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PLFSS 2020 : priorité aux Ehpad et aux personnes âgées

Parmi les mesures sectorielles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, plusieurs dispositions en faveur du niveau de vie des personnes âgées. Et des crédits nouveaux pour les Ehpad (créations de postes, investissement...), en attendant la future loi sur le grand âge. La mise en place d'une indemnisation du congé de proche aidant se concrétise. Côté sanitaire, les hôpitaux de proximité devraient bénéficier de nouvelles modalités de financement et les dispositifs d'incitation à l'installation des jeunes médecins seront regroupés en un contrat unique.

Agnès Buzyn et Gérald Darmanin ont rendu public ce 30 septembre le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, qui devrait être adopté au prochain conseil des ministres. Le texte ne comporte pas véritablement de mesure phare, mais plutôt un ensemble assez dense de mesures sectorielles. Quelque peu contradictoire, l'équation posée en termes macroéconomiques – "Poursuivre la maîtrise de nos comptes sociaux tout en répondant à l'urgence économique et sociale" – aboutit de facto à un déficit prévisionnel 2020 (régime général + fonds de solidarité vieillesse) de -5,1 milliards d'euros (dont -3,8 milliards pour le régime général), quasi équivalent aux -5,4 milliards (dont -3,1 milliards) prévus pour 2019, mais assez loin des perspectives d'excédents évoquées avant la crise des gilets jaunes et le ralentissement de la croissance, et même du quasi-équilibre de 2018 (-1,2 et +0,5 milliards).

L'Ondam médicosocial à +2,8% et l'objectif global de dépenses à +3,2%

Côté maîtrise, la présentation du PLFSS fait observer que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) "sera tenu [en 2019, ndlr] pour la dixième année consécutive grâce à un effort de l'ensemble des acteurs". Pour 2020, le taux de progression de l'Ondam est fixé à 2,3%. Compte tenu de l'évolution spontanée des dépenses concernées et de la progression de 4,6 milliards d'euros de dépenses nouvelles prises en charge par la collectivité sur le champ de la maladie, "cet objectif suppose la réalisation de plus de 4 milliards d'économies" pour tenir l'Ondam.

Ce taux de 2,3% est toutefois une moyenne, qui recouvre plusieurs sous-objectifs. Alors que le taux est de 2,4% pour les soins de ville et de 2,1% pour les établissements de santé, l'"Ondam médicosocial" est ainsi de 2,8%, tandis que l'objectif général de dépenses (OGD) – intégrant les autres financements de la CNSA – atteindra 3,2%. Les personnes âgées seront plus particulièrement privilégiées, avec +2,9% pour l'Ondam (9,9 milliards d'euros) et +4,1% pour l'OGD, contre +2,6% (11,7 milliards) et +2,4% pour les personnes handicapées.

Pouvoir d'achat : maintien de la prime de 1.000 euros et simplifications en vue

Côté pouvoir d'achat et mesures post-gilets jaunes, la principale d'entre elles est la reconduction pour 2020 de la prime défiscalisée et "désocialisée" de 1.000 euros, versée toutefois à la seule initiative des entreprises.

De même, les aides fiscales et sociales pour les services à la personne échappent finalement au coup de rabot initialement envisagé pour les personnes de moins de 70 ans non dépendantes. En revanche, le gouvernement engage "l'extension du système 'tout-en-un' à l'ensemble des aides sociales et fiscales dans le secteur des services à la personne, sous la forme d'une expérimentation qui constituera la première brique d'un dispositif général faisant bénéficier, en temps réel, les particuliers de l'ensemble des dispositifs d'aide auxquels ils ont droit, dès lors qu'ils supportent le coût de la consommation de services à la personne". Le contenu de cette expérience de centralisation des aides, menée dans deux départements (Paris et le Nord) à partir de juillet 2020, reste cependant encore à préciser, notamment sur d'éventuels effets de friction.

Personnes âgées : retour de l'indexation

Côté personnes âgées, la principale mesure – issue directement du Grand Débat national – est le retour de l'indexation sur le niveau de l'inflation pour les pensions inférieures à 2.000 euros par mois. Pour les autres, la revalorisation sera de 0,3% en janvier 20120. Environ 12 millions de personnes âgées sont concernées par ce retour de l'indexation sur l'inflation. Cette indexation est également étendue aux titulaires de petites pensions d'invalidité et aux minima de pension notamment.

Par ailleurs, l'allocation de soutien aux personnes âgées (Aspa, ex-"minimum vieillesse") fera à nouveau – et comme prévu – l'objet d'une revalorisation exceptionnelle, respectivement au 1er novembre 2019 et au 1er janvier 2020. Ces revalorisations représentent un effort budgétaire supplémentaire de 500 millions d'euros sur trois ans.

Hors revalorisations, le PLFSS prévoit une "fluidification de la transition vers la retraite". En pratique, il s'agit de faciliter la transition des bénéficiaires de l'AAH et du RSA, en instaurant une automaticité de la liquidation de la retraite de base à taux plein des bénéficiaires de l'AAH à l'atteinte de l'âge légal (62 ans) et en clarifiant l'âge auquel les bénéficiaires du RSA sont tenus d'effectuer leur demande de retraite, qui sera désormais fixé à l'âge du taux plein (67 ans).

500 millions d'euros pour les Ehpad

Le PLFSS 2020 prévoit, en attendant le futur projet de loi, une enveloppe supplémentaire de 500 millions d'euros "pour amorcer la réforme du grand âge et de l'autonomie". Les Ehpad bénéficieront ainsi d'une enveloppe supplémentaire de 210 millions d'euros dès 2020 (et 240 millions en 2021) afin d'améliorer l'encadrement, avec la création de 5.200 postes. Deux autres enveloppes, respectivement de 15 et 50 millions d'euros, seront également dégagées pour renforcer le personnel infirmier de nuit dans les Ehpad et pour garantir aux établissements qui seraient pénalisés par la convergence tarifaire le maintien de leur niveau de dotation.

En outre, 130 millions d'euros seront affectés à l'investissement "pour amorcer un grand plan d'investissement en faveur de la rénovation et de la transformation des établissements médicosociaux". Cette enveloppe constitue le "premier pilier de l'offre globale d'accompagnement à la transformation des Ehpad, qui sera présentée en décembre".

En attendant les conclusions de la mission confiée à Myriam El Khomri sur les métiers du grand âge, le versement de la prime d'assistant de soins en gérontologie (ASG) sera progressivement généralisé aux aides-soignants des Ehpad ayant suivi une formation sur les spécificités de la prise en charge de la personne âgée. Enfin – et comme dans chaque PLFSS depuis plusieurs années – une enveloppe supplémentaire de 50 millions d'euros viendra soutenir le secteur de l'aide à domicile, "en attendant la réforme structurelle qui interviendra dans le cadre de la loi sur le grand âge et de l'autonomie".

Handicap : la revalorisation de l'AAH se poursuit

Côté personnes handicapées, l'AAH fera à nouveau – et comme prévu également – l'objet d'une revalorisation exceptionnelle, respectivement au 1er novembre 2019 et au 1er janvier 2020, afin de porter le montant mensuel à plus de 900 euros pour une personne seule, soit 100 euros de plus qu'en 2017, conformément à l'engagement d'Emmanuel Macron. D'ici à 2022, ces revalorisations représentent un effort budgétaire supplémentaire de plus de 2 milliards d'euros.

Autres revalorisations prévues : une hausse exceptionnelle, au 1er avril 2020, de l'allocation supplémentaire d'invalidité – qui équivaut au minimum social pour les titulaires d'une pension d'invalidité disposant de faibles ressources – portera l'ASI à un niveau garanti de 750 euros par mois, soit une hausse de 27 à 45 euros par mois selon les situations.

Une mesure est également prévue au 1er janvier 2020 pour les pensions d'invalidité des chefs d'exploitation agricoles afin de garantir un minimum de 319 euros par mois pour une invalidité partielle et de 565 euros pour une invalidité totale, soit une hausse respectivement de 29 euros et 200 euros par mois (chiffre indiqué dans le dossier de présentation du PLFSS, mais qui semble surprenant dans la mesure où il signifie que le montant des pensions serait aujourd'hui quasi équivalent dans les deux cas). En revanche, toutes les autres prestations sociales progresseront, l'an prochain, de 0,3% (comme annoncé et comme en 2019), ce qui laisse augurer à nouveau un décrochage sur le niveau de l'inflation.

Par ailleurs, le texte étend au secteur adulte l'encadrement conventionnel qui existe au titre de l'accord cadre franco-wallon du 21 décembre 2011 pour les établissements accueillant des enfants et des adolescents.

Enfin, le PLFSS prévoit d'instaurer de nouveaux modes de prise en charge des dispositifs médicaux, comme les fauteuils roulants, grâce à une procédure de "référencement sélectif" pour certains dispositifs et au développement du reconditionnement.

Aidants familiaux : l'aide arrive enfin

Longtemps annoncée, l'aide aux aidants se concrétise dans le PLFSS 2020. Alors qu'Agnès Buzyn l'annonçait plutôt pour la loi Grand Âge et autonomie, la mesure sera intégrée à un plan de mobilisation nationale en faveur des proches aidants, présenté à l'automne. La principale innovation est la mise en place d'une indemnisation du congé de proche aidant, instauré en 2016, pour les salariés, les travailleurs indépendants et les agents publics exerçant une activité professionnelle et qui s'arrêtent de travailler pour aider un proche en perte d'autonomie ou en situation de handicap.

Comme prévu, le montant de cette indemnisation du congé de proche aidant sera aligné sur celui de l'allocation journalière de présence parentale, pour les enfants malades (soit entre 43 et 52 euros par jour selon la composition du foyer). Le versement de cette allocation ouvrira des droits à la retraite pour son bénéficiaire. Cette mesure "constitue l'un des volets de la réforme à venir du grand âge et de l'autonomie et représente un investissement de plus de 100 millions d'euros par an en année pleine en intégrant la prise en charge des droits à l'assurance vieillesse", indique le gouvernement.

Famille, le parent pauvre du PLFSS

La famille est un peu le parent pauvre du PLFSS 2020. Outre le maintien du quasi-gel des prestations familiales (+0,3%), il ne comporte pas vraiment de mesures nouvelles. La présentation du projet de loi revient ainsi sur la montée en charge, déjà connue, de l'accompagnement des familles dans le paiement des pensions alimentaires et sur le renforcement du rôle de l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa).

Autre mesure déjà évoquée : l'amélioration de l'information des parents sur l'offre d'accueil disponible des enfants de moins de 3 ans, qui passera essentiellement par une amélioration du site mon-enfant.fr mis en œuvre par la Cnaf.

Même chose avec le renforcement de la prévention, qui se traduit notamment par une expérimentation sur l'amélioration de l'accès aux soins des enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et un soutien (qui reste à préciser) aux interventions de la PMI.

Maternités : un "nouveau droit" pour les femmes à plus de 45 minutes d'un hôpital

Côté santé, la plupart des mesures concernent les dépenses de l'assurance maladie à caractère médical. Certaines d'entre elles ont toutefois une incidence directe en matière d'action sociale. C'est le cas de la finalisation de la fusion de la CMU-C et de l'ACS (aide à la complémentaire santé), qui sera effective le 1er novembre 2019. Les dispositions du PLFSS 2020 concernent les dispositifs actuels de contrat de sortie de ces deux prestations. Il s'agit notamment d'harmoniser et de mieux faire connaître le dispositif qui permet de conserver le droit, pendant un an, à un contrat offrant les mêmes garanties que la protection antérieure à tarif préférentiel.

En matière d'accès aux soins, le PLFSS prévoit "un nouveau droit au bénéfice des femmes enceintes résidant à plus de 45 minutes d'une maternité", sous la forme d'un "bouquet de services d'accompagnement", comme des prestations de transport et d'hébergement à proximité de la maternité.

Hôpitaux de proximité et déserts médicaux

Le PLFSS entend aussi "accompagner la transformation des hôpitaux de proximité", à travers une adaptation des modalités de financement à leurs nouvelles missions et une sécurisation de l'activité de médecine – activité socle exercée par tous les hôpitaux de proximité –, grâce à une garantie pluriannuelle de financement. Le texte prévoit en outre d'instaurer une "dotation de responsabilité territoriale", permettant l'accès à des consultations de spécialités, des plateaux techniques et des équipements de télésanté.

La lutte contre les déserts médicaux va bénéficier du regroupement de quatre dispositifs existants d'incitation à l'installation des jeunes médecins en un contrat unique, intitulé "contrat début d'exercice" (CDE). Plusieurs mesures techniques sur les cotisations sociales doivent également faciliter l'installation des médecins en zones sous-denses.

À noter aussi plusieurs autres mesures significatives, mais plus éloignées de l'aspect médicosocial : création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides, dispositif de soutien aux patients atteints d'un cancer par la création d'un parcours d'accompagnement après la maladie, réforme du mode de financement de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation (SSR), rénovation de la nomenclature des actes pratiqués en ville ou encore lutte contre les pénuries et amélioration de la disponibilité des médicaments en France.

 

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