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Préservation de l’environnement : le projet de loi constitutionnelle dans l’impasse

Le vote au Sénat d’une version réécrite du projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement obère la perspective d'un référendum, dont l'organisation nécessite l'accord des deux chambres sur un même texte.

Après l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté, ce 10 mai, le projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement, par 212 voix pour et 124 voix contre* dans une formulation alternative issue de ses débats en commissions (lire notre article du 6 mai 2021). Pour aller jusqu'au référendum, ce texte repris "sans filtre" des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, doit être approuvé dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat. Avec l’adoption en séance d’une version réécrite inspirée des recommandations du Conseil d’État, la procédure s’est grippée. La bataille sémantique s’est muée en bras de fer politique, droite sénatoriale et exécutif se rejetant la faute d’un échec assez prévisible. La veille, les déclarations du rapporteur du texte à l’Assemblée, Pieyre-Alexandre Anglade (LREM), dans les colonnes du Journal du dimanche, actant de l’impossibilité de tenir le référendum avant même que le Sénat n’examine le texte, avaient semé le trouble au moment même où des dizaines de milliers de personnes manifestaient pour réclamer au pouvoir plus d’ambition écologique . Et le démenti du chef de l’État en marge d’un déplacement à Strasbourg pour que le texte "vive sa vie parlementaire" (par le jeu de la navette parlementaire) n’aura pas suffi à calmer les esprits. Le président du groupe centriste, Hervé Marseille, n’a pas apprécié d’être ainsi réduit au rôle de "méchant" jugeant "un peu déplaisant de se voir intimer l'ordre de voter des textes".  

Le mot qui fâche

Le débat a pris "une tournure déconcertante, voire irritante" s’est également exprimé en séance le rapporteur de la commission des lois, François-Noël Buffet (LR), arc-bouté contre ce texte d’une "ambiguïté extraordinaire", dont "le gouvernement lui-même semble ne pas en mesurer les effets juridiques". Sans surprise, le Sénat s’est donc rangé à la proposition rédactionnelle de la commission des lois, identique à celle portée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et par le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, énonçant que "la France préserve l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004". Hors jeu le verbe "garantir" qui imposerait une "quasi-obligation de résultat" aux pouvoirs publics et laisserait entendre que la protection de l’environnement aurait un poids supérieur dans la conciliation entre les principes constitutionnels. Un rehaussement qui "n’implique pas une hiérarchisation entre les principes constitutionnels", s’est pourtant expliqué le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, pour soutenir ce choix "assumé" et "pesé" conférant une "force nouvelle à la protection de l’environnement" qui trouvera "sa traduction dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel".

Exécutif et majorité sénatoriale dos à dos

"Pas dupes" du jeu politique dont l’exécutif "connaissait l’issue", les écologistes ont regretté que la droite majoritaire s’y prête "en faisant fi de l’urgence". Le groupe a prôné en vain une rédaction plus complète en défendant notamment la consécration au rang constitutionnel du droit des générations actuelles et futures à vivre dans un environnement sain. "Un piège cousu de fil blanc" dans lequel la majorité sénatoriale s’est "engouffrée", a regretté la présidente du groupe CRCE à majorité communiste, Éliane Assassi, estimant que les travaux de la Convention citoyenne pour le climat "méritent mieux qu’une instrumentalisation, l’artifice du référendum et cette manifestation de fétichisme constitutionnel". Les socialistes ont quant à eux soutenu l'idée d'introduire dans la Constitution la protection des "biens communs mondiaux", au rang desquels figurent le climat, l'eau, la santé, les biens informationnels ou encore, sujet d’actualité, les vaccins, c’est-à-dire ni plus ni moins que la déclinaison de leur proposition de loi constitutionnelle examinée en décembre dernier par le Sénat. Le président de groupe, Patrick Kanner, a lui aussi renvoyé dos à dos droite sénatoriale et exécutif "qui, avec un cynisme assumé, n’a pas pris les voies et moyens pour arriver à un vote conforme, espérant que le référendum n’ait pas lieu". Un référendum dont la tenue pourrait quoiqu'il en soit être compromise par la simple considération du calendrier électoral.  

 

*Grâce au vote LR, Union centriste, Les Indépendants et une petite partie du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), l’autre se prononçant contre, tout comme le groupe socialiste, les écologistes, le Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE). 

 

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