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Environnement - Projet de loi biodiversité : les ultimes modifications apportées par le Sénat lors de l'examen des articles

Le Sénat a achevé vendredi 22 janvier l'examen en première lecture du projet de loi sur la biodiversité. Le texte modifié va faire l'objet d'un vote solennel ce 26 janvier dans l'après-midi, après quoi il repartira en deuxième lecture à l'Assemblée. Son adoption définitive est prévue avant l'été. "Le Sénat a su transcender les clivages politiques pour rapprocher les points de vue en recherchant l'intérêt général de notre avenir commun et en mettant la France très en avance sur les enjeux de la biodiversité et du climat", a déclaré à l'issue des travaux la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal. "Je vais veiller à ce que l'Assemblée nationale respecte vos travaux et les enrichissements apportés à ce texte", a-t-elle ajouté.

De "réelles avancées" dans les rangs écologistes

Pour leur part, les sénateurs écologistes ont estimé que si les lobbies ont souvent bloqué des articles, certains amendements marquent "de réelles avancées". Parmi celles-ci, ils citent l'obligation que les espèces les plus menacées sur la liste rouge mondiale de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) fassent systématiquement l'objet de plans d'actions ou de mesures de protection. "C'est une vraie victoire pour la protection des espèces menacées, notamment dans les territoires ultra-marins", a développé leur chef de file Ronan Dantec. Ils se sont félicités de la suppression de l'avantage fiscal de l'huile de palme par rapport aux autres huiles végétales. "La culture du palmier à huile, outre ses conséquences néfastes sur la santé des consommateurs, est largement responsable de la destruction de forêts en Asie du Sud-Est", a souligné Aline Archimbaud, sénatrice de Seine-Saint-Denis. Au titre des regrets, Ronan Dantec a indiqué le rétablissement de la pêche au chalutage en eaux profondes, alors que la commission du développement durable l'avait supprimée, ou l'absence d'évolutions sur la pratique de la chasse.

Nouvelles mesures sur le littoral

Parmi les derniers amendements adoptés le 22 janvier et intéressant les collectivités, les sénateurs ont modifié certaines dispositions concernant le littoral. L'article 50 a ainsi été adopté avec une nouvelle rédaction du rapporteur LR Jérôme Bignon. Il s'agit de "simplifier la procédure de création de zones de préemption propres au profit du Conservatoire du littoral dans les espaces remarquables du littoral lorsqu'ils ont été délimités en application des documents de planification que sont les directives territoriales d'aménagement, les futures directives territoriales d'aménagement et de développement durable lorsqu'elles ont valeur de projet d'intérêt général et les schémas d'aménagement régionaux". En ce qui concerne les objectifs de protection des mangroves et des récifs coralliens (article 51 ter A), il est prévu après modification que les objectifs seront fixés par l'Etat "en concertation avec les collectivités territoriales concernées" et non plus "en lien" avec elles. L'objectif est de protéger 55.000 hectares de mangroves d'ici à 2020 et 75% des récifs coralliens dans les outre-mer d'ici à 2021.

Modifications des garanties financières prévues par la loi sur la prévention des risques

Au chapitre de la lutte contre la pollution, un amendement socialiste a créé une "action de groupe" pour les dommages environnementaux (article 51 quater AA). Cette mesure a été adoptée contre l'avis de la commission et du gouvernement. L'article 51 nonies qui visait à valoriser, dans le cadre du plan Ecophyto, les projets visant la suppression des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes, a été supprimé pour "ne pas rigidifier la gestion des financements au titre du plan Ecophyto", a justifié Sophie Primas, auteure de l'amendement.
Un article additionnel après l'article 51 sexdecies, adopté à la demande du gouvernement, modifie la législation sur les garanties financières introduites par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Il s'agit d'"apporter diverses clarifications et simplifications au dispositif, au bénéfice notamment d’activités contribuant à la transition énergétique ou relevant d’une démarche d’économie circulaire", selon l'exposé des motifs. L’amendement prévoit notamment d’exclure les carrières et les sites de stockage géologique de dioxyde de carbone qui ne sont pas des installations susceptibles de générer des pollutions significatives des sols de l’obligation de constituer un état des sols. Il revient aussi sur le dispositif du "tiers demandeur" introduit par la loi Alur afin de favoriser la reconversion des anciens sites industriels par des aménageurs ou promoteurs, en permettant essentiellement d’accélérer les procédures réglementaires prévues par le code de l’environnement. "L’amendement prévoit de substituer à l’obligation afférente de constituer des garanties financières à première demande pour les aménageurs empruntant ce dispositif une obligation de garanties financières simples, est-il précisé. Il s’agit de faciliter l’accès au dispositif 'tiers demandeur' dans une optique de renforcement de la politique française d’économie circulaire du foncier, et donc de contribuer à l’atteinte des grands objectifs des politiques françaises de préservation de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique." L’amendement vise aussi à "sécuriser ces sommes lorsqu’elles sont consignées auprès de la Caisse des Dépôts en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise", à "permettre que l’obligation de constitution des garanties financières puisse s’appliquer à des installations sous le régime de l’enregistrement, et à améliorer la prise en compte du financement de cette obligation lors des opérations de reprise d’activité dans le cadre d’une procédure collective".

Suppression d'ordonnances

Par ailleurs, l'article 59, qui prévoyait une série d'ordonnances a été supprimé par un amendement du gouvernement qui les remplace par des articles additionnels. Le premier article, modifié par un sous-amendement de Jérôme Bignon, vise à remplacer l’habilitation du gouvernement à agir par ordonnance pour simplifier les modalités de modification et de révision des espaces classés en fonction de leur importance par les dispositions effectivement prévues. Le deuxième adapte le code de l'environnement au règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes qui est déjà d’application dans les Etats membres. Il dispose les bases juridiques nécessaires à la mise en place de dispositions d’interdiction ou d’autorisation de réalisation de diverses activités portants sur des espèces exotiques envahissantes ainsi que de contrôle à l’importation pour éviter la propagation de telles espèces. Il prévoit la possibilité d’agir contre ces espèces lorsqu’elles sont présentes sur le territoire. Le troisième simplifie le régime de dérogation de la destruction des œufs et des nids de certaines espèces protégées pour en assurer le contrôle biologique et en prévenir les nuisances. "Cette disposition est prévue par ailleurs dans la directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages, dite directive oiseaux, mais n’avait jamais été transposée en droit français", a expliqué le gouvernement.
Celui-ci a en outre supprimé d'autres articles concernant des habilitations législatives à légiférer par ordonnance sur les sites Natura 2000 et les réserves biologiques en forêt. L'article 66 a été entièrement réécrit par le gouvernement. Il "vise à finaliser les travaux d'harmonisation de l'exercice de la police de l'environnement, rénovés récemment par l'ordonnance 2012-34, en les inscrivant dans la loi plutôt que par ordonnance", a-t-il expliqué.

Politique des paysages

Les sénateurs ont aussi amendé l'article 72 sur les atlas des paysages. Il n'y aura pas de décret les concernant. Est aussi supprimée la mention d'une "prise en compte" de l'atlas des paysages par les objectifs de qualité paysagère inscrits dans les chartes de parcs naturels régionaux et les schémas de cohérence territoriale car une telle relation n'est pas adaptée aux atlas de paysages qui constituent des "documents de connaissance, non des documents prescriptifs", a souligné Jérôme Bignon. Enfin, un amendement de Marie-Christine Blandin, sénatrice écologiste du Nord, a introduit un article additionnel après l'article 72 visant à prévoir une protection réglementaire systématique des allées et alignements d'arbres bordant une voie.