Politique de cohésion post-2027 : le Conseil de l'Union plus proche du statu quo que de la table rase

En vue des négociations du prochain cadre financier pluriannuel, le Conseil de l'Union a adopté, le 28 mars, ses conclusions sur la politique de cohésion post-2027. Les Vingt-Sept y réaffirment le "rôle central" de cette politique, semblent vouloir écarter le spectre de sa renationalisation et estiment même que le cadre du Semestre européen devrait "répondre à l'objectif de convergence et, le cas échéant, à sa dimension territoriale".

À Bruxelles, les 27 ont approuvé, à l'occasion d'un Conseil des affaires générales consacré à la politique de cohésion – où la France était représentée par Françoise Gatel –, des conclusions sur l'après 2027 de cette politique, lesquelles serviront de base de discussions pour les travaux à venir. Un texte à travers lequel tous les partisans d'un certain statu quo devraient trouver leur compte, ou presque (la Hongrie y a annexé une déclaration dénonçant "les actuels mécanismes de conditionnalité, qui constitue[nt] une arme politique visant à exercer une pression indue sur certains États membres").

La renationalisation écartée

Les Vingt-Sept y réaffirment en effet le "rôle central" joué par cette politique "dans le projet d'intégration européenne" et les "principes clés" sur lesquels elle doit être fondée, "tels que la gestion partagée, la gouvernance multi-niveaux, le partenariat ainsi qu'une approche fondée sur les personnes et les territoires". Le Conseil invite ainsi explicitement la Commission Européenne à "continuer de respecter […] le rôle des autorités régionales et locales dans la conception, la programmation, la gestion, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation des politiques", semblant écarter ainsi le spectre de la renationalisation (lire notre article du 21 février). "La présidente Tüttő et les ministres nationaux s'opposent conjointement à toute centralisation de la politique de cohésion après 2027", s'est d'ailleurs empressé de célébrer le Comité européen des régions (CdR) dans un communiqué adressé dans la foulée de la réunion. Non sans souligner ainsi que, pour la première fois, la tête du CdR était invitée à prendre la parole lors des discussions officielles d'un tel conseil. 

L'importance du temps long…

Une tribune que Kata Tüttő n'a pas manqué d'occuper pour déplorer à nouveau que "la politique de cohésion est un outil de stabilisation à long terme […] trop souvent traitée comme un instrument économique, alors qu'en réalité, il s'agit déjà d'une politique de sécurité". Dans le viseur de la Hongroise, le plan Rearm EU (lire notre article du 20 mars), et singulièrement la possibilité de réallouer des fonds de la politique de cohésion en faveur de la défense (lire notre article du 5 mars), prévue via une proposition législative qui devait être adoptée par le collège des commissaires le 19 mars, puis le 26 mars derniers, et qui devrait finalement l'être ce 1er avril. Si la Hongroise n'aura sans doute pas gain de cause en l'espèce, elle doit néanmoins goûter le fait que le Conseil rappelle explicitement dans ses conclusions que "la politique de cohésion n'est pas un instrument de réaction aux crises", rappel couplé à un appel à la Commission à "rationaliser les instruments d'urgence existants". 

… et de la convergence

Plus encore, le Conseil juge "nécessaire d'intégrer la dimension territoriale […] dans la conception et la mise en œuvre des politiques et actions de l'UE" – il faut donc en conclure que ce n'est pour l'heure pas le cas. "Préoccupé par l'impact territorial et sociétal asymétrique de nombreux défis", il fait même "remarquer que, si rien n'est fait, cette situation pourrait entraîner, pour de nombreuses régions, une divergence progressive, une stagnation économique ou un risque de tomber dans un piège de développement". Il estime ainsi que "le cadre du Semestre européen devrait répondre régulièrement à l'objectif de convergence et, le cas échéant, à sa dimension territoriale", direction suggérée par le CdR (lire notre entretien du 21 mars avec Isabelle Boudineau). Le fait que le Conseil "réaffirme que la compétitivité et la cohésion sont étroitement liées" et insiste sur le rôle de la première pour contribuer à la seconde "en exploitant le potentiel de croissance de tous les territoires, y compris les moins développés", devrait également être de nature à rasséréner les "amis de la Cohésion".

Des évolutions consensuelles

Par ailleurs, si le Conseil suggère bien quelques évolutions, elles ne devraient guère susciter le débat. Ainsi de la "simplification et de la réduction de la charge administrative, à tous les niveaux et à toutes les étapes de la programmation, de la mise en œuvre du suivi, du contrôle et de l'audit". En l'espèce, le Conseil invite notamment la Commission à "proposer des règles de mise en œuvre plus uniformes pour les politiques de cohésion", direction là encore récemment suggérée par le CdR (lire notre article du 25 février). Il lui rappelle encore "la nécessité de veiller à l'harmonisation et à la proportionnalité des contrôles et des audits, ainsi que d'étendre l'application du principe d'audit unique", stratégie là aussi attendue par les autorités de gestion (lire notre entretien précité). Le fait que le Conseil invite par ailleurs la Commission "à étudier les possibilités d'une approche davantage axée sur la performance, sur la base des enseignements tirés du financement non lié aux coûts et à des options simplifiées en matière de coûts" ne devrait pas non plus susciter l'émoi, d'autant qu'en cas d'introduction d'une telle approche, le Conseil souligne la nécessité "d'adopter une approche plus souple, y compris dans la programmation, et plus personnalisée, qui tienne compte de la spécificité des besoins et des défis territoriaux".

Prudence 

Reste que certains passages invitent à rester prudents. Ainsi lorsque le Conseil "estime que la politique de cohésion pourrait permettre d'engager des réformes en rapport avec des objectifs de la politique de cohésion qui sont conformes aux priorités de l'Union, tout en respectant les priorités des États membres" (nous soulignons). Ou lorsqu'il indique attendre "avec intérêt la présentation par la Commission des résultats de l'examen des incidences des futurs élargissements sur la politique de cohésion", tant on sait déjà que ces derniers ne seraient pas sans effet (lire notre article du 14 février). Sans compter que le Conseil souligne d'emblée "que les présentes conclusions s'entendent sans préjudice des négociations sur le cadre financier pluriannuel pour l'après-2027" ! Lesquelles s'annoncent une nouvelle fois compliquées. Le Conseil ne cache d'ailleurs pas son impatience, indiquant attendre "de recevoir les propositions pour le prochain paquet législatif relatif à la politique de cohésion le plus tôt possible en 2025, afin de permettre des négociations rapides et un lancement dans les meilleurs délais et sans heurts de sa mise en œuvre".

› Politique de la cohésion post-2027 : les associations d'élus également au travail

Ce 28 mars également, à l'initiative de l'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe (Afccre), les représentants d'associations d'élus (Association des maires de France, Départements de France, Régions de France, Intercommunalités de France, France urbaine, Villes de France, Association des petites villes de France et Association des maires ruraux de France, aux côtés desquelles prenaient également place la Mission opérationnelle transfrontalière et Leader France) se réunissaient, pour certains "virtuellement", au Sénat, pour évoquer l'avenir de la politique de cohésion dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel de l'UE. En présence du président de la délégation aux collectivités de la Chambre Haute, Bernard Delcros, les élus présents se sont notamment accordé pour qu'"une gestion décentralisée et territorialisée des futurs programmes ou plan de développement" soit garantie en France, ou encore pour que "le nécessaire financement des nouvelles priorités, notamment liées à la défense, trouve sa dynamique dans le cadre de nouvelles ressources propres sans affecter de manière irrémédiable les enveloppes de la politique de cohésion, y compris dans le cadre de la révision à mi-parcours des programmes actuels", indique le directeur général de l'Afccre, Christophe Moreux.

 

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