Prescription acquisitive : une commune a le droit de s'approprier le bien d'un particulier, selon la Cour de cassation
Une commune peut, comme un particulier, devenir propriétaire d'un bien immobilier si son propriétaire l'a laissée l'utiliser pendant 30 ans, sans protester, selon une récente décision de la Cour de cassation.
Le propriétaire d'une parcelle cadastrale qui avait permis, durant plus de trente ans, qu'il serve de parking public et de zone de bacs à déchets en a été dépossédé à juste titre par la prescription, a tranché la Cour de cassation dans une décision du 4 janvier 2023.
Selon la loi, celui qui utilise un immeuble, bâti ou non bâti, comme s'il en était le propriétaire, durant plus de 30 ans, de façon continue, ininterrompue, paisible, publique et non équivoque, peut faire officiellement constater qu'il en est devenu propriétaire.
Ce procédé est possible pour un particulier mais n'est pas possible pour une collectivité publique, soutenait le propriétaire évincé, parce que le code général de la propriété des personnes publiques énumère les différentes façons dont elles peuvent devenir propriétaires et il ne prévoit pas l'acquisition par la prescription de trente ans. Si le code, plaidait-il, énumère une liste, c'est bien pour exclure ce qui n'y figure pas. En 2011, en réponse à la question d'un député, le ministre de l'Intérieur avait d'ailleurs déclaré que ce système d'acquisition n'était pas possible pour une commune puisque le code ne le prévoyait pas. Le code dispose que "les personnes publiques (...) acquièrent à l'amiable" et énumère ces modes d'acquisition (dons, legs, successions abandonnées...) et leurs exceptions (préemption, expropriation, confiscation, nationalisation...).
Pas d'interdiction de la prescription trentenaire
Mais même si la commune détient des armes juridiques exceptionnelles, au regard du droit de propriété, comme la préemption ou l'expropriation, pour acheter de force comme elle le souhaite, la Cour de cassation a jugé l'inverse. Si la prescription trentenaire, appelée aussi usucapion, ne fait pas partie des modes d'acquisition énumérés, elle n'est pas pour autant interdite.
Cette possibilité "répond à un motif d'intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable" connue de tous, a fait valoir la Cour.
En revanche, avaient rappelé les juges en 2013, un particulier ne peut utiliser ce procédé pour devenir propriétaire de biens communaux que s'il s'agit de biens relevant du domaine privé de la commune, comme un chemin rural, et non du domaine public, comme une route.
Référence : Cass. Civ 3, 4.1.2023, D 21-18.993. |