PLF 2025 : rejetée par l'Assemblée, la partie recettes arrive au Sénat
Les députés ont rejeté mardi la première partie (recettes) du projet de loi de finances, la coalition pro-gouvernementale s'étant opposée au remodelage du texte par les nombreux amendements du NFP visant à augmenter les recettes fiscales de l'Etat. C'est de ce fait dans sa version initiale que le PLF arrive en commission au Sénat, où le gouvernement disposera d'un soutien confortable.
Les députés ont rejeté mardi 12 novembre par 362 voix contre 192 (les voix de rejet ont principalement été celles de la coalition gouvernementale et du Rassemblement national) la partie "recettes" de ce projet de loi de finances (PLF) pour 2025, ce qui équivaut à repousser l'intégralité du texte. Et ce même si la partie "dépenses", sur laquelle le gouvernement escompte faire la plus grande partie de ses "60 milliards d'économies" n'a pas été étudiée dans l'hémicycle. Cette seconde partie vient de toute façon d'être rejetée par la commission des finances (voir notre article de ce jour).
Le ministre du budget, Laurent Saint-Martin, a confié après le vote une "forme de désolation", tout en saluant le rejet d'un "matraquage fiscal". Dans son viseur notamment, les très larges modifications décrochées dans l'hémicycle par le Nouveau Front populaire, qui a assorti le PLF de nouvelles taxes sur les superprofits, les superdividendes, les rachats d'actions, le patrimoine des milliardaires ou encore sur les "grandes sociétés du numérique". Au point de rendre le texte "NFP-compatible" selon les mots du président LFI de la commission des finances Eric Coquerel, qui a chiffré un solde net de recettes créées "de 58 milliards d'euros". Le gouvernement a lui pointé une "overdose fiscale", chiffrée à "35 milliards d'euros et qui n'épargnera personne".
Avant que le texte ne parte au Sénat, l'exécutif a multiplié les gestes envers sa fragile coalition à l'Assemblée. Au groupe Les Républicains (LR), il a annoncé que les pensions de retraite, qui devaient être gelées, seraient bien revalorisées au 1er janvier mais de la moitié seulement de l'inflation, et qu'il était prêt à introduire une clause de revoyure pour contrôler les effets d'une hausse de taxe sur l'électricité. Au groupe Horizons, il a proposé de travailler sur leur proposition d'"allocation sociale unique".
"C'est ici que les budgets vont s'écrire"
En commission ce mercredi 13 novembre, c'est dans sa version initiale que le PLF a été passé au crible par les sénateurs. En sachant que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) n'a pas pu être examiné entièrement par l'Assemblée dans les délais et est donc lui aussi arrivé au Palais du Luxembourg dans une version à peine amendée de quelques dispositifs acceptés par l'exécutif. Une version que la commission des affaires sociales du Sénat a d'ores et déjà retravaillée (voir notre article de ce jour).
Résultat : "C'est ici que les budgets vont s'écrire", résument en chœur la plupart des figures du Sénat, où le "socle commun" est très large, avec près de cinq groupes parlementaires et environ 250 sénateurs en appui au gouvernement sur les 348 de l'hémicycle. Le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), assure qu'il pourra proposer "plusieurs milliards d'économies" supplémentaires au gouvernement, lui-même déjà engagé dans un effort majeur à hauteur de 60 milliards d'euros.
Sur les dépenses de l'Etat, le Sénat a déjà proposé en commission plusieurs coups de rabot : la suppression du Service national universel (SNU) ou encore la réduction drastique du budget de la formation des enseignants, rarement consommé intégralement. Les sénateurs s'opposent à la hausse envisagée de la taxe sur les prix de l'électricité, pour "protéger le pouvoir d'achat" : cette hausse, qui devait rapporter 3,4 milliards d'euros, pourrait faire l'objet d'une "clause de rendez-vous" dans les prochains mois. En revanche, le Sénat propose de relever la taxe sur le gaz, avec un milliard d'euros de recettes espérées.
A contrario les collectivités locales seraient sensiblement plus épargnées que dans le PLF initial : "Nous oeuvrerons pour que ces efforts [des collectivités] soient drastiquement diminués", a promis le nouveau chef des sénateurs LR Mathieu Darnaud dans un entretien à L'Opinion. "Il est inutile de stigmatiser les collectivités qui sont un moteur de la croissance". La plupart des sénateurs s'opposent donc aux cinq milliards d'économies attendues. Les sénateurs ont donc supprimé en commission la réduction du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), censée rapporter 800 millions. Quant au fonds de "précaution" de 3 milliards d'euros, qui consiste en un prélèvement sur les recettes des 450 plus grandes collectivités, il devrait être remodelé en profondeur dans l'hémicycle.
Le marathon budgétaire s'étirera jusqu'à la mi-décembre. Si le PLF est adopté au Sénat, il devra ensuite passer en commission mixte paritaire (CMP) et un dernier vote dans chaque chambre avec probablement un 49.3 à l'Assemblée, où la gauche a déjà prévu de répondre par une motion de censure.