Sécurité - Prévention de la délinquance : la guerre des mots ne fait que commencer
Une "véritable guerre" à l'insécurité. C'est en ces termes que le chef de l'Etat s'est exprimé au cours d'un mois de juillet particulièrement mouvementé. Et la rentrée s'annonce non moins agitée… en tout cas dans les travées parlementaires. Plusieurs textes de loi seront discutés et la polémique enfle déjà qui rompt le ronron de l'été. La Loppsi 2 (loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) tout d'abord, cette Arlésienne du quinquennat, préparée dès 2007 par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'Intérieur, remise sur le métier par son successeur Brice Hortefeux, pour être finalement présentée en Conseil des ministres au printemps 2009. Déjà adoptée par l'Assemblée nationale le 16 février dernier, les sénateurs vont à leur tour se pencher dessus à partir du 7 septembre, non sans l'avoir amendée en commission au mois de juin.
Texte fourre-tout, la Loppsi 2 s'intéresse aussi bien à la vidéoprotection qu'à la délinquance des mineurs, à la cybercriminalité, à la sécurité routière, aux opérations funéraires… Se surajoutant à sept lois en une dizaine d'années, elle vient donner de nouvelles prérogatives aux policiers municipaux qui n'en demandaient pas tant.
Par ailleurs, les multiples déclarations du chef de l'Etat sur le thème de la sécurité depuis la mi-juillet vont se traduire dans de nouveaux textes. Le député UMP Thierry Mariani déposera ainsi des amendements au futur projet de loi sur l'immigration, dont il est le rapporteur, permettant la déchéance de nationalité de certains auteurs de crime. Parallèlement, deux propositions de loi d'Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, sont attendues. L'une doit aboutir à la création de plans de probation pour les mineurs délinquants, les parents s'exposant à deux ans de prison en cas de non-respect. Le "Monsieur Sécurité" du groupe UMP à l'Assemblée était déjà à l'origine de la proposition de loi visant à conditionner le versement des allocations familiales à l'assiduité des élèves, texte déjà adopté par les députés le 29 juin dernier. La possibilité de demander la suspension des allocations, accordée aux présidents de conseil général en 2006 mais jamais mise en oeuvre, sera étendue aux inspecteurs d'académie.
Cette profusion de nouveaux textes intervient alors qu'une loi vieille d'à peine trois ans est restée en plan : la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007, critiquée alors par l'opposition comme une arme électorale. Le plan national de prévention de la délinquance présenté par le Premier ministre, François Fillon, le 2 octobre doit permettre de lever les obstacles. Ce plan prévoit notamment le remplacement des contrats locaux de sécurité créés en 1997 et rénovés en 2006 par des "stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance". Une circulaire devait éclairer leur contenu mais, côté élus, on reste dans l'expectative… Alors que ce plan prévoyait que les stratégies seraient signées avant la fin juin 2010, faute d'instructions, rares sont les communes à avoir franchi le pas, comme Villeurbanne et Meudon. Mais en réalité, derrière le changement de vocabulaire, il ne devrait pas y avoir de bouleversement. "Par rapport à la logique des contrats locaux de sécurité, cela n'a pas fondamentalement changé. L'important, c'est que tous les partenaires se réunissent autour d'une même table, on a tout intérêt à avoir un langage commun, une culture commune", indique Gilbert Deninaz, adjoint à la sécurité de Villeurbanne. Comme un air de déjà-entendu.
Pourtant les élus ont bien eu vent d'une circulaire, mais pas celle attendue. Le 22 février, le ministre de l'Intérieur a invité les préfets à regarder de plus près ce que font ou ne font pas les maires en matière de prévention. Est explicitement visée l'utilisation des outils de la loi de 2007.
Tout ceci intervient au moment où l'Etat cherche à se délester de son poids : les forces de sécurité ne sont pas épargnées par les baisses d'effectifs, alors certains maires ont le sentiment d'un désengagement qui se fait sur leur dos. Il faudra suivre avec attention la réflexion menée par l'Inspection générale de l'administration sur la place de la police municipale associant les syndicats et l'Association des maires de France (AMF). Ce n'est pas le Grenelle que demandait certains élus, à commencer par Michel Destot. Mais l'Association des maires de grandes villes de France, que préside le maire de Grenoble, a annoncé qu'elle reformulerait officiellement l'idée d'un Grenelle de la sécurité publique, le 22 septembre 2010, lors d'une conférence nationale sur le thème "Cohésion sociale et urbaine, ce que veulent les maires de grandes villes", à l’hôtel-de-ville de Paris. Après avoir averti que les socialistes ne tomberaient pas dans "le piège" tendu par la droite, Christophe Borgel, leur secrétaire national aux élections, a déclaré pour sa part : "Nous présenterons notre projet à notre propre rythme", avec un forum fin 2010/début 2011 sur le thème de la sécurité. Le gouvernement n'est pas en reste : le secrétaire d'Etat à la Justice, Jean-Marie Bockel, vient d'annoncer la tenue d'assises sur la délinquance des mineurs, le 15 octobre prochain, suite à quoi il remettra à Nicolas Sarkzoy un rapport... Si guerre il y a, c'est bien en matière de communication.
Michel Tendil