Prévention des inondations : l'AMF appelle à revoir d'urgence le dispositif Gemapi
L'Association des maires de France (AMF) a une nouvelle fois dénoncé ce 4 avril l'insuffisance des moyens financiers prévus par l'État pour accompagner le transfert aux intercommunalités de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi). Face à l'accroissement des besoins en matière de prévention des risques majeurs, elle appelle à revoir d'urgence le dispositif.

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L'Association des maires de France (AMF) demande une nouvelle fois à l'État à revoir d'urgence le dispositif Gemapi. "Face aux risques majeurs, tels que l'inondation, l'État doit assurer la sécurité des biens et des personnes aux côtés des maires. Or, en transférant aux intercommunalités la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) sans prévoir de financement à la hauteur des besoins, ni même évaluer ces besoins, l'État fragilise toujours plus nos finances locales et met en risque la sécurité des biens et des personnes […]. Enfin, les élus sont particulièrement exposés, y compris pénalement, lorsque les risques se matérialisent", alerte-t-elle dans un communiqué diffusé ce 4 avril. L'AMF cible tout particulièrement le transfert, il y a un peu plus d'un an, de la gestion des digues domaniales aux intercommunalités.
Fonds Barnier et taxe Gemapi jugés insuffisants
Dans le détail, elle appelle à :
- revoir le mode de gouvernance "associant pleinement l'État", alors que ce dernier "s'est révélé incapable de fournir un diagnostic complet, tant opérationnel que financier, des ouvrages dont il avait la responsabilité", pas plus qu'il n'a été en mesure "d'évaluer les travaux nécessaires" ;
- adapter les normes "aux réalités des besoins des intercommunalités et des communes", déplorant ici des règles techniques et comptables applicables "complexes" et "qui ne contribuent pas à améliorer la performance des ouvrages de protection" ;
- repenser le financement "à la hauteur des enjeux de sécurité publique, reposant sur la solidarité nationale", alors que "le fonds Barnier, qui reste difficile d'accès, ne couvre qu'une infime partie des besoins" et que "la taxe Gemapi est très insuffisante et inadaptée".
Mission en cours au Sénat
L'alerte est tout sauf nouvelle. Le 20 décembre 2023, l'AMF avait déjà dénoncé dans un communiqué de presse des conditions de transfert "pas acceptables" et constituant "un risque pour la sécurité". Dans un courrier du 27 septembre 2023, Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France, avait lui aussi relayé auprès de Christophe Béchu, alors ministre de la Transition écologique, la "grande inquiétude" de ses collègues en la matière (lire notre article du 26 janvier 2024). Non sans raison. Si le législateur avait prévu un délai de dix ans pour préparer ce transfert, force est de constater qu'il n'a guère été mis à profit par l'exécutif. Pour preuve, le décret en précisant les modalités n'avait été publié que deux mois avant l'échéance et ce, non sans avoir saisi le Conseil national d'évaluation des normes du projet en "extrême urgence", lui laissant royalement 72 heures pour se prononcer… (lire notre article du 23 novembre 2023).
Devant la situation, le Sénat a lancé il y a peu une mission sur la Gemapi, avec notamment "pour ambition de proposer un cadre de réflexion pour refonder le financement de la taxe Gemapi", mais aussi pour renforcer la solidarité amont-aval (lire notre article du 24 février). Lors de l'audition au Sénat, le 12 mars dernier, de Thierry Burlot, président du Cercle de l'eau et du comité de bassin Loire-Bretagne, (lire notre article du 14 mars), le sénateur Rémy Pointereau, corapporteur de cette mission, avait lui aussi attiré l'attention sur les "problèmes majeurs de financement" que posait ce transfert, opéré dans des "conditions précipitées et complètement irréalistes", à des EPCI "pris en tenaille entre la responsabilité qui leur incombe […] et le manque de leviers financiers". Il y avait notamment souligné "qu'aujourd'hui la DGFiP a envoyé à pratiquement tous les EPCI l'obligation de mettre dans leurs actifs entre 20 et 60 millions d'euros – pour des communautés de commune qui font 10 à 15.000 habitants, ça fait beaucoup – alors même que ces digues ont été livrées sans état des lieux, dans un état souvent dégradé". Et Thierry Burlot de conclure : "Gemapi, ça ne marche pas", en précisant notamment que "cela ne répond pas au financement du grand cycle, sinon ça se saurait".