Urbanisme - Loi Alur : ce qu'il faut retenir du volet urbanisme
Article initialement publié le 27 mars 2014.
La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), publiée au Journal officiel du mercredi 26 mars 2014, apporte des changements notables au droit de l'urbanisme, même si au fil des discussions au Parlement, les ambitions ont pu être revues à la baisse, notamment sur le transfert automatique de la compétence d'élaboration du plan local d'urbanisme aux intercommunalités (PLU).
Densification en zone urbaine
Tout d'abord, le texte comprend des mesures pour renforcer la densification en zone urbaine et pouvoir construire davantage là où les besoins sont les plus criants. Pour faciliter notamment la densification des quartiers pavillonnaires, le projet de loi supprime la disposition de la loi Urbanisme et Habitat de 2003 qui permet au plan local d'urbanisme (PLU) de fixer une taille minimale de terrain, ainsi que le coefficient d'occupation des sols (COS).
Pour les lotissements, la subdivision des lots sera facilitée : alors que la majorité qualifiée était requise, il lui est substituée la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie du lotissement, ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie.
Pour éviter que la densification ne se fasse aux dépens des espaces naturels en ville, le texte introduit aussi un "coefficient de biotope" qui établit un ratio entre la surface favorable à la nature et la surface d'une parcelle construite ou en passe de l'être. "Le PLU pourra ainsi favoriser le maintien ou le renforcement de la biodiversité et de la nature en ville en réservant, lors d'opérations de constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, une part de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables (sols, surfaces en pleine terre végétalisées, toitures et terrasses ou murs et façades végétalisés, surfaces alvéolées perméables, zones humides, etc.)", souligne le dossier de presse du ministère du Logement sur le projet de loi.
Le texte entend aussi moderniser le droit de préemption pour mobiliser des gisements fonciers. Il renforce ainsi l'exercice du droit de préemption par le préfet, dans les 197 communes qui affichent un retard par rapport à leurs obligations de construction de logements sociaux. Malgré l'avis défavorable d'une commune, le préfet peut désormais préempter tout type d'immeubles, quel que soit leur régime de propriété, dès lors qu'ils sont affectés au logement. Le projet de loi sécurise aussi les modalités de mise en oeuvre du droit de préemption : les intercommunalités ont la possibilité de se doter d'une zone d'aménagement différé locale, où s'applique leur droit de préemption et les collectivités peuvent avoir plus d'information sur un bien et le visiter avant de préempter.
Lutter contre l'artificialisation des sols
Le projet de loi vise aussi à donner un coup d'arrêt à l'artificialisation des sols. Il compte ainsi favoriser le reclassement en zones naturelles des anciennes zones à urbaniser. Le plan local d'urbanisme (PLU) d'une commune prévoit une définition du territoire en quatre grands types de zonage selon la destination retenue pour chaque espace : zones urbaines (zones U), déjà urbanisées et où les équipements publics ont une capacité suffisante pour desservir de nouvelles constructions ; zones à urbaniser (zones AU), destinées à être ouvertes à l'urbanisation, qui se subdivisent en zones dites 1AU, constructibles et proches de réseaux (voirie, eau, assainissement, électricité) et en zones 2AU qui, à l'inverse, ne sont pas encore constructibles et distantes de ces réseaux ; zones agricoles (zones A), à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ; zones naturelles (zones N), à protéger en raison de la qualité des sites, de l'existence d'une exploitation forestière ou de leur caractère d'espace naturel. Pour veiller au juste dimensionnement des ouvertures à l'urbanisation, le projet de loi Alur impose deux nouvelles dispositions : une collectivité qui prévoit de modifier son PLU pour urbaniser une zone 2AU doit produire une délibération motivée démontrant que cette ouverture à l'urbanisation est rendue nécessaire par un tissu urbain (zones U) qui n'offre pas d'autres possibilités pour la construction ; les zones classées 2AU qui n'auront fait l'objet d'aucun projet d'aménagement ou d'acquisition foncière au bout de 9 ans seront considérées comme zones naturelles ou agricoles. Elles ne pourront donc plus être ouvertes à l'urbanisation, sauf à engager une procédure de révision du PLU.
Pour lutter contre le mitage, autrement dit le grignotage des terres autrefois dévolues à l'agriculture par des constructions implantées dans des zones rurales ou en périphérie des agglomérations, certains principes limitant la constructibilité seront renforcés. Le projet de loi Alur élargit le champ d'intervention des commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA).
Dans les communes non couvertes par un document d'urbanisme, la possibilité existante de recourir à une délibération motivée du conseil municipal pour déroger à la règle d'inconstructibilité est davantage encadrée. Sont ainsi possibles, à titre exceptionnel, les constructions ou installations que le conseil municipal considère de l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale. Mais ces projets ne devront ni porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, ni entraîner un surcroît important de dépenses publiques. Ces délibérations devront être prises après avis conforme de la CDCEA.
Pour les communes couvertes par un PLU, le projet de loi prévoit de rendre exceptionnelle la possibilité d'utiliser le "pastillage", qui permet de délimiter, en zone agricole et naturelle, des secteurs de taille et de capacité limitées. Pour renforcer la maîtrise de l'urbanisation sur ces territoires, ces "pastilles" seront désormais délimitées avec l'accord du préfet et après avis de la CDCEA.
Dans les zones agricoles, les bâtiments agricoles qui représentent un intérêt architectural ou patrimonial peuvent faire l'objet d'un changement de destination et d'une extension limitée, sous conditions qu'ils ne compromettent pas l'exploitation et après avis conforme de la CDCEA. Dans les zones naturelles, les autorisations de travaux sont soumises à l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Le texte compte aussi renforcer l'ingénierie foncière. Après les territoires industriels et en mutation, et les territoires tendus en matière de logement, le gouvernement souhaite doter l'ensemble des territoires, autant que nécessaire, d'établissements publics fonciers (EPF) d'Etat et/ou locaux. Le texte définit pour les EPF locaux des missions et objectifs similaires à ceux des EPF d'Etat, afin d'inscrire leur action au service de la production de logements, de la lutte contre l'étalement urbain et de la promotion du développement durable.
Pour encourager les collectivités à se doter d'un plan local d'urbanisme (PLU), le texte met fin aux plans d'occupation des sols (POS). La loi précise aussi qu'en l'absence de transformation en PLU au 31 décembre 2015, le POS devient caduc et le territoire qu'il couvre se voit appliquer le règlement national d'urbanisme (RNU).
Pour mettre un coup d'arrêt au développement de friches commerciales, le projet de loi crée, pour les porteurs de projets d'équipements commerciaux, une obligation d'organiser la remise en état du terrain ou de traiter une friche. Afin de limiter la consommation d'espaces et l'imperméabilisation des sols, la superficie des parcs de stationnement des équipements commerciaux est plus strictement limitée. Alors que le code de l'urbanisme fixe actuellement un plafond équivalent à 1,5 fois la surface bâtie, le projet de loi divise par deux ce plafond : la superficie du parking peut représenter au maximum les trois quarts de la surface du bâti. La possibilité est laissée au PLU de moduler ce ratio jusqu'à 1, pour tenir compte des circonstances locales. Les places de stationnement dédiées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables ne sont pas prises en compte dans ce ratio. Les revêtements perméables comptent pour moitié.
Le texte soumet aussi à autorisation d'exploitation commerciale la localisation des "drive", ces points de retrait permettant au client de venir retirer ses achats sans sortir de son automobile, qui connaissent aujourd'hui une véritable explosion : entre janvier 2012 et février 2013, il s'est ouvert l'équivalent de 5 "drive" par jour, tandis que 87 ouvertures étaient annoncées rien que sur le mois de janvier 2013. Ce phénomène a entraîné l'implantation désordonnée d'entrepôts, loin de toute considération d'aménagement du territoire ou de développement durable. Pour lutter contre le mitage du territoire, les "drive" doivent donc être implantés au sein des zones urbanisées, dans les zones commerciales existantes, à proximité des lieux de vie et d'activités habituellement fréquentés par les consommateurs. Il est prévu que cette disposition s'applique aux "drive" en projet comme à ceux pour lesquels une demande d'autorisation d'urbanisme est en cours d'instruction, au moment de l'entrée en vigueur de la loi.
Le projet de loi Alur comporte aussi des dispositions très attendues sur le traitement des sols pollués. On compte plus de 300.000 sites potentiellement pollués sur le territoire et plus de 4.000 présentant une pollution avérée susceptible d'engendrer des risques sanitaires importants. L'enchevêtrement et la complexité des règles actuelles ont entraîné une multiplication des contentieux (+150% en trois ans). Pour permettre le recyclage d'anciens sites industriels à des fins de construction, le texte prévoit donc plusieurs mesures : améliorer l'information des populations sur la pollution des sols et prévenir l'apparition des risques sanitaires qui y sont liés ; encourager l'engagement des acteurs publics et privés dans le redéploiement des friches industrielles vers un usage résidentiel dans le respect du principe pollueur-payeur ; opérer une clarification des responsabilités des acteurs et établir un cadre sécurisé propice à la réhabilitation des friches, dans le respect du principe pollueur-payeur, alors que l'incertitude des règles actuelles paralyse les acteurs du secteur n'ayant pas l'expérience de la gestion des sites pollués ; concourir au développement d'entreprises spécialisées dans le traitement des sites et sols pollués et à l'essor d'une filière économique intégrée.
Favoriser les PLU intercommunaux
Le projet de loi vise également à moderniser les règles d'urbanisme. La disposition la plus emblématique, qui a donné lieu aux débats les plus animés au Parlement, est celle instaurant le transfert automatique de la compétence PLU aux intercommunalités, selon des modalités revues au fil des discussions, jusqu'au compromis final trouvé en commission mixte paritaire. Le transfert doit donc intervenir au terme d'un délai de trois ans suivant la promulgation de la loi mais ce transfert peut être reporté si une minorité de blocage rassemblant un quart des communes représentant au moins 20% de la population d'une communauté est réunie. Une clause de revoyure prévoit que le conseil communautaire et les communes délibèrent sur le transfert de compétence au niveau intercommunal à chaque fois qu'il est renouvelé (un transfert volontaire entre chaque renouvellement reste également possible, selon ces nouvelles modalités). Avant le délai de trois ans prévu par la loi, les modalités de transfert de compétences actuellement prévues par le code général des collectivités territoriales demeurent. Pour faciliter l'élaboration des futurs plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), le texte rend aussi facultative l'intégration des plans locaux de l'habitat et des plans de déplacement urbain dans le PLUI.
Le projet de loi veut aussi encourager la participation des citoyens en amont des projets. Il instaure ainsi une modalité de concertation, dès l'avant-projet et tout au long de la procédure, conçu comme une alternative à l'enquête publique qui arrive parfois trop tard pour prendre en compte l'ensemble des incidences du projet sur son environnement.
Renforcement du rôle du Scot intégrateur
Le texte clarifie également la hiérarchie des normes dans les documents d'urbanisme. Le schéma de cohérence territorial (Scot) voit son rôle intégrateur renforcé : le PLU se référant à ce document sera juridiquement sécurisé. De plus, afin que l'intégration des différents documents soit plus rapidement effective, il est prévu que le délai pour la mise en compatibilité du PLU avec le Scot soit d'un an si la mise en compatibilité nécessite une évolution mineure et de trois ans si une révision est nécessaire. En outre, le projet de loi crée deux nouvelles obligations pour le Scot : une analyse du potentiel de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, pour limiter la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers et favoriser la densification en tenant compte des formes urbaines et architecturales ; un diagnostic agricole du territoire, qui complète le diagnostic économique et prend spécifiquement en compte l'impact de l'activité agricole sur l'ensemble de l'économie du territoire à moyen terme, afin de mieux préserver le foncier, les exploitations agricoles et leurs conditions de fonctionnement.
Enfin, le rôle du Scot comme document pivot de l'aménagement commercial est conforté. Le document d'aménagement commercial (DAC) est supprimé, au bénéfice du document d'orientation et d'objectifs, qui précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal. Il définit dès lors les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-ville, de maintien d'une offre commerciale diversifiée de proximité, permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre. "Ainsi, ces conditions d'implantation devront privilégier la consommation économe de l'espace, notamment en entrée de ville, par la compacité des formes bâties, l'utilisation prioritaire des surfaces commerciales vacantes et l'optimisation des surfaces dédiées au stationnement", souligne le ministère.
Prise en compte de l'habitat léger dans les documents d'urbanisme
A noter enfin, le projet de loi Alur comporte des mesures visant à reconnaître que les dispositions d'urbanisme ont vocation à prendre en compte l'ensemble des modes d'habitat sur le territoire et à considérer l'habitat léger (yourte, tipi, roulotte, mobile home…) comme lieu d'habitation permanent devant entrer dans le droit commun, pour éviter l'instabilité juridique actuelle. L'absence de réglementation concernant les yourtes, par exemple, a en effet conduit à une "judiciarisation" croissante des relations entre porteurs de projets et collectivités locales. Les documents d'urbanisme peuvent donc définir les terrains où les résidences mobiles ou démontables, constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs, peuvent être installées. Ces terrains sont soumis à un régime de déclaration préalable ou de permis d'aménager. Si les résidences mobiles ont un statut connu, les résidences démontables, de formes diverses, doivent répondre à un "cahier des charges", dont le contenu sera précisé par décret. Parmi les conditions requises, il faudra démontrer la réversibilité de l'habitat (habitat démontable, installation effectuée sans intervention d'engins lourds, aucun élément inamovible), les conditions de raccordement le cas échéant aux réseaux d'eau, d'électricité et d'assainissements collectifs, de façon à ne pas impacter les budgets des collectivités locales via la création de nouveaux réseaux, sans oublier les règles élémentaires de sécurité - l'usager de l'habitat doit veiller à la propreté, à la salubrité et à l'entretien des lieux pour éviter les incendies.
Plusieurs dispositions du volet urbanisme du texte permettent que les résidences mobiles ou démontables, qui constituent l'habitat permanent de leur utilisateur (par opposition à une utilisation touristique), soient autorisées en zones urbaines mais aussi dans les "pastilles", ces secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées, prévus par le règlement des PLU dans les zones agricoles ou naturelles, qui sont normalement non constructibles. De la même manière, les "terrains familiaux locatifs", destinés à l'installation des résidences mobiles de gens du voyage désireux de disposer d'un ancrage territorial sans toutefois renoncer au voyage une partie de l'année, peuvent également être installés dans des pastilles définies au sein des zones agricoles ou naturelles des PLU.