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Départements - Premier grand oral "territorial" pour les candidats à la présidentielle

L'Assemblée des départements de France (ADF) avait donné rendez-vous ce 8 mars à six candidats à l'élection présidentielle. Six voix pour six scénarios quant au devenir des départements et, plus globalement, des collectivités locales, pour les cinq années à venir : réformes institutionnelles, finances, aménagement du territoire, social... Une constante : l'heure n'est plus à la remise en cause de la légitimité du département.

C'était le premier grand oral des candidats à la présidentielle organisé par une association d'élus locaux. Et donc aussi la première réelle occasion d'en savoir un peu plus sur les propositions des uns et des autres concernant les collectivités - les collectivités et leurs compétences, leur organisation, leurs finances… On avait certes eu vent au fil des semaines de quelques bribes de propositions de part et d'autre : suppression des départements en cas de présence d'une métropole, suppression des régions et des intercommunalités, exonération de taxe d'habitation pour 80% des ménages, création d'un revenu universel absorbant de facto le RSA, suppression ou non-remplacement d'un certain nombre de fonctionnaires... Mais la campagne n'avait jusqu'ici laissé qu'une place plus que discrète aux diverses visions sur les enjeux de décentralisation, d’aménagement du territoire, de politiques publiques locales.

Ce 8 mars dans l'une des salles annexes de l'Assemblée nationale, ce sont les représentants des départements qui ont ouvert le bal. Le 22 mars, ce sera au tour des maires. L'Assemblée des départements de France (ADF) avait choisi de n'inviter que les "principaux" candidats - autrement dit les candidats appartenant à une formation politique représentée au Parlement ou au Parlement européen, avait prévenu Dominique Bussereau, le président de l’association. Celui-ci savait que ce choix lui attirerait quelques critiques. Lesquelles n’ont effectivement pas manqué. "L’ADF n’a invité que six candidats ! Comment ne pas penser que tout ce petit monde vit en vase clos !", a ainsi réagi par un tweet Vanik Berberian, le président de l’Association des maires ruraux. En tout cas, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), François Fillon (Les Républicains), Emmanuel Macron (En Marche !) et Benoît Hamon (Parti socialiste) avaient répondu présents. Jean-Luc-Mélenchon (La France insoumise) et Marine Le Pen (Front national) s'étaient fait représenter.

Résiter à la "métropolisation et régionalisation"

Tous ont réaffirmé un attachement au département, jugé utile, incontournable. Une posture certainement obligée dans ce type d’exercice. Quoi qu’il en soit, l’heure n’est plus à la suppression des conseils départementaux, cette idée que Manuel Valls et François Hollande avaient provisoirement fait resurgir au printemps 2014. Il y a consensus, notamment, sur le rôle du département en matière de solidarité et sur sa vocation spécifique en milieu rural. Mais au-delà de cela, des nuances fortes sont naturellement apparues. Venu représenter Jean-Luc Mélenchon, Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var très impliqué lors des débats parlementaires sur les dernières lois de réforme territoriale, a par exemple insisté sur "le couple commune-département" et souhaité "redonner aux départements les moyens légaux et financiers d’assurer leur rôle". Et a au passage fustigé la loi Notr et ses "schémas régionaux à l’allure de gosplan" tout autant que "la prolifération des métropoles" qui viendrait "vider les départements de leur substance et accroître les inégalités territoriales". D’où, entre autres, l’idée de redonner la clause de compétence générale au département.

Le "retour" de départements "adultes, renforcés", a été le leitmotiv de Nicolas Dupont-Aignan, qui a lui aussi blâmé le double mouvement de "métropolisation et régionalisation". En sachant que pour le député-maire d’Yerres, l’essentiel est bien de mettre en place une "politique nationale d’aménagement du territoire" portée par l’Etat. Et que l’une de ses propositions les plus saillantes consisterait à supprimer les conseils régionaux, faisant de la région un territoire organisé autour d’une "conférence régionale associant l’Etat - préfet de région et préfets de départements - et les présidents de départements". En termes de compétences, les transports et l’aménagement du territoire remonteraient au niveau de l’Etat tandis que les lycées, la formation professionnelle et l’emploi redescendraient à l’échelon départemental.

La "grande réforme de simplification" prônée par David Rachline au nom de Marine Le Pen consiste quant à elle à supprimer purement et simplement les régions et "ne garder que les communes, les départements et l’Etat". Pour les "projets interdépartementaux", l’échelle régionale subsisterait en tant que "simple organe de coopération, sans élus propres". Là aussi, une partie des compétences régionales actuelles iraient au département (lycées par exemple) tandis que d’autres reviendraient à l’Etat (telles que les TER) avec, en parallèle, un transfert des agents concernés.

Stabilité et souplesse

Pas de grande réforme institutionnelle en vue, en revanche, du côté de François Fillon, Emmanuel Macron ou Benoît Hamon. Ces trois candidats ont plutôt mis en avant le besoin de "stabilité" des acteurs locaux. Il faut aujourd’hui "arrêter le mécano institutionnel", a ainsi plaidé Benoît Hamon.

"Ne plus imposer" de réforme, juge François Fillon, qui a lui-même rappelé avoir, "dès l’année 2000", proposé la formule du conseiller territorial. "Cette réorganisation [visant à instaurer le conseiller territorial], peut-on la conduire aujourd’hui ? La réponse est non", a-t-il tranché, préférant mettre en avant la possibilité pour les collectivités de "s’organiser librement" : "Je ne veux plus que le préfet fixe la carte des intercommunalités", "si des départements veulent fusionner, si certains territoires veulent expérimenter le conseiller territorial, ils le pourront".

Emmanuel Macron dit lui aussi souhaiter "donner la possibilité aux élus locaux de mettre en œuvre des réformes de structures" en fonction de "la réalité des territoires". Alors, s’il a confirmé son objectif de réduction d’un quart du nombre des départements "à horizon 2022", cet objectif serait bien mis en œuvre "dans une logique de projets de territoire". La dissolution de certains conseils départementaux se ferait là où se situent "les principales métropoles" - et non, a précisé Emmanuel Macron, l’ensemble des 22 métropoles désormais listées par la loi -, "à commencer par la métropole de Paris". Pour Benoît Hamon en revanche, la question de l’absorption du département par la métropole "peut être posée sur les très grandes métropoles - Paris et Marseille - mais pas ailleurs".

"Pacte de confiance" Etat-collectivités

Ces trois candidats ont avancé l’idée d’un "pacte de confiance" (et utilisé ce même terme) entre l’Etat et les collectivités locales, dont les départements, en tant que lieu de dialogue devant permettre dès le début du quinquennat de discuter puis sceller un certain nombre d’engagements tant institutionnels que financiers. Benoît Hamon a évoqué une "conférence des territoires" pour élaborer ce pacte, Emmanuel Macron a mentionné la participation des associations d’élus.

S’agissant des enjeux financiers, les recettes des uns et des autres diffèrent évidemment. Pierre-Yves Collombat, qui regrette entre autres que l’on ait supprimé la part départementale de la taxe d’habitation, a en tout cas mis en garde contre toute solution simpliste : "L’idée de dire 'à chacun des compétences et à chacun ses ressources'… on voit bien que ça ne marche pas", a-t-il jugé.

Pour le Front national, David Rachline a abordé la question financière à travers la nécessité, pour les collectivités comme pour l’Etat, de "faire des économies". Celles-ci se réaliseraient avant tout grâce au "principe de priorité nationale" défendu par Marine Le Pen, principe qui "limitera les dépenses", notamment sociales. Mais aussi grâce aux "plans anti-fraude".

Si Nicolas Dupont-Aignan prône diverses mesures visant à limiter les dépenses liées aux allocations sociales ("délai de carence de cinq ans pour les étrangers arrivant en France", fixation d’un montant plafond…), il a plaidé pour un "maintien" du niveau des dotations de l’Etat aux collectivités et une "clarification" des financements.

Dotations : une baisse à négocier... ou à interrompre

Une "baisse des dotations à un rythme acceptable et négocié". C’est ce que propose François Fillon, chiffrant les choses en ces termes : "Grosso modo autour de 7,5 milliards sur cinq ans, cela fait à peu près 1,5 milliard par an. Et qu’elle soit négociée, avec des contreparties." Et le Premier ministre de Nicolas Sarkozy d’évoquer "une loi de financement pluriannuelle, à laquelle on ajouterait une sorte d’article 40"… et d’égratigner au passage sérieusement l’idée d’Emmanuel Macron d’exonérer de taxe d’habitation 80% des ménages, la jugeant "catastrophique".

Pour le candidat de En Marche !, sur les 60 milliards d’euros d’"efforts" qui seraient attendus de l’Etat, de la sécurité sociale et des collectivités sur la durée du quinquennat, 10 milliards d’économies seraient réalisés par les collectivités. Toutefois, a-t-il précisé, dans la mesure où ces économies devront être "essentiellement fléchées sur les dépenses de fonctionnement", elles ne "passeront pas par une baisse unilatérale des dotations" mais par "des objectifs de réduction des dépenses évalués chaque année".

"L’interruption de la baisse des dotations" est une question de "bon sens", a pour sa part tranché Benoît Hamon, pour qui la "stabilité" doit également être de mise en termes de fiscalité locale. "La révision des valeurs locatives : depuis combien de temps on la repousse ? Je ne prendrai pas d’engagement là-dessus", a-t-il d’ailleurs reconnu.

Revenu universel, allocation sociale unique...

Benoît Hamon était naturellement attendu sur la question du financement du RSA, du fait de sa proposition de revenu universel. A ce titre, le candidat PS a tout d’abord évoqué la nécessité d’une "réforme d’ensemble" des allocations individuelles de solidarité. Il a rappelé que la première étape de ce revenu universel, qui serait mise en œuvre dès 2018, consistera en un "RSA revalorisé" à 600 euros et "versé automatiquement à toute personne éligible", sans que celle-ci ait à en faire la demande. Seraient concernés, les personnes actuellement éligibles au RSA, les 18-25 ans et les "travailleurs pauvres". Le tout étant pris en charge par l’Etat. Autrement dit, il y aurait bien une "recentralisation du financement du RSA revalorisé englobé dans le revenu universel". Les politiques d’insertion resteraient, elles, au département.

Emmanuel Macron est lui aussi favorable à une recentralisation du financement et du versement du RSA , tout en laissant le volet insertion aux départements. François Fillon propose pour sa part la mise en place d’une "allocation sociale unique", gage de "personnalisation", mais dont les départements continueraient d’être les "gestionnaires".

On relèvera enfin que Benoît Hamon a souhaité mettre l’accent sur une autre allocation individuelle de solidarité, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et, plus globalement, sur la dépendance, faisant part de deux "engagements" : une hausse de 30% de l’APA à domicile, soit 1 milliard d’euros "pris en charge par l’Etat" et une hausse de l’APA en établissement afin de "diminuer le reste à charge". En outre, 1 milliard d’euros de l’assurance maladie seraient fléchés vers le médicosocial afin de financer un plan de création de 4 à 5 emplois supplémentaires par Ehpad.

 

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