Educateurs de rue - Prévention spécialisée : vers une compétence obligatoire pour les départements ?
Une compétence obligatoire des départements en matière de prévention spécialisée et des financements pérennes par le biais de conventions plurianuelles : ce sont deux des solutions proposées par un rapport parlementaire pour mettre fin au profond malaise que traverse la "prev'".
Mise à mal par les coupes budgétaires de nombreux départements, alors qu'elle doit dans le même temps investir de nouveaux champs comme la très délicate lutte contre la radicalisation, la prévention spécialisée est en proie à "une crise profonde qui pourrait remettre en cause son existence". C'est le constat alarmant de la députée Kheira Bouziane-Laroussi (PS, Côté d'Or) qui a présenté un rapport d'information sur l'avenir de la prévention spécialisée, adopté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée, le 1er février. La prev' et ses 2.000 éducateurs de rue sont la "variable d'ajustement des budgets départementaux", a dénoncé la députée.
La prévention spécialisée a été transférée de l'Etat aux départements en 1986, au titre de la protection de l'enfance. Mais il s'agit d'une compétence facultative. Pour "mettre fin au malaise", Kheira Bouziane-Laroussi propose tout d'abord d'en faire une compétence obligatoire. "Si une collectivité établit une convention avec une association, elle est tenue de la financer. Dans la réalité, ces conventions peuvent être remises en cause facilement, a-t-elle argumenté. Le département peut estimer (…) sans recours juridique possible pour l'association, qu'il n'a plus besoin de prévention sur son territoire." La prévention spécialisée serait ainsi logée à la même enseigne que les autres missions de l'aide sociale à l'enfance.
Financements pérennes
Le rapporteur préconise parallèlement des "financements pérennes" à travers des conventions pluriannuelles passées entre le département et les associations. "La forme associée de l'immense majorité des services de prévention spécialisée ne peut justifier des politiques soudaines parfois drastiques de réduction des budgets constatées dans certains départements (…) Certains ont vu disparaître ce financement." C'est notamment le cas du Loiret. Les coupes ont aussi été franches dans les Yvelines, la Seine-et-Marne, la Drôme, la Seine-Maritime… Et dans bien d'autres départements où quantité de postes ont été supprimés et de nombreuses villes ne sont plus couvertes.
La députée a aussi insisté sur le besoin d'un "cadrage" au niveau national de la mission des éducateurs de rue, sachant que le dernier référentiel de l'Etat sur la profession date de 1972 ! Bien avant la décentralisation et l'apparition des nouvelles missions des 2.000 éducateurs de rue. Alors que la Direction générale de la cohésion sociale s'apprête à publier un guide national, la mission propose un nouveau texte règlementaire précisant le contenu et le positionnement de la profession. Ce texte serait complété par un guide d'évaluation avec des objectifs "clairs et standardisés" sur lequel les départements pourraient s'appuyer.
Promeneurs du net
Les éducateurs étant au contact direct des jeunes "décrocheurs", la mission d'information recommande l'élaboration d'un cadre national avec le ministère de l'Education nationale. Elle propose dans le même esprit un rapprochement avec les structures sanitaires, les acteurs du logement, de la famille, des loisirs…
La députée a aussi insisté sur la nécessité d'approfondir la formation des éducateurs, avec des stages en situation réelle, et de l'adapter aux nouveaux enjeux que sont le net et la radicalisation. Kheira Bouziane-Laroussi propose de s'inspirer des "promeneurs du net" mis en place par le ministère de la Ville. Il s'agirait de prolonger l'action menée sur le terrain mais aussi de toucher un public qui, aujourd'hui, échappe aux radars de la prévention spécialisée.
Le rapport sera prochainement mis en ligne sur le site de l'Assemblée.