Profession : réparateur de lien social
Le métier de médiateur social s'est largement professionnalisé depuis son apparition dans les années 1980 mais il a aujourd'hui besoin d'un second souffle, dans un contexte de délitement du lien social et d'assèchement des ressources. Dans un rapport remis au Premier ministre intitulé "Remettre de l'humain dans les territoires", le député Patrick Vignal propose un plan de déploiement de 7.100 médiateurs sur la durée du quinquennat financé à parité entre l'État et les collectivités.
Emmanuel Macron veut "remettre du bleu" dans la rue, le député LREM de l’Hérault Patrick Vignal propose, lui, de "remettre de l’humain dans les territoires"… C’est l’intitulé du rapport qu’il a remis au Premier ministre le 28 mars. Il avait été chargé fin octobre de dresser un état des lieux de la "médiation sociale" en France, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) où les médiateurs interviennent en grande en majorité, et dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR). Et ce dans un contexte de délitement du lien social. Le député ne s’en cache pas : "Les différentes crises, qu’elles soient financières, économiques ou sociales, ont aggravé depuis plusieurs décennies les difficultés que rencontrent notre société et nos relations sociales." Et les quelque 12.000 médiateurs recensés en France dans des secteurs comme l’habitat, les transports, la santé, l’éducation, l’accès aux services publics ou la tranquillité publique, jouent un rôle de "réparateurs". Même s’il n’existe pas d’état des lieux précis de leur nombre.
"Prévenir et gérer les conflits d’usage"
Apparue avec la crise des années 1980 à l’initiative d’associations et de collectivités, chaînon entre l’action socio-éducative et la prévention, la médiation sociale s’est progressivement professionnalisée (elle possède aujourd’hui une norme Afnor), tournant le dos à l’image contestée des "grands frères". Le métier se caractérise aujourd’hui comme "une mission générale d'accès aux droits, de meilleure communication entre habitants et institutions et d’aide à la résolution des conflits" (conflits d’usage et de voisinage, incivilités dans l’espace public, non-recours aux droits, situations de détresse familiale ou social). Elle constitue aussi un "passage de relais avec d'autres professionnels partenaires". Les médiateurs sociaux peuvent être employés par des collectivités locales, des associations, des bailleurs sociaux, des transporteurs. Pour les trois quarts des maires interrogés sous forme de questionnaire par le rapporteur, la médiation sociale consiste avant tout à "prévenir et gérer les conflits d’usage dans les espaces publics et/ou ouverts aux publics, comme les équipements municipaux". Viennent ensuite, par ordre d’importance : le renfort de la présence humaine dans certains quartiers (58,9%), la prévention et la gestion des troubles de voisinage (56,2%), les incivilités (54,8%), mais aussi l’accompagnement des habitants dans leur démarche d’accès aux droits (52,1%).
Déploiement de 7.100 postes
Malgré des besoins croissants, la médiation est aujourd’hui confrontée à un "assèchement des ressources". "Cette baisse continue des financements de la prévention spécialisée a eu pour conséquences une diminution de sa présence dans certains départements, voire sa disparition dans certains autres", constate le député.
Le rapport formule 18 propositions pour relancer la profession. L’objectif serait de déployer 7.100 postes sur la durée du prochain quinquennat. Il s’agirait en réalité d’en pérenniser tout d’abord 3.000 avant d’en créer 3.000 nouveaux dans les territoires en difficulté ou carencés, et 1.100 autres dans les écoles et collèges situés en REP ou REP+. Le dispositif serait pris en charge à parité entre l’État et les collectivités. Le coût serait échelonné à partir de 2023 pour atteindre 285 millions euros en 2027. Le plan de recrutement passerait par la création de deux écoles d’encadrement à la médiation sociale, à Dijon et à Marseille.
Le député propose aussi de s’appuyer sur la proposition de loi déposée par Anne Brugnera (LREM, Rhône) pour donner un cadre législatif à la médiation sociale. Ce texte pourrait être aussi l’occasion de "clarifier les modalités de déploiement de la médiation sociale dans les territoires". Des conventions pluriannuelles pourraient ainsi être conclues à l’échelle départementale, entre l’État, les collectivités territoriales concernées (départements, communes et leurs groupements), ainsi que les autres partenaires locaux (bailleurs sociaux, organismes de transport collectif). Le rapport préconise aussi de "développer la coopération et la coproduction opérationnelle des actions de médiation". Le dialogue avec la prévention spécialisée doit être renforcé, à l’image de ce qui se fait à Angoulême ou Bordeaux, par exemple, avec des prises en charge conjointes de jeunes ou de leur famille, et la création de binômes médiateurs/éducateurs.