Projet de loi Expérimentations : le Sénat valide, mais réclame plus de décentralisation
Le Sénat a largement adopté ce 3 novembre, en première lecture, le projet de loi visant à simplifier et donc multiplier les expérimentations par les collectivités locales. Un texte qui, avec le futur projet de loi 3D, doit permettre une plus grande différenciation entre les territoires.
Constitué de seulement 7 articles au total, le projet de loi organique a été adopté par 327 voix contre 15. À droit constitutionnel inchangé (la réforme constitutionnelle n'ayant pas abouti), il vise à favoriser le recours aux expérimentations sur la base de l'alinéa 4 de l'article 72 de la Constitution. Car force est de constater que le dispositif créé par la révision constitutionnelle de 2003 sur l'organisation décentralisée de la République n'a pas eu l'effet escompté. Seules quatre expérimentations ont été menées dans ce cadre : sur le RSA, la tarification sociale de l'eau, la répartition des fonds inutilisés de la taxe d'apprentissage et l'apprentissage jusqu'à 30 ans.
Apport principal du texte : l'introduction de la possibilité de pérenniser une expérimentation dans tout ou partie seulement des collectivités qui l'ont initiée, ou dans de nouvelles collectivités. Selon un amendement de la commission des lois, cela se fera "dans le respect" du principe constitutionnel "d'égalité". Aujourd'hui, l'issue d'une expérimentation est nécessairement la prolongation ou la modification pour une durée de trois ans au plus, la généralisation des mesures, ou enfin l'abandon.
Le projet de loi prévoit également de simplifier la procédure d'accès à l'expérimentation. Pour qu'une collectivité puisse y prendre part, il suffira qu'elle prenne une délibération, alors qu'aujourd'hui un décret est exigé. Mais le contrôle de légalité à cette étape restera renforcé. Selon le gouvernement, le délai moyen d'entrée dans l'expérimentation sera abaissé d'un an à seulement deux mois.
Par ailleurs, les actes pris dans le cadre des expérimentations ne seront plus publiés qu'à titre d'information au Journal officiel et le contrôle de légalité sera, globalement, allégé.
"Guichet permanent"
Le gouvernement entendait recentrer l'évaluation des expérimentations au moment de leur issue. Mais la commission des lois a instauré l'obligation pour le gouvernement de remettre au Parlement un bilan à mi-parcours. Il n'y a "quasiment pas d'évaluation" s'agissant des expérimentations, a pointé Mathieu Darnaud, co-rapporteur (LR) du projet de loi. La ministre de la Cohésion des territoires a estimé que ce rapport intermédiaire serait "fort utile" pour les collectivités participant à l'expérimentation et celles qui "hésiteraient" à la rejoindre. En revanche, elle a jugé "superflu" le rapport voulu par les sénateurs, qui présenterait chaque année les collectivités ayant décidé de participer aux expérimentations.
Pour accompagner les collectivités voulant tester des dérogations aux normes, le gouvernement va créer "un guichet". Elles seront ainsi aidées dans "le montage" des projets. Un bon point pour Mathieu Darnaud, qui a toutefois incité l'exécutif à "aller plus loin dans l'ingénierie" en faveur des territoires.
"Texte à petit souffle"
Le groupe CRCE à majorité communiste a défendu sans succès une motion visant au rejet d'emblée du projet de loi. Il a dénoncé à cette occasion une initiative gouvernementale qui "remet gravement en question les principes constitutionnels d’égalité entre les collectivités et d’égalité des citoyens devant la loi" et conduit "vers une République divisée, dans laquelle les collectivités seront en concurrence et feront passer leurs particularismes avant l’intérêt général".
Les autres groupes ont eu des critiques plus mesurées. Parlant d'un "texte à petit souffle", la co-rapporteure centriste Françoise Gatel a encouragé le gouvernement à prendre exemple sur "l'audace" dont le Sénat a fait preuve selon elle, avec le vote le mois dernier des propositions de lois pour le plein exercice des libertés locales. "Espérons que vous satisferez notre appétit" avec le projet de loi 3D, a lancé de son côté Mathieu Darnaud.
Jacqueline Gourault a rappelé que le projet de loi sera présenté en conseil des ministres en janvier prochain. Elle a fait valoir une "décentralisation de liberté, et plus encore de confiance".