Pollution de l’air : vers un déploiement de zones à faibles émissions dans plusieurs grandes villes
La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a déroulé, ce 18 novembre à l’occasion du Conseil national de l’air, un triptyque de mesures pour renforcer le dispositif des zones à faibles émissions (ZFE) dans les principales agglomérations françaises.
Sur cet enjeu majeur de santé publique qu'est la lutte contre la pollution de l'air, la France, à nouveau sous la menace d’une condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne pour dépassement des niveaux de particules fines (PM10), est au pied du mur. D’autant que la pression contentieuse est aussi nationale. Début juillet, le Conseil d'État a en effet condamné le gouvernement à une astreinte historique de 10 millions d'euros par semestre de retard s'il ne durcissait pas, dans les six mois, son dispositif contre la pollution de l’air.
Lors du Conseil national de l’air, ce 18 novembre, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, en lien avec le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a amorcé un commencement de réponse, en proposant trois mesures supplémentaires visant à renforcer les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Des "annonces fortes" saluées par le président du Conseil national de l’air, le député du Rhône, Jean-Luc Fugit, dans un communiqué. L’objectif affiché est de muscler le principal levier brandi par la loi d’orientation des mobilités (LOM) pour améliorer la qualité de l’air dans les agglomérations denses en y restreignant la circulation des véhicules les plus polluants. Cet outil cible le trafic routier responsable, selon le ministère, "de 30% des émissions directes de particules fines et d'environ 60% des émissions d'oxydes d’azote". La pollution de l’air est la cause de 48.000 décès prématurés par an en France, estime Santé publique France. De récentes études ont par ailleurs montré "des phénomènes de comorbidité entre la pollution chronique et [le] Covid-19", souligne le cabinet de la ministre. Elles évaluent à 18% la mortalité liée au Covid associée à la pollution de l’air par les particules fines PM2.5.
Un échéancier progressif d’interdiction de circulation en 2023
Quatre ZFE-m ont déjà été mises en place dans les métropoles de Lyon, Grenoble, du Grand Paris et la ville de Paris. Et en application du décret du 16 septembre dernier, sept nouvelles métropoles (Aix-Marseille-Provence, Nice, Toulon, Toulouse, Montpellier, Strasbourg et Rouen) devront obligatoirement compléter ce tableau "courant 2021", a indiqué le ministère. Initialement, leur déploiement était prévu au 31 décembre 2020, les collectivités concernées bénéficient finalement d’une petite marge de manoeuvre en raison du contexte actuel. Parmi ces 11 premières ZFE-m, l'État encadrera les restrictions de circulation des véhicules Crit'Air 5, 4 et 3 pour celles qui seront encore en dépassement des valeurs limites de qualité de l’air "à partir de 2023". Concrètement, ce schéma d’interdiction progressif devrait donc englober "un tiers du parc automobile" et pourrait, toujours selon le ministère, concerner Paris, Lyon et Marseille si les dépassements persistent à l’horizon 2023. "Bien sûr, les collectivités territoriales resteront libres de fixer des règles plus strictes en fonction de leurs spécificités locales", ajoute-t-il. Le détail de l’échéancier sera précisé "dans les prochaines semaines", le temps de poursuivre les discussions avec les collectivités. À ce stade, le ministère n’a notamment pas encore arrêté sa position sur la question des périodes de circulation, qui pourrait être laissée à la libre appréciation des collectivités.
Déploiement obligatoire dans 35 agglomérations supplémentaires en 2025
Autre nouveauté, le déploiement des ZFE-m s’étendra d’ici 4 ans dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Autrement dit, en plus des 11 ZFE-m déjà opérationnelles, 35 nouvelles agglomérations seront concernées en 2025. Le gouvernement espère ainsi avoir un coup d’avance en anticipant l’alignement des normes européennes sur les recommandations plus exigeantes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). "Avec cette prévision, les 35 agglomérations qui seront concernées en 2025 vont se retrouver en dépassement si on ne fait rien", explique le cabinet de Barbara Pompili. Il reviendra ensuite aux collectivités "de définir le périmètre et les règles de restriction qui s’appliquent dans chacune d’entre elles", précise-t-on au ministère.
Compétence des intercos
Pour faciliter la création des futures 35 ZFE-m, le gouvernement souhaite en confier la compétence aux présidents d’intercommunalité. Actuellement chaque commune comprise dans une ZFE-m doit prendre un arrêté pour rendre sa création effective. À l’échelle de la métropole du Grand-Paris, par exemple, ce sont pas moins de 80 communes et autant d’arrêtés qui sont ainsi nécessaires. Au regard du nombre de communes concernées, il s’agit de simplifier le processus administratif et au delà "de garantir des mesures de circulation homogènes à l'échelle de chaque zone à faibles émissions".
L’ensemble de ces mesures prendront assise dans le futur projet de loi inspiré par les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, excepté la dernière qui pourrait prendre place dans le projet de loi 3D, en fonction de l’agenda parlementaire.
Concernant les contrôles, le système de radars automatiques - lecture de la plaque d’immatriculation permettant de déduire la vignette Crit’air - doit encore être homologué. Le gouvernement y travaille dans l’objectif d’un dispositif opérationnel "avant la fin du quinquennat pour qu'on puisse au plus vite s'assurer du respect des règles dans les ZFE existantes". Des dérogations seront notamment à intégrer pour les personnes handicapées ou les véhicules d’urgence, ce qui peut retarder les travaux en cours.
Enfin, des mesures touchant les autres secteurs sources de pollution de l’air sont envisagées, comme la suppression des systèmes de chauffage au bois non performants forts émetteurs de particules fines.