Déplacements - Politiques de stationnement public et mobilité durable : un bilan contrasté selon le Certu
Le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu) vient de publier une synthèse dressant le tableau de vingt ans de politiques de stationnement public dans les villes centres des agglomérations françaises. A partir d'enquêtes réalisées en 1985, 1995, 2000 et 2005, l'analyse menée par le Certu fait apparaître un bilan en demi-teinte sur le rôle du stationnement dans la politique des déplacements.
D'un côté, le souci de maîtriser l'usage de la voiture en ville a favorisé la montée en puissance des politiques de stationnement. Dans les villes centres des agglomérations de plus de 100.000 habitants, l'offre payante sur voirie a plus que doublé et le stationnement gratuit des pendulaires en cœur de ville n'est plus guère possible. "D'outil de rotation, le stationnement est donc devenu un outil de régulation de la demande de déplacement", note l'étude du Certu.
Triplement du prix de l'heure
Plus répandu, le stationnement payant sur voirie est aussi devenu plus cher : en vingt ans, le prix de l'heure, dans la zone la plus chère, a triplé en euros courants. A condition d'être surveillé, il peut peser sur la décision de l'usager d'utiliser ou non sa voiture, fait valoir le Certu. Autre constat : depuis la fin des années 90, l'heure de stationnement sur voirie est devenue plus chère que le billet unitaire des transports en commun. Ce "signal prix" jouerait donc pour l'usager "comme une incitation à l'utilisation des transports publics qui sont performants pour accéder aux centres urbains", souligne l'étude. Pour les résidents, les villes ont également multiplié les mesures (dérogation à la limitation de durée du stationnement et tarif préférentiel) pour les inciter à moins utiliser la voiture. Elles ont aussi été amenées à affiner leur réglementation pour répondre aux demandes des professionnels mobiles (médecins, infirmières, réparateurs, etc.) : en 2005, un tiers des villes centres dotées de stationnement payant leur proposent une tarification spécifique alors que cette disposition était quasi inexistante il y a vingt ans. D'autres adaptations se profilent déjà pour favoriser le stationnement sur voirie de véhicules répondant mieux aux besoins de la mobilité durable (auto-partage ou covoiturage, notamment).
Contrôle insuffisant
Malgré ces évolutions favorables, le Certu estime que les politiques sur voirie ne sont pas assez offensives du fait d'une dissuasion trop faible. Entre 1985 et 2005, le prix du procès-verbal est resté stable, aux alentours de 11 euros, tandis le prix de l'heure de stationnement en euros courants a triplé. Ainsi, le prix d'un PV ne représentait plus que 8 heures de stationnement en 2005 contre 22 heures vingt ans plus tôt. "Localement, les conditions requises pour une surveillance efficace ne sont toujours pas requises", constate aussi le Certu qui relève plusieurs difficultés : professionnalisation insuffisante, conflits avec les usagers, mission de contrôle souvent reléguée au second plan puisque les agents de surveillance sont aussi affectés à d'autres tâches comme la sortie des écoles. Ce "relâchement" du contrôle entraîne de facto un moindre respect de la réglementation par l'usager. Le Certu estime que seul un usager sur trois paye aujourd'hui son stationnement. En vingt ans, le paiement a chuté de plus de 20%, passant de 2,7 heures payées par place et par jour en 1985 à 2 heures en 2005.
L'étude du Certu juge aussi que l'explosion du nombre de parcs, qui ont triplé entre 1985 et 2005, ne va guère dans le sens d'une mobilité durable. "Augmenter l'offre en parcs suppose en parallèle de réduire la place occupée par la voiture en surface pour ne pas créer un "effet d'appel" à l'usage de la voiture", souligne-t-elle. Il faut donc aller vers une meilleure articulation entre parcs et voirie mais pour les parcs, pris entre une logique de déplacement et une logique économique, le point d'équilibre est souvent difficile à trouver.
Anne Lenormand