais être promulgué d'ici le 24 mai, amputé de 24 articles...

Nouvel épisode dans le feuilleton ADP (ex-Aéroports de Paris) : le Conseil constitutionnel a ouvert la voie, jeudi 16 mai, à la promulgation de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) en validant au passage la mesure la plus contestée, à savoir la privatisation d’ADP. Le projet de privatisation était attaqué sur plusieurs fronts qui ont été écartés un à un par les Sages. Selon le Conseil, "la société Aéroports de Paris ne peut être regardée comme une entreprise dont l'exploitation constitue un monopole de fait" et "ne présente pas en l'état les caractéristiques d'un service public national". Par ailleurs, plusieurs dispositions "permettent à l'État, en fonction des circonstances et de la gravité des faits ou des manquements en cause, de prendre les mesures nécessaires à la continuité du service public aéroportuaire". "En prévoyant la présence de représentants de collectivités territoriales uniquement au sein d'un comité des parties prenantes, distinct des organes de direction d'Aéroports de Paris, le législateur n'a pas méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales", a encore jugé la rue de Montpensier.

C’est donc un caillou en moins dans la chaussure du ministre de l’Economie Bruno Le Maire qui doit cependant faire face à une procédure de référendum d’initiative partagée (RIP) à laquelle le même Conseil constitutionnel a donné son feu vert, le 10 mai. A cela sont venues s’ajouter les critiques sévères de la Cour des comptes, mercredi, sur le "fonds pour l’innovation de rupture", que le produit des privatisations contenues dans le projet de loi Pacte doit alimenter.

Le gouvernement demande d'interrompre le RIP

Pour lancer le référendum, 4,7 millions de signatures d’électeurs doivent à présent être réunies. Et c’est au ministère de l’Intérieur de s’assurer de la bonne exécution de la démarche qui doit faire l’objet d’un décret d’ici au 15 juin. Quelle qu’en soit l’issue, la procédure de RIP retarderait cette possible privatisation d’au moins neuf mois. Seulement voilà. La proposition de loi déposée par les parlementaires de droite et de gauche pour engager la procédure de RIP vise précisément "à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris" pour empêcher leur privatisation. Ce que conteste le Conseil constitutionnel dans sa décision de jeudi. Une situation particulièrement cocasse. Le gouvernement n’entend d’ailleurs pas rendre les armes. Dans des observations adressées au Conseil constitutionnel le 13 mai, mises en ligne sur le site de l’institution, le Premier ministre considère que la procédure référendaire doit être "interrompue". Selon la Constitution (article 11), un RIP ne peut porter sur une loi promulguée depuis moins d’un an. C’est en exploitant cette rédaction que l’opposition a déposé sa proposition de loi avant même l’adoption définitive du texte. "A compter de la promulgation à venir (sans doute d’ici au 24 mai indique Bercy, ndlr), la proposition de loi dont l’initiative référendaire a pris la forme aura pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an", et ce en contradiction avec la Constitution, rappelle le courrier du Premier ministre, avec cette mise en garde : "Le Conseil constitutionnel est le seul garant de cet équilibre." Ce qui a conduit le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius à une mise au point. "La circonstance que, compte tenu du lancement de la procédure de RIP, cette privatisation puisse en fait être rendue plus difficile peut sans doute donner matière à réflexion sur la manière dont cette procédure a été conçue, mais nul ne saurait ignorer la lettre de la Constitution et de la loi organique que le Conseil constitutionnel a pour mission de faire respecter", souligne-t-il dans un communiqué. Les plus fins constitutionnalistes ont de quoi s'arracher les cheveux.

Le report de l'interdiction des plastiques et des pesticides censuré

Les Sages ont également validé la privatisation de la Française des jeux, au motif qu’elle ne constitue pas "un monopole de fait au sein du secteur des jeux d'argent qui comprend également les paris hippiques, les jeux de casino et paris sportifs en ligne". Ils ont par ailleurs censuré pas moins de 24 articles du texte, dont certains de nature environnementale, trop éloignés de l’économie générale du projet de loi et considérés à ce titre comme des "cavaliers". Il en est ainsi de l’article 17 qui prévoyait à compter du 1er janvier 2020 de mettre fin à l’usage des gobelets, les verres et assiettes jetables en plastique et à partir du 1er janvier 2021 celui des pailles, piques à steak, couvercles de gobelets et bâtonnets mélangeurs pour boisson. Cet article revenait à retarder d’un an une disposition contenue dans la loi Egalim du 30 octobre 2018 consignée dans le Code de l’environnement (L.541-10-5) Le Conseil a aussi censuré le report de 2022 à 2025 de l'interdiction de produire sur le sol français certains pesticides vendus seulement en dehors de l'Union européenne (article 18). Le Conseil a invalidé la disposition mettant fin aux tarifs réglementés de vente de gaz et d'électricité. Le gouvernement devrait les réintroduire ailleurs.

 

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