Pour l'AdCF, il faut anticiper le déclin des commerces en périphérie
Depuis quelques années, l'attention des acteurs publics se porte sur le déclin du commerce de centre-ville. Dans un guide sur la revitalisation commerciale, l'AdCF insiste aussi sur les risques qui pèsent sur les commerces situés en périphérie. Un phénomène moins appréhendé par les collectivités, qui pourrait déboucher sur des friches commerciales, à l'image des friches industrielles. Les hypermarchés ont en effet accusé de lourdes pertes depuis cinq ans et sont amenés à se restructurer.
Proposer des outils méthodologiques permettant aux collectivités territoriales de lutter contre la vacance commerciale et de recréer des dynamiques commerciales. C'est l'objet du guide publié le 28 novembre 2019 par l'Assemblée des communautés de France (AdCF), "Revitalisation commerciale : guide d'actions foncières à destination des collectivités".
Au-delà des outils et témoignages publiés, le guide présente un état des lieux de l'augmentation de la vacance en centre-ville (11,9% de taux de vacance en 2018 contre 7,2% en 2012) mais pas seulement. L'AdCF met en effet en avant les risques qui pèsent au fil des ans sur les commerces en périphérie. "Nombre de zones de périphérie commerciale ne se portent pas aussi bien qu'on pourrait le croire : les zones et centres commerciaux souffrent de vacance, au même titre que les centres-villes", insiste ainsi le document, montrant que ces taux sont passés de 4,6% en 2012 à 11% en 2017. Les surfaces ont augmenté deux fois plus vite que la demande (+3% de surfaces commerciales supplémentaires par an depuis l'an 2000, alors que la consommation des ménages a augmenté de 1,5% par an), et qu'au même moment les centres commerciaux ont dû faire face à la concurrence du e-commerce. Résultat : entre 2012 et 2018, les hypermarchés de Carrefour, Auchan et Casino auraient enregistré une perte cumulée de 2,7 milliards d’euros de leur chiffre d’affaires, selon le magazine de la distribution alimentaire "Linéaires" qui vient de publier une enquête sur "le mal des hypers".
S'il n'y a pas encore d'impact en termes d'évolution urbaine de ces zones commerciales en périphérie, l'AdCF redoute la propagation de friches commerciales périphériques, à l'image des friches industrielles. C'est d'ailleurs ce qui a amené le ministère de la Cohésion des territoires, dans le cadre du réseau Commerce, ville & territoire, à lancer en novembre 2017 un appel à projets intitulé "Repenser la périphérie commerciale", qui permet, depuis septembre 2018, d'accompagner six territoires* engagés dans la restructuration de leur périphérie commerciale et de voir comment ils réussissent à les transformer en quartier de ville mixte.
Des initiatives timides pour les zones commerciales en périphérie
Pour l'AdCF, les initiatives des collectivités sont encore timides dans ce domaine, et l'évolution des zones d'activités économiques (ZAE) commerciales périphériques reste peu appréhendée, "à la différence des centres-villes qui éveillent un affectif politique très fort". En témoigne la visibilité du plan national Action Cœur de ville. Pourtant, "dans un contexte national où la notion de zéro artificialisation nette commence à s’imposer, tous ces espaces représentent un vivier de foncier à ne surtout pas négliger pour les collectivités", affirme le guide qui propose quelques pistes pour s'en occuper, dont la première consiste à mener une politique volontariste, l'enjeu étant "d'anticiper le déclin de ces espaces en portant un projet fort politiquement". Autres idées : renforcer les obligations de démantèlement d'anciens sites commerciaux, élaborer un schéma territorial des ZAE, qui ont été transférées aux intercommunalités dans le cadre de la loi Notr du 7 août 2015. D'autres outils accessibles sur le site du Cerema sont également à disposition des collectivités pour traiter spécifiquement la question de la périphérie.
Certaines villes, comme Avignon et Angers, ont été pionnières dans ce domaine (dès 2017, voir notre article sur le sujet), en décidant de geler le développement des grandes surfaces en périphérie. Le sujet a largement occupé les débats lors de la loi Elan du 23 novembre 2018 qui a instauré les opérations de revitalisation du territoire (ORT) donnant la possibilité aux préfets de décider des sortes de "moratoires" de trois ans sur les projets de création et d'extension de grandes surfaces situées en périphérie. Ca y est, le dispositif est opérationnel. Le décret, publié en juillet 2019, a été accompagné d'une circulaire diffusée en novembre 2019 (voir notre article).
Une charte pour développer le commerce à l'échelle intercommunale
Les ORT sont venues compléter la panoplie des outils à disposition des élus pour redynamiser leur tissu commercial, avec le droit de préemption, le plan local d'urbanisme (PLU) et le schéma de cohérence territoriale (Scot), dont l'AdCF préconise de profiter à plein (c'est d'ailleurs sur le Scot que reposait l'initiative avignonnaise). Car au-delà de ce moratoire, une ORT permet de mettre en œuvre d'autres dispositifs comme le droit de préemption urbain, des financements préférentiels de la Banque des Territoires mais aussi le dispositif expérimental "permis d'aménagement multi-sites", pour les opérations mixtes logements/commerces sur des îlots à réhabiliter.
L'AdCF cite également la charte d'orientation commerciale ou d'urbanisme commercial, document stratégique visant à définir les principes et objectifs partagés pour le développement commercial à l'échelle intercommunale, soit dans le cadre de la communauté ou de la métropole, soit dans le cadre intercommunautaire tel que le territoire du Scot ou celui du pôle d'équilibre territorial et rural (PETR). Il s'agit d'un document de référence non réglementaire, sans valeur juridique et sans portée normative, mais qui correspond à un outil d'aide à la décision et à un cadre de référence à l'action politique locale. "Elle vise notamment à définir les lieux à privilégier pour le développement commercial du territoire : création des conditions d'équilibre entre les pôles, création des conditions favorables au développement durable, préservation de la diversité commerciale…"
Taxe sur les friches commerciales
Pour optimiser les conditions de réussite d'une revitalisation commerciale, l'AdCF propose de mettre en œuvre une politique globale à travers par exemple un guichet unique des formalités et des aides pour les commerçants ou un "office du commerce" pour organiser l'animation partagée du commerce. Plusieurs collectivités ont ainsi monté un office de ce type : Bayonne, Hyères, Dunkerque, l'agglomération du Pays de Saint-Omer…
La création d'un observatoire local du commerce permet quant à elle de mettre en relation propriétaires et porteurs de projets. A l'heure actuelle, une centaine existent en France pour un coût estimé entre 30.000 et 50.000 euros la première année, et 10.000 et 20.000 euros les années suivantes. Autres astuces : mettre en place une location et convention d'occupation temporaire pour des porteurs de projets, en prenant en charge une partie du loyer (ou en accordant une subvention dégressive du loyer) pour leur permettre de tester un projet et de signer par la suite directement un bail avec le propriétaire, ou encore ouvrir une boutique éphémère. La Semaest (société d'économie mixte parisienne) a ainsi créé en 2015 les premiers "testeurs de commerces" en maîtrise propre, loués de quinze jours à quatre mois (voir notre article)
La taxe sur les friches commerciales peut enfin être mise en place par délibération de la commune ou de la communauté compétente pour aménager les zones d'activités commerciales. "Elle permet de provoquer le propriétaire et d'entrer en contact avec lui pour l'inciter à faire les travaux nécessaires et à remettre sa boutique en location ou en vente", indique le document.
* Métropole Aix-Marseille-Provence (site de la RD 113) ; Limoges Métropole (site de l’entrée sud rue de Toulouse) ; ville de Montigny-lès-Cormeilles (site de la RD 14) ; agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (site de Pariwest) ; ville de Saint-Pierre de La Réunion (site Grand Large ZI1) ; communauté Thiers Dore et Montagne (site ville basse de Thiers).