Présidentielle : les 18 propositions du collectif "Sens du service public"
Le collectif "Sens du service public" lancé en octobre 202, qui réunit des fonctionnaires des trois fonctions publiques, a dévoilé son manifeste à l'intention des candidats à la présidentielle vendredi 28 janvier à Angers. Il souhaite les interpeller sur le sens du service public de demain.
"Depuis des années, les concepts de 'modernisation' et de 'réforme' de l’État ou de l'administration publique s'imposent dans les débats, sous l’angle exclusif des impératifs de gestion et de management public", regrette le collectif "Sens du service public" qui réunit des fonctionnaires issus des trois fonctions publiques. Créé en octobre 2021, le think thank a rendu public son manifeste le vendredi 28 janvier 2022 à Angers. Objectif : interpeller les candidats à l'élection présidentielle sur ce que pourrait être le service public de demain. Le document rassemble 18 propositions pour "pour faire avancer l’égalité d’accès, l’exemplarité écologique et sociale de l’administration, et l’écoute démocratique des usagers et citoyens [...]".
Le manifeste s'ouvre d'emblée sur la question des fermetures de services publics : afin d'"assurer une présence et un maillage territorial effectifs des services aux habitants sur tout le territoire national", le collectif voudrait que soit "déclaré un gel des fermetures de services publics avant un diagnostic partagé de leurs impacts". Selon lui, actuellement, les processus de fermeture sont "appréhendés dans une logique de rationalisation, en silo sans vision d'ensemble, sans mesure des incidences et sans s’assurer du maintien d’un accès et d’un accompagnement aux services rendus". Il souhaiterait donc mettre en place une concertation avec les bénéficiaires actuels sur l'évolution des horaires, des jours d’ouverture et des services proposés par les services ouverts au public.
Dans sa deuxième proposition, "aller vers l'usager", le collectif donne l'exemple du regroupement de services au sein des maisons France Services, qu'il juge "mal outillées pour répondre aux situations difficiles de beaucoup d’usagers, aux implantations non concertées avec les bénéficiaires, ne répondant qu’imparfaitement aux besoins". Il estime que "ces évolutions doivent donc se faire avec l’exigence d’accompagner ces changements pour garantir le respect du principe d'égalité, tels que par exemple du transport à la demande organisé pour se rendre dans un service public ou bien encore des bus itinérants pour aider à faire des démarches administratives afin de renforcer le "aller vers" de l'administration publique.
Lutte contre le non-recours aux droits
En matière de numérique, le collectif entend faire en sorte que la digitalisation dans les services publics fasse "de l'égalité d'accès sa priorité et contribue à la lutte contre le non-recours aux droits". Il donne l'exemple d'une étude de 2018 qui révélait qu’entre 32% et 44% des bénéficiaires potentiels de la CMU-C n’y recourent pas. "L’ampleur du non-recours aux droits est encore mal connue en France, faute d’être suffisamment étudiée et suivie", souligne le collectif, estimant que "ce manque d’études montre en soi le faible niveau de priorité de l’impératif d’égalité d’accès aux services publics et de la faible attention aux impacts concrets et réels de l’action publique".
Autre proposition, formulée par le Défenseur des droits dès 2019 (voir notre article de janvier 2019) : "maintenir systématiquement des présences humaines en guichet d'accueil, sur le terrain et au téléphone, pour instruire l'instantanéité des flux de dossiers entrants". "La numérisation de l’administration ne permet pas de traiter de nombreuses situations complexes. Pour garantir l'égalité d'accès aux services publics, on doit affirmer 'l'omnicanalité' par des guichets physiques ou des lignes téléphoniques systématiquement maintenues", défend le think thank.
Remplacement des déplacements nationaux en avion par le train
Afin de "transformer le quotidien de l’administration pour diminuer son empreinte carbone" (proposition n°7) le collectif dresse une liste d'actions à mener : suppression des véhicules de fonction dans les administrations publiques au profit de pools de véhicules propres en libre-service incluant des vélos, remplacement des déplacements nationaux en avion par le train pour tous les trajets des administrations, accroissement des recours aux équipements numériques reconditionnés etc. Une démarche qui va de pair avec le renforcement "des critères environnementaux et sociaux dans la commande publique" (proposition n°8). Il suggère par ailleurs de "refonder au niveau départemental une ingénierie territoriale au service des collectivités, établissements et directions territoriales de l’État" (proposition n°9).
Sur le plan financier, le collectif estime que toutes "administrations publiques doivent, à tous les niveaux, décliner leurs préparations budgétaires au regard d’une triple dimension : critères de soutenabilité budgétaire ; critères de conformité avec les objectifs politiques de l’accord de Paris sur le climat ; critères de contribution aux objectifs d’inclusion sociale de toutes et tous". Il ajoute que "les investissements doivent recourir le plus possible à des modes de financement verts, qu’il s’agisse des banques, des émissions obligataires ou de financements participatifs".
Simplifier le langage de l’administration
Enfin pour "transformer la fonction publique par l'écoute démocratique", il est proposé dans le manifeste de "simplifier le langage et les modes de communication de l’administration" (proposition n°14) ; "un chantier ambitieux", estime le collectif qui regrette que "l’administration continue encore trop largement de mobiliser un langage juridique, direct, peu empathique, des réponses standardisées prenant peu en considération les situations concrètes des personnes". Toujours dans ce souci d'une "écoute démocratique", le collectif propose de "faire de la participation citoyenne un socle de la décision publique", de "faire entrer la société civile dans le service public", de "refaire des fonctions publiques un vrai levier de l’ascension sociale" ou bien encore d'"ouvrir la fonction publique à la diversité".
Il conclut sur cette idée : "Pour que nos administrations redeviennent attractives, il faudra relever l’ensemble des défis mentionnés dans ce manifeste", et "la première brique à cette refondation doit incontestablement reposer sur un débat apaisé, informé, transparent, démocratique sur les services publics". Vaste chantier.