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Décentralisation - Projet de loi Lebranchu : en commission, les députés adoptent un texte sensiblement modifié

Au terme de trois jours de travaux, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté le 3 juillet le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Elle a réintroduit, sous un autre nom, le pacte de gouvernance territorial qu'avait rejeté le Sénat. Elle a dit oui au Grand Paris tel que voulu par le gouvernement à la suite de la concertation menée ces derniers jours. Les députés ont offert à de nouvelles agglomérations, notamment Montpellier, l'accès au statut de métropole. Le haut conseil des territoires serait créé plus tôt que prévu. Retour détaillé sur ces changements votés par la commission des lois. L'examen en séance débutera le 16 juillet.

CLARIFICATION DES COMPETENCES ET GOUVERNANCE LOCALE
Un amendement du rapporteur, Olivier Dussopt, attribue à nouveau à la région la présidence de la conférence territoriale de l'action publique. Un autre modifie la répartition de l'instance. En moyenne, celle-ci comprendrait 40 membres. Seule l'Ile-de-France serait très au delà, avec cent élus (voir l'amendement).
Surtout, le dispositif de coordination des compétences partagées des collectivités, dénommé initialement "pacte de gouvernance territorial" refait son apparition sous le nom de "convention territoriale d'exercice concerté d'une compétence" (voir l'amendement). Celle-ci fixe "les objectifs de rationalisation et les modalités de l'action commune" pour une compétence. Une collectivité a la possibilité de ne pas signer le projet de convention. Mais, dans ce cas, elle est pénalisée juridiquement (pas de délégation de compétence) ou financièrement (encadrement plus important des cofinancements). Le gouvernement est en effet parvenu à réintroduire la menace du bâton que le Sénat avait écartée (voir l'amendement du gouvernement et le sous-amendement du rapporteur).
Dans les six mois suivant la publication de la loi, le gouvernement présenterait au Parlement un rapport "sur les possibilités de rationalisation et de regroupement des différents schémas régionaux et départementaux".
Le texte que la commission des lois a adopté définit précisément les compétences de l'Etat pouvant être déléguées aux collectivités. Il s'agit de l’organisation et du soutien aux politiques culturelles, du développement de l'audiovisuel, de la gestion de la politique de l'eau, de l’orientation professionnelle et de la santé scolaire.
Les députés ont jugé "superfétatoire" de rappeler dans le projet de loi le principe constitutionnel de non-tutelle d'une collectivité sur une autre et d'affirmer "la place fondamentale" de la commune dans l'organisation de la République. Pour autant, il leur a semblé judicieux de préciser expressément le champ "irréductible" d’action du conseil général et de réaffirmer le principe constitutionnel de libre administration de "toutes" les collectivités territoriales.
Par ailleurs, les députés ont redéfini les compétences pour lesquelles les communes - ou les intercommunalités auxquelles elles ont transférées leurs compétences - sont chefs de file : l'organisation des modes de transports alternatifs et l'aménagement local remplacent l’accès aux services publics de proximité et le développement local qui figuraient dans le texte sénatorial. Ils ont décidé d'accorder aux régions la responsabilité de chef de file pour le numérique, alors que les sénateurs l'avaient attribuée aux départements. Les régions sont également à présent chargées d'être les chefs de file pour l'enseignement supérieur et la recherche. En revanche, elles ne sont plus les chefs de file de la transition énergétique. L'élaboration d'un Agenda 21 ne relève plus, à présent, des compétences partagées pour lesquelles elles étaient désignées comme chefs de file, mais de leurs compétences propres.
Par deux amendements du rapporteur, les députés ont introduit dans le texte deux dispositions qui figuraient dans le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, dont l'examen est programmé pour le printemps 2014. Il s'agit d'une part de la création du haut conseil des territoires, très attendue par les associations d'élus locaux, qui a vocation à être un lieu de concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales sur les politiques qu'ils mènent en commun (voir l'amendement). Dans son dernier rapport sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes avait regretté que le haut conseil ne soit pas mis sur pied rapidement. L'autre mesure concerne l'élaboration annuelle par la Cour des comptes d'un rapport sur la situation financière des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

LES METROPOLES
Alors que les sénateurs avaient souhaité conditionner la création des métropoles à la volonté des territoires concernés, les députés sont revenus au caractère automatique initialement prévu par le projet de loi. S'agissant du seuil à partir duquel une intercommunalité a vocation à devenir une métropole, le Sénat avait fixé la barre à 400.000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650.000 habitants. Les députés ont complété ce critère démographique en prévoyant que sont également transformés en une métropole les EPCI à fiscalité propre qui forment un ensemble "de plus de 400.000 habitants, et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région." Cette nouvelle règle ouvrirait à Montpellier la porte du club des métropoles, aux côtés de Bordeaux, Rouen, Toulouse, Lille, Strasbourg, Nantes, Grenoble et Rennes – Paris, Lyon et Marseille étant des métropoles à statut particulier. En complément de ces critères démographiques, la commission des lois a jugé opportun d'introduire des critères d'ordre qualitatif. A ce titre, des agglomérations aux compétences étendues étant le centre "d’une zone d’emplois de plus de 400.000 habitants" pourront se porter candidates au statut de métropole. Elles devront être le lieu d'exercice de "fonctions de commandement stratégique de l’Etat" et de "fonctions métropolitaines" et devront jouer un rôle "en matière d’équilibre du territoire national" (voir l'amendement).
La commission des lois a accru les compétences des métropoles. Leurs prérogatives dans les domaines de l'économie et du développement durable sont confortées. Elles retrouvent la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques. En matière de tourisme, elles seront également responsables de la création des offices de tourisme (sauf la métropole de Marseille). L'Etat pourra leur déléguer davantage de compétences en matière de logement. La mission de l'organisation de la transition énergétique leur est en revanche retirée.
Les députés ont souhaité renforcer la solidarité financière au sein des métropoles. Ils ont ainsi facilité l'instauration dans les métropoles, d'une part des possibilités d'unification des impôts directs locaux et, d'autre part, d'une dotation globale de fonctionnement dite "territoriale". Ces dispositifs ont été créés par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010. Mais aucune intercommunalité ne les a adoptés, car ils nécessitent l'accord de l'ensemble des conseils municipaux concernés.
Une commune pourra plus facilement se retirer d'une intercommunalité pour rejoindre une métropole.
Plusieurs amendements déposés concernaient la question de la représentativité démocratique des conseillers métropolitains, certains introduisant le suffrage universel direct. Tous ont été rejetés ou retirés, le rapporteur faisant part de sa "demande express au gouvernement de prendre position et de faire des propositions [sur ce sujet] lors du débat public".

LES METROPOLES DE PARIS, LYON et MARSEILLE
Alors que les élus locaux de l'aire urbaine marseillaise continuent à vilipender le projet de loi, aucun des 78 amendements déposés sur les articles relatifs à la métropole d'Aix-Marseille-Provence n'a été adopté. L'article 30 du projet de loi, prévoyant la création de cette métropole en lieu et place de la communauté urbaine de Marseille et de cinq intercommunalités voisines, a été voté conforme par la commission des lois.
Sur la métropole de Lyon – qui sera une nouvelle collectivité territoriale – les députés ont procédé à des ajustements sur les compétences, ainsi que sur les modalités d'élection du président. Ils ont supprimé la référence à l'intérêt métropolitain, ainsi que sa définition.
Après le rejet de la métropole de Paris par le Sénat, le gouvernement, les élus locaux et les parlementaires intéressés ont mis les bouchées doubles pour parvenir à une nouvelle solution. La formule présentée le 3 juillet par la ministre en charge de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, a reçu les faveurs de la commission des lois de l'Assemblée. L'établissement public de coopération intercommunale dénommé "La Métropole du Grand Paris" réunirait 124 communes (Paris et la Petite Couronne) à partir du 1er janvier 2015. La version initiale du projet de loi prévoyait, en effet, que la métropole s'étende sur l'unité urbaine de Paris.
La métropole serait compétente en matière d'aménagement, de logement, d'environnement, de climat et énergie. Elle pourrait également, à sa demande, recevoir de l'Etat la délégation du "bloc insécable de compétences" en matière de logement.
Une "conférence métropolitaine", composée des membres du conseil de la métropole, du président du conseil régional d'Île-de-France et des présidents des conseils généraux de la région, aurait la charge de coordonner les actions de la métropole du Grand Paris, du conseil régional et des conseils généraux.
Par ailleurs, les maires seraient associés aux politiques de la métropole, via l'Assemblée des maires. Composée de l'ensemble des maires des communes situées sur le territoire de la métropole du Grand Paris, cette assemblée se réunirait au moins une fois par an pour débattre du programme d'actions et du rapport d'activité de la métropole du Grand Paris et formulerait des avis et des recommandations.
Les intercommunalités existantes sur ce périmètre seraient transformées en "conseils de territoire", lesquels disposeraient d'une délégation de compétences, à l'exception "des missions stratégiques pour le développement de la métropole".
Un fonds de solidarité pour les départements d'Ile-de-France serait doté de 25 millions en 2014, puis de 50 millions d'euros en 2015. À compter de 2016, ses ressources seraient fixées à 2% des recettes fiscales des départements de la région.
Dans les départements de la Grande Couronne, les EPCI à fiscalité propre dont le siège se situe dans l'unité urbaine de Paris regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave devront former un ensemble de plus de 200.000 habitants.

AUTRES DISPOSITIONS
Sans modifier le seuil de création des communautés urbaines (250.000 habitants), la commission des lois a retouché la liste des compétences de ces EPCI. Ceux-ci seraient compétents pour l'ensemble de la compétence tourisme et donc, pas seulement pour la création et la gestion des offices de tourisme. Mais, suite à un amendement d'Alain Rousset, député et président de l'Association des régions de France, ils ne pourraient plus participer au capital des sociétés d’investissement et des sociétés de financement régionales ou interrégionales.
Les députés ont renforcé la sécurité juridique de la mutualisation des services supports entre les communautés et les centres intercommunaux d'action sociale.
Ils ont supprimé l'obligation introduite par la loi de réforme des collectivités d'un rapport du président de l'EPCI sur l’utilisation des crédits engagés par l’établissement dans chaque commune. L'Assemblée des communautés de France (ADCF) n'avait pas apprécié, en 2010, le vote de cette disposition contraire, selon elle, à l'esprit communautaire.
Les députés ont encore posé le principe de l'allocation d'une "indemnité de mobilité" aux agents territoriaux qui changeront d'employeur du fait des mutualisations ou des regroupements intercommunaux et auront ainsi, peut-être davantage de kilomètres à parcourir pour se rendre à leur travail.
Un amendement ouvre la possibilité aux pays constitués en association, de devenir des pôles ruraux d'aménagement et de coopération, alors que les sénateurs avaient réservé cette possibilité aux seuls syndicats mixtes.
Un amendement accorde au maire de Paris de fixer les règles de circulation et de stationnement dans toute la capitale, alors qu'aujourd'hui l'Etat a conservé la main pour certains axes.
Comme le souhaitait la commission des finances, la commission des lois a créé un nouveau titre intitulé "développement, encadrement et transparence des modes de financement des investissements des acteurs publics locaux". Ces dispositions posent des garde-fous pour la souscription par les collectivités de nouveaux emprunts (sur ces mesures, lire notre article du 1er juillet 2013 : "Emprunts des collectivités : la commission des finances de l'Assemblée veut un encadrement plus étroit").

 

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