PLF : clap de fin avec la décision du Conseil constitutionnel
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a passé ce 13 février l'étape du Conseil constitutionnel, qui n'a pas censuré de disposition majeure. S'il a retoqué une série de cavaliers budgétaires - dont plusieurs, toutefois, concernent les collectivités -, il a jugé conformes aussi bien le gel de la part de TVA affectée aux collectivités que le "dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales" de ces mêmes collectivités. La loi de finances peut en tout cas être publiée, sachant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale termine maintenant en principe sa course côté Sénat.
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© Marc Rees CC BY 3.0
Le Conseil constitutionnel a censuré ce jeudi 13 février dix articles du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, mais aucun élément clef n'est retoqué dans cette décision qui constituait la dernière étape avant la promulgation du texte.
Les Sages, qui avaient été saisis de deux recours émanant respectivement des députés RN et LFI (voir notre article du 11 février), ont estimé que le projet de loi de finances a été adopté selon "une procédure conforme". Le retard de la présentation du texte au Parlement ne portait "pas d'atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire", ont-ils indiqué.
Sur les dix articles censurés, neuf ont été considérés comme des "cavaliers budgétaires", c'est-à-dire des dispositions ne relevant pas des lois de finances. Certains d'entre eux concernent les collectivités :
- Modification des conditions dans lesquelles les EPCI peuvent mettre à la charge des communes un prélèvement sur leurs ressources et leur reverser le montant de certains fonds.
- Modification des modalités de cession de certains contrats d’achat d’électricité détenus par les entreprises locales de distribution.
- Conditions de réunion, d’information et de consultation des commissions consultatives départementales sur la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).
- Modification des modalités de révision des attributions de compensation entre établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris (MGP) et leurs communes membres.
- Remise au Parlement par le gouvernement d'un rapport sur la politique de l’économie sociale et solidaire (ESS).
- Remise au Parlement par le gouvernement d'un rapport sur le régime d’assurance chômage des travailleurs frontaliers.
- Création d'un établissement public national à caractère industriel et commercial chargé notamment de gérer le patrimoine immobilier de l’État.
Un autre article censuré ne répondait pas à la règle dite de l'entonnoir, qui interdit d'introduire dans un texte des mesures nouvelles sans relation directe avec les dispositions restant en discussion, alors que le gouvernement de François Bayrou a bâti le budget sur la base du projet de loi de son prédécesseur Michel Barnier. Cet article visait à rendre éligibles au FCTVA certaines redevances versées à une société publique locale d’aménagement d’intérêt national par les collectivités et leurs groupements. La mesure avait été introduite en CMP sans être "en relation directe avec une disposition restant en discussion", a jugé le Conseil.
Gel de la TVA et Dilico : libre administration et autonomie financière préservées
La saisine des députés RN ciblait quatre articles, dont ceux modifiant la fixation du prix de l'électricité nucléaire et celui qui alourdit le malus écologique automobile. De l'autre, le groupe LFI contestait une dizaine de mesures, en particulier celles visant les ressources des collectivités, ainsi que le tour de vis contesté sur le seuil d'exemption de TVA des autoentrepreneurs (dont le gouvernement a, entre temps, annoncé la suspension). Aucune de ces mesures ne sont remises en cause par le Conseil.
S'agissant des finances locales, les députés LFI contestaient d'une part le gel de la fraction du produit de TVA affectée aux collectivités en 2025, y voyant une réduction des ressources propres des collectivités et ainsi une atteinte aux principes d’autonomie financière et de libre administration. Or selon le Conseil, "la minoration du montant des recettes en résultant pour ces collectivités", dans la mesure où elle "représenterait 1,2 milliard d’euros, soit environ 0,35 % du total de leurs ressources propres", "n’est pas d’une ampleur telle qu’elle entraverait la libre administration des collectivités territoriales ou porterait atteinte à leur autonomie financière".
Autre disposition du PLF mise en cause par cette saisine LFI : l'instauration du "dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités". Le Conseil souligne que "si le dispositif de lissage conjoncturel porte sur un montant total d’un milliard d’euros en 2025, celui-ci est réparti entre l’ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements en fonction, notamment, de leur population et de leurs ressources et charges" et que "pour chaque collectivité ou groupement, la contribution ne peut excéder 2% des recettes réelles de fonctionnement de son budget principal". Il rappelle en outre que "le produit de chacune des contributions est reversé, dans les trois années suivant sa mise en réserve, à hauteur d’un tiers par année et dans la limite du montant du produit de la contribution pour l’année en cours, à raison de 90% de son montant" aux collectivités et EPCI "au prorata de leur contribution" (les 10% restants étant alloués à trois fonds de péréquation). Là encore donc, tranche-t-il, libre administration et autonomie financière ne seraient aucunement remises en cause.
Fin de parcours
Cette décision du Conseil constitutionnel sonne enfin la fin du parcours du PLF, avec probable publication imminente de la loi. En sachant que la veille, mercredi, l'Assemblée nationale avait rejeté le dernier obstacle théorique pesant sur le gouvernement, à savoir une nouvelle motion de censure déposée suite au troisième 49.3 enclenché par François Bayrou sur l'autre texte financier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cette dernière motion n'a recueilli que 121 voix, loin des 289 nécessaires. "Nous voilà, peut-être, au terme d'un marathon", s'est félicité le Premier ministre à la tribune.
Et ce jeudi, le PLFSS a passé sans heurts l'étape de la commission des Affaires sociales au Sénat. En commission, "on a voté pour un avis conforme pour ne pas remettre une pièce dans le jukebox, et parce que les directeurs d'hôpitaux et d'Ehpad ont besoin de visibilité", a expliqué à la rapporteure générale au Sénat, Élisabeth Doineau. Si le texte est voté une nouvelle fois dans l'hémicycle sénatorial sans modification en début de semaine prochaine, le texte sera considéré comme définitivement adopté au Parlement. S'il est modifié, il devra en revanche repasser par l'Assemblée, avec selon toute vraisemblance un nouveau 49.3.