Prévention des feux de forêt : le cadre réglementaire des obligations légales de débroussaillement se précise
Deux décrets - accompagnés d’un arrêté - parus ces 30 et 31 mars, pris en application de la loi du 10 juillet 2023 sur la prévention des feux de forêt, s’inscrivent dans la démarche de renforcement de la mise en œuvre des obligations légales de débroussaillement (OLD), en particulier au sein des documents d’urbanisme, et de simplification des démarches administratives correspondantes.
Plusieurs textes réglementaires (deux décrets et un arrêté) pris en application de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie sont parus au Journal officiel ces 30 et 31 mars. Ce trio de textes concerne principalement les obligations légales de débroussaillement (OLD), outil essentiel de prévention contre les incendies, que la loi est venue muscler dans un contexte d’aggravation du risque incendie. Un précédent décret (n°2023-706 du 1er août 2023) a d’ores et déjà durci l’arsenal répressif en la matière (lire notre article du 29 août 2023). Et la consultation publique sur un projet de décret concernant notamment l’intégration des OLD à l’information acquéreur locataire (IAL) s’est achevée début mars (lire notre article du 16 février 2024).
Le premier décret (décret n°2024-284) a toutefois un objet plus large que les OLD, puisqu’il s’intéresse au schéma régional d'aménagement des bois et forêts et au schéma régional de gestion sylvicole des bois et forêts des particuliers, et notamment aux conditions dans lesquelles ce dernier comprend l’identification des grandes unités de gestion cynégétique adaptées à chacune des espèces de gibier faisant l’objet d’un plan de chasse. Ce texte prévoit également la transmission au commissaire du gouvernement du bilan à mi-parcours de l’exécution du plan simple de gestion par le Conseil national de la propriété forestière comme prévu à l'article L. 312-3-1 du code forestier. Il fixe en outre les modalités d'élaboration et de consultation, à différentes échelles, y compris régionale, de la carte des voies d'accès aux ressources forestières, des voies de défense des bois et forêts contre l'incendie et des points d'eau prévue quant à elle à l'article L. 153-9 du code forestier.
Une procédure simplifiée pour la mise en œuvre mutualisée des OLD
Il s’agit tout d’abord de préciser (décret n°2024-284) les conditions dans lesquelles est recueilli l'accord écrit ou tacite des propriétaires (prévu par l'article L. 131-14 du code forestier) pour effectuer ou faire effectuer les actions de débroussaillement et de maintien en état débroussaillé. Pour rappel, l’objectif est de laisser plus de marge de manœuvre aux communes, leurs groupements et aux syndicats mixtes pour prendre l’initiative de mettre en œuvre ces actions de débroussaillement. Il sera ainsi procédé à la notification du propriétaire du fonds ou l’affichage en mairie (lorsque le propriétaire n’est pas identifié) "un mois au moins avant le début de la période prévue pour la réalisation de l’action (de débroussaillement)", indique le texte. A défaut de réponse à l'issue d’un délai d'un mois, l’accord sera "réputé acquis". Cette procédure d’accord simplifié est d'ailleurs applicable à l'égard du propriétaire et de l'occupant du fonds voisin sur lequel s’étend l’opération de débroussaillement.
Un autre levier conditionne la mutation d’un terrain concerné par une OLD au respect de cette obligation sur ce même terrain. Pour contrôler le respect de cette obligation, le décret précise que le cédant d'un terrain, d'une construction, d'un chantier ou d'une installation concerné par une OLD "atteste sur l'honneur de ce qu'il y a été satisfait dans le respect des prescriptions légales et réglementaires", et notamment des modalités de mise en œuvre arrêtées par le préfet selon la nature des risques (en application de l'article L. 131-10). L'attestation sur l'honneur est alors annexée, selon le cas à la promesse de vente ou au contrat préliminaire, ainsi qu'à l'acte authentique de vente.
Des OLD annexées au plan local d’urbanisme
L’objectif du second décret (n°2024-295) est double : prendre davantage en compte les obligations de débroussaillement dans les documents et autorisations d’urbanisme et élargir le champ de la dispense de déclaration préalable aux coupes et abattages d’arbres nécessaires à leur mise en oeuvre. Concrètement, le texte ajoute à la liste des annexes au PLU et à la carte communale mentionnées aux articles R.151-53 et R.161-8 du code de l’urbanisme (CU), les périmètres des secteurs concernés par des obligations de débroussaillement ou de maintien en état débroussaillé résultant de l'application des dispositions du titre III du livre Ier du code forestier. L’objectif sous-jacent est de les rendre plus visibles et de mieux informer les particuliers au moment de la délivrance des permis de construire. Le texte ajoute également à la liste des servitudes d’utilité publique du CU les servitudes de passage et d’aménagement instituées en application de l’article L.134-2 du code forestier, qui contribuent à la défense des bois et forêts contre les incendies. Dans cette même liste, il corrige des références au code forestier.
Le décret modifie en outre l’article R.421-23-2 du CU, qui prévoit déjà des dérogations à l’obligation de déclaration préalable pour les coupes et abattages d’arbres dans certaines zones, en introduisant une nouvelle dérogation lorsque ces coupes ou abattages sont effectués en application d’une OLD, y compris en espace boisé identifié au titre des articles L.151-19 et L.151-23 du CU et en espace boisé classé. S’agissant de la dérogation faite pour les sites classés, l’abattage d’arbres de haute tige dans le cadre des travaux de débroussaillement restera assujetti à une autorisation spéciale désormais délivrée par le préfet.
Harmonisation inter-départementale des modalités de débroussaillement
Dans son article 19 (codifié à l’article L. 130-1 du code forestier), la loi du 10 juillet 2023 reconnaît les travaux menés en application des OLD, comme des travaux d'intérêt général de prévention des risques d'incendie qui visent à garantir la santé et la sécurité publiques et à protéger les forêts, en particulier les habitats naturels forestiers susceptibles d'abriter des espèces protégées. Ces obligations incombent "aux propriétaires de constructions, chantiers, installations de toute nature jusqu'à une distance maximale de 50 m, pouvant être portée à 100 m, et aux gestionnaires d'infrastructures de transport sur une largeur maximale de 20 m, dans les zones ou territoires identifiés à risque d'incendie sur l'ensemble du territoire national", relève le ministère de la Transition écologique. Il appartient au préfet de département d'arrêter les modalités de mise en œuvre du débroussaillement "selon la nature des risques".
C’est l’objet du troisième texte (arrêté), qui répond à un besoin d’harmonisation inter-départementale de ces modalités. Y est donc garanti un socle commun repris "a minima" dans chaque arrêté départemental, tout en permettant aux préfets d'adapter localement ces modalités, notamment via la fixation des normes techniques "dimensionnelles" (distances d’éloignement, quantités, hauteurs et densités applicables…), en veillant à la cohérence avec les départements limitrophes. La coupe d’arbres peut correspondre à une de ces mesures additionnelles lorsque la nature des risques le justifie, notamment en vue de freiner la propagation du feu.
Pour garantir que les travaux de débroussaillement menés en application des OLD s’articulent avec les principes de la biodiversité, autrement dit qu'ils ne constituent pas un risque suffisamment caractérisé d’atteinte aux espèces et à leurs habitats (au sens de l’avis du Conseil d'État, 9 décembre 2022, n° 463563), l’arrêté fixe "des mesures d’évitement et de réduction d'impact sur les espèces protégées et leurs habitats" que le préfet devra prescrire et décliner dans son arrêté.
Références : décret n° 2024-284 du 29 mars 2024 pris pour l'application de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, JO du 30 mars 2024, texte n°24 ; décret n° 2024-295 du 29 mars 2024 simplifiant les procédures de mise en œuvre des obligations légales de débroussaillement ; arrêté du 29 mars 2024 relatif aux obligations légales de débroussaillement pris en application de l'article L. 131-10 du code forestier, JO du 31 mars 2024, textes n°37 et 28. |