Sécurité - Prévention : "La justice n'est plus du tout dans le coup"
"La prévention est à l'ordre du jour, elle n'aurait jamais dû quitter la scène", a déclaré le délégué général du FFSU (Forum français pour la sécurité urbaine), Michel Marcus, jeudi 28 juin, à l’occasion du colloque "Le futur de la prévention". Ce n'est pourtant pas faute de colloques et de rapports sur le même sujet ces dernières années.
Alors qu’un nouveau plan de prévention est en préparation, la rencontre, qui a réuni pendant deux jours à Paris un parterre d’élus et de professionnels, a posé de nouveaux jalons... au moins sémantiques. "La question des stratégies territoriales et celle de l’espace public sont les deux questions essentielles", a insisté le magistrat honoraire. Ces stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance, "lancées par le précédent gouvernement parce que les contrats locaux de sécurité étaient un peu à bout de souffle, ont été livrées sans mode d’emploi", a-t-il regretté. Pourtant, selon lui, "elles imposent une exigence de diagnostic et de prévision, on n’est plus dans le court terme, on essaye de s’installer dans la durée". L’intégration de la prévention dans les Agendas 21 fait partie des propositions. Présentant l’initiative des "marches exploratoires", sortes de déambulations de femmes qui cherchent à se "réapproprier" l'espace public, la secrétaire générale du Conseil national des villes (CNV) Brigitte Raynaud a insisté pour que la prévention soit comprise "dans une logique de développement durable". Ou "d’urbanité durable".
Reprenant à son compte le concept anglo-saxon de "villes justes", Michel Marcus a carrément proposé que la prévention fasse partie du débat "sur la relance de la croissance". "L’investissement dans la prévention n’est pas perdu, il est récupéré. Il faut pouvoir calculer combien un euro investi rapporte dans dix ans, en formant des citoyens responsables, en assurant des potentiels d’employabilité, etc. La Sécurité sociale sait bien le faire en matière de santé", a-t-il déclaré. En période de disette budgétaire, l’idée pourrait connaître un certain succès…
Zones de sécurité prioritaires
Mais pour le moment, seules les zones de sécurité prioritaires annoncées par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls font partie des pistes sur la table. Pour Michel Marcus, "ces zones ne doivent pas être uniquement géographiques mais aussi thématiques". Interrogé en marge du colloque, il a insisté sur la nécessité d’une "décentralisation très forte des moyens". "On assiste à des blocages depuis deux ans […]. Il y a une rigidité de certains services publics qui ne donnent pas la capacité de négocier au niveau local. La justice n’est plus du tout dans le coup, elle est sous-équipée et ne peut pas participer à toutes les réunions des CLSPD [conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ndlr]." Le délégué général plaide pour un retour des correspondants justice-collectivités et des conventions justice-villes. "Le problème n’est pas uniquement d’assister à des réunions mais d’adhérer à des pratiques professionnelles, comme sur les violences faites aux femmes", précise-t-il. Un thème qui revient très souvent dans sa bouche : "Est-ce qu’une stratégie territoriale qui ne contient pas d’action sur les violences faites aux femmes est vraiment pertinente ?"
Autre impératif selon lui : un toilettage de l’ensemble des acteurs qui interviennent dans l’espace public de jour comme de nuit, de "tous ces métiers que les collectivités portent à bout de bras". Sa proposition ? Unifier le tout au sein d’un "corps de gestion des espaces publics". Pour "unifier les méthodes". Quant à la police municipale, elle devra en passer par la définition d’une doctrine d’emploi, comme le revendiquent les syndicats. Tâche qui incombe à la Commission consultative des polices municipales (CCPM). Mais attention à ne pas tout mélanger, insiste Michel Marcus : "Il y a une telle diversité, on ne parle pas de la même chose. On a des agents territoriaux qui ont basculé dans une véritable entité de police. Dans certaines zones, les polices municipales sont hyperpoliciarisées, il faut les faire basculer dans une coopération beaucoup plus étroite avec la police nationale." Et de prendre l’exemple de l’Angleterre où sont créés au niveau local des comités paritaires réunissant chef de police et élus. "Ce sont des types d’approches qu’on pourrait introduire", a-t-il proposé. Il a également plaidé pour une réhabilitation de la notion de "gardiens de la paix dans les espaces publics", de "police de service public".
Enfin, Michel Marcus a demandé une clarification des compétences dans le cadre du futur acte III de la décentralisation. "Si la loi du 5 mars 2007 a bien affirmé le rôle du maire, tous les dispositifs montés ensuite l’ont dépossédé, la messe est dite ailleurs", a-t-il déploré. "Qui est compétent ? L’ECPI ? le maire en tant que tel ? Quid de la place des conseils généraux et des conseils régionaux ?" Il s’est également interrogé sur le portage de la prévention par le ministère de l’Intérieur...