Projet de loi d'orientation des mobilités : la Fnaut attend de nouvelles avancées à l'Assemblée
Alors que le projet de loi d'orientation des mobilités sera examiné par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale à partir du 14 mai, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a présenté ce 7 mai les dispositions qu'elle souhaiterait voir adoptées par les députés. Elle défend notamment le lancement d'un nouvel appel à projets pour financer des systèmes de transport permettant de mieux desservir le périurbain et milite pour un rééquilibrage du texte au profit du report modal vers les transports publics.
"Le Sénat a fait un pas en avant", estime la Fédération des associations d'usagers des transports (Fnaut), qui attend de l'Assemblée nationale qu'elle fasse "deux pas de plus" lors de l'examen prochain du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) qui se déroulera en commission du développement durable, saisie au fond, à partir du 14 mai prochain. Le président de la Fnaut, Bruno Gazeau, a détaillé lors d'une conférence de presse ce 7 mai les avancées attendues par sa fédération après celles obtenues au Sénat en première lecture. Il s'est d'abord félicité du rétablissement dans le texte des contrats opérationnels de mobilité permettant de mieux coordonner les politiques des autorités organisatrices de mobilité (AOM) et des services de mobilité.
Autre satisfecit décerné au Sénat : "Il s’est montré plus ambitieux que le texte initial sur les projets d’infrastructure et leur financement", estime Bruno Gazeau et "a voté l'affectation intégrale chaque année de l'augmentation de la TICPE à hauteur de 1,2 milliard d'euros à l'Afitf (Agence de financement des infrastructures de financement de France, ndlr), même si ceci ne suffit pas à atteindre le niveau fixé par la loi". En termes de financement, il reste encore du chemin à parcourir, juge la Fnaut. "Avec les efforts votés au Sénat, la loi nous met sur le scénario 1+ présenté par le comité d’orientation des infrastructures*, quand nous espérions un scénario 2+", déplore Bruno Gazeau. "Les 3,5 milliards d’euros débloqués dans la loi vont au ferroviaire. Certes, on part de loin puisqu'on avait 800 millions d’euros il y a quelques années mais il faudrait au moins 2 milliards de plus", selon lui. Mais dans le cadre budgétaire actuel "extrêmement contraint", il ne voit "pas beaucoup de marges de manœuvre".
Inquiétudes sur le versement transport
La Fnaut a apprécié que le Sénat encourage le cumul entre prime de transport employeur et le forfait mobilité durable, permettant une vraie complémentarité entre transport public et nouvelles mobilités pour les déplacements domicile travail. Mais si elle n’est "pas contre" le fait de rendre obligatoire le forfait mobilité, l'association craint que le financement de cette mesure, qui n'a pas été chiffrée, ne se fasse par une ponction sur le versement transport (VT), qui sert à financer les transports publics. Calculé sur la masse salariale, le VT représente à ce jour un montant de plus de 7 milliards d’euros sur tout le territoire, dont la moitié est collectée en Île-de-France, a rappelé Bruno Gazeau.
Pour le passage du texte à l'Assemblée nationale, la Fnaut demande notamment "deux pas de plus" pour permettre un quatrième appel à projets de 750 millions d'euros pour "mieux desservir le périurbain". "Il faut que les réseaux ferroviaires, les autocars et les réseaux métropolitains s'intègrent intelligemment et fassent des projets en commun", souligne le président de la Fnaut. Il réclame en outre que soit décidé le vote au Parlement du schéma des lignes d'aménagement du territoire englobant les Intercités et les lignes TGV sans correspondances.
Bruno Gazeau juge encore le projet de loi en l'état actuel "très libéral" sur les flottes de vélos ou trottinettes en free-floating. "Le texte ne donne pas aux élus la capacité de négocier avec ces start-up", pointe-t-il. Selon lui, ces services devraient être inscrits dans les schémas de mobilité afin qu’ils "prennent leur part des obligations de service public et s’engagent à assurer des dessertes tardives, des heures creuses, des bouts de lignes, les zones périurbaines…"
Un projet de loi "très tourné vers la voiture individuelle"
La Fnaut estime aussi que le projet de loi reste "très tourné vers la voiture individuelle et peu vers les transports publics". Le texte comporte en effet beaucoup de dispositions favorables au véhicule électrique (installations de bornes, covoiturage, desserte routière des villes moyennes, circulation dans les couloirs réservés…) "qui mériteraient d'être rééquilibrées par autant de dispositions favorables aux transports publics (Intercités, trains de nuit, taxation de la route... ". Bruno Gazeau estime aussi que la recherche sur les véhicules ferrés autonomes (autorails, par exemple) doit elle aussi être encouragée.
La Fnaut attend également des députés qu'ils rétablissent "une véritable équité entre les différents modes de déplacement, en comparant leurs coûts réels pour la collectivité et leur impact sur l’environnement". "Une fiscalité environnementale tenant compte des vrais coûts de l’accidentologie, des nuisances sur la santé publique, sur la congestion et respectant les engagements de la France dans le cadre de la COP 21 doit être instituée", souligne l'association. Son président juge notamment l’aviation "très subventionnée, notamment via l’absence de taxation sur le kérosène et grâce aux 200 millions d’euros de soutien aux petites lignes aériennes déficitaires" alors que "des trains Intercités déficitaires ont été supprimés", regrette-t-il. Or, "cette somme correspond au coût des petites lignes ferroviaires supprimées ces dernières années pour des questions de rentabilité mais aussi aux aides au covoiturage versées par les collectivités territoriales.
La Fnaut propose en outre de ramener le taux de TVA sur les transports de 10% à 5,5% "pour améliorer le pouvoir d'achat des usagers et encourager au report modal". Enfin, elle affirme qu'elle n'est "pas favorable" à la possibilité offerte aux conseils départementaux de relever la vitesse maximale autorisée sur les routes où elle est limitée à 80 km/h, estimant que cette prérogative doit être laissée à l'État.
*En septembre 2018, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, avait présenté ses priorités d’investissements dans les infrastructures et retenu la fourchette basse des scénarios du conseil d’orientation des infrastructures. Dans son rapport, celui-ci préconisait de mettre l’accent sur la "mobilité quotidienne pour tous les territoires" et présentait trois scénarios d’investissements pour les 20 prochaines années allant de 48 à 80 milliards d'euros.