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Mobilité - Politique des transports : cinq candidats à la présidentielle livrent leurs réponses

Le think tank TDIE qui réunit élus et professionnels des transports a recueilli les réponses des cinq principaux candidats à l’élection présidentielle à un questionnaire qui leur avait été présenté fin février pour connaître leurs orientations pour la politique des transports, de la mobilité et de la logistique.

Si la politique des transports n’apparaît pas au premier plan dans le débat public au cours de cette campagne présidentielle, les cinq principaux candidats ont de nombreuses propositions à défendre en la matière, comme en attestent leurs réponses au questionnaire que TDIE leur avait adressé fin février et que le think tank a présentées ce 11 avril. François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ont été invités à se positionner sur tous les aspects de la politique des transports, de la mobilité et de la logistique et ont fourni des éléments détaillés que le conseil scientifique de TDIE a passés au crible.

Régénération des réseaux

L’association a ainsi pu constater que certaines des idées qu’elle soutient de longue date font consensus. C’est le cas de la priorité à donner, en termes budgétaires, à la régénération et à la modernisation des réseaux ferrés et routiers existants. Tous les candidats disent vouloir œuvrer pour enrayer leur dégradation. François Fillon et Marine Le Pen souhaitent pour cela une augmentation des crédits, les autres candidats proposant une sanctuarisation des montants actuels. Les cinq candidats se disent aussi favorables à un débat parlementaire et à une loi de programmation à l’échelle du mandat servant de cadre de hiérarchisation des projets, de planification de leur financement et de sanctuarisation des crédits d’entretien. "Mais aucun candidat ne se risque à une évaluation budgétaire précise", relève Philippe Duron, co-président de TDIE.
Plusieurs candidats font des propositions pour de nouveaux investissements. Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon défendent tous deux des programmes tournés vers la transition/planification écologique et à ce titre, le premier propose 1.000 milliards d’euros d’investissements européens pour la transition écologique reposant sur des fonds publics. Emmanuel Macron propose, lui, 5 milliards d’euros d’investissement dans les transports, notamment pour l’intermodalité, sur un plan de 50 milliards d’euros. François Fillon se distingue en défendant une ouverture du financement des infrastructures aux capitaux privés, notamment par la multiplication des partenariats public-privé. Il propose aussi de consacrer les bénéfices des privatisations d’entreprises au financement de nouvelles infrastructures.

Retour de l'écotaxe ?

Certains candidats se prononcent en faveur d’une tarification d’usage de l’infrastructure routière, faisant ainsi resurgir une forme d’écotaxe. Pour Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon, elle revêtirait la forme d’une tarification d’usage à la frontière pour les poids lourds étrangers tandis que François Fillon et Benoît Hamon penchent pour une écotaxe régionale dont le produit serait partagé avec l’Agence de financement des infrastructures de France (Afitf).
Sur les grands projets en cours - canal Seine Nord Europe, Notre-Dame-des-Landes, Tunnel Lyon-Turin -, TDIE a recueilli des réponses contrastées. François Fillon est favorable aux trois alors que Jean-Luc Mélenchon les rejette en bloc. Benoît Hamon défend pour les trois projets des conférences de consensus, assorties, dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, d’un abandon du site actuel. Marine Le Pen est favorable au canal Seine Nord Europe et à Notre-Dame-des-Landes mais dit non au Lyon-Turin. Emmanuel Macon défend pour sa part le canal Seine Nord Europe et le projet Lyon-Turin et veut nommer un médiateur pour Notre-Dame-des-Landes.

Quelle gouvernance ?

En termes de gouvernance, les visions sont très partagées. Si les candidats s’accordent sur la nécessité de renforcer la place des transports dans la hiérarchie gouvernementale, aucun ne reprend la proposition d’un ministère des Transports de plein exercice. Ils préfèrent lier les transports à une autre problématique - l’aménagement du territoire, le logement, ou l’environnement. Concernant la dimension européenne de la politique des transports, les positions des uns et des autres divergent fortement. Si pour les candidats Fillon, Hamon et Macron, l’Europe est considérée comme un cadre réglementaire pour renforcer et harmoniser les normes et comme un acteur décisif pour accéder à des subventions pour la réalisation de projets, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon veulent au contraire un retour des compétences transport au sein de l’Etat qui doit jouer pleinement son rôle de stratège. A l’inverse, les candidats Fillon, Hamon et Macron souhaitent poursuivre le mouvement de décentralisation engagé par les lois Notr et Maptam en consolidant le couple métropole-région, l’Etat étant limité à ses missions essentielles (régulation, entretien des réseaux, incitations financières).

Quelle vision de la route ?

TDIE note que les propositions des candidats témoignent d’"un nouveau regard porté sur la route", l’intermodalité étant présentée comme une "source d’optimisation des réseaux et des ressources", dès lors qu’elle fait appel au numérique et à l’intégration tarifaire. Emmanuel Macron propose de consacrer 5 milliards d’euros d’investissements supplémentaires aux gares routières et aux pôles multimodaux. Mais si les candidats sont unanimes sur la nécessité d’entretenir le réseau routier, ils n’ont pas pas la même vision de développement. Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, engagés sur un programme de transition écologique, s’opposent à tout nouveau projet routier et veulent privilégier le report modal. En revanche, les candidats Fillon et Le Pen tiennent un discours plus favorable à la route, perçue comme la desserte la plus adaptée aux territoires ruraux. A noter, Marine le Pen, comme Jean-Luc Mélenchon, réclament une renationalisation des autoroutes.

Transports urbains : pas de consensus sur la baisse de la TVA

Pour les transports urbains, le versement transport fait l’unanimité chez les candidats ayant répondu au questionnaire de TDIE. François Fillon souhaite associant les acteurs publics et privés qui s’en acquittent à la définition des politiques locales de mobilité. Benoît Hamon propose, pour sa part, des modulations particulières à chaque autorité organisatrice de la mobilité (AOM) de manière à mieux répondre aux spécificités locales de déplacement. Trois candidats - François Fillon, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon – défendent le retour à la TVA à 5,5% pour les transports urbains, qu’ils considèrent comme des biens de première nécessité. Par contre Marine Le Pen s’y oppose au nom de la continuité et de la stabilité, au service des acteurs privés et Emmanuel Macron y est aussi défavorable pour des raisons budgétaires, estimant qu’il s’agit d’une recette utile pour l’Etat. François Fillon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron proposent un quatrième appel à projets pour des transports collectifs en site propres (TCSP), le premier au service des mobilités durables, le deuxième de l’intermodalité et le troisième pour la desserte des quartiers de la politique de la ville. Sur la question de la lutte contre la pollution, tous s’accordent à dire que l’Etat doit proposer aux collectivités des solutions de long terme. Jean-Luc Mélenchon est favorable à une recentralisation des compétences, l’Etat devant impulser des mesures qui seront appliquées par les collectivités. A l’inverse, les autres candidats interrogés par TDIE défendent une plus grande autonomie des collectivités, jugées plus réactives en cas de crise.
Sur les nouvelles mobilités, des clivages forts apparaissent sur la voiture autonome. Jean-Luc Mélenchon s’y oppose fermement, Marine Le Pen ne s’engage pas. François Fillon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron y sont favorables mais souhaitent un cadre clair pour les expérimentations (responsabilité du conducteur, périmètre défini, respect de la législation).

Ferroviaire : la réforme de 2014 remise en cause ?

Côté ferroviaire, les positions divergent aussi fortement. Jean-Luc Mélenchon souhaite revenir sur la réforme ferroviaire de 2014 en unifiant le gestionnaire d’infrastructure et l’opérateur historique en un seul pôle public. Les candidats Hamon et Macron souhaitent quant à eux transformer Gares & Connexions en un troisième Epic (établissement public à caractère industriel et commercial). François Fillon souhaite supprimer l’Epic de tête pour séparer totalement SNCF Mobilité et SNCF Réseau. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen s’opposent à l’ouverture à la concurrence prévue par le quatrième paquet ferroviaire européen. Benoît Hamon souhaite une loi d’expérimentation sur la concurrence, garante du cadre social des cheminots. Quant à François Fillon et Emmanuel Macron, ils souhaitent une ouverture rapide à la concurrence en début de mandat avec une loi globale allant au-delà de la simple expérimentation. Le premier veut mettre fin au recrutement sous statut et le second rendre possibles les recrutements hors statut pour la SNCF.

Un nouveau statut pour les ports ?

Enfin, sur les questions de fret et de logistique, peu de propositions nouvelles sont ressorties des questionnaires adressés aux candidats. François Fillon affirme vouloir transformer les ports en SA afin de les rendre plus autonomes tandis que Marine Le Pen souhaite un nouveau schéma directeur des ports permettant aux armateurs d’acquérir leurs propres installations de chargement. Benoît Hamon propose un schéma directeur national pour la logistique, Jean-Luc Mélenchon un schéma logistique multimodal national et Emmanuel Macron souhaite mettre en place la stratégie "France Logistique 2025". François Fillon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron sont tous trois favorables à un partage des compétences en matière de logistique et d’intermodalité du transport de marchandises avec les collectivités, notamment les régions et les métropoles qui seraient responsables de la réalisation des infrastructures. Marine Le Pen ne s’exprime pas sur le futur partage des compétences, une fois qu’elle aura supprimé les régions. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il affirme là encore que les politiques de report modal et d’intermodalité doivent venir de l’Etat.